Deux conférences respectivement animées par Manouk Borzakian (essayiste et géographe) et Lionel Naccache (neurologue et essayiste)
«Géographie Zombie, les ruines du capitalisme»
Avec Manouk Borzakian, essayiste et géographe, suivi d'un échange avec Béatrice Vallaeys, journaliste et écrivain.
Que révèle le zombie de son époque ? Apparu sur les écrans sous une forme renouvelée il y a un demi-siècle, figure incontournable de la culture populaire depuis les années 2000, le monstre inspire philosophes, sociologues et psychanalystes : retour du refoulé, peur de l’Autre, angoisse de l’infection, le zombie raconte les mille questionnements de l’Occident d’après les Trente Glorieuses, d’après la chute du Mur, d’après le 11 Septembre.
Mais on peut retourner l’interrogation : que faisons-nous, humains, face aux zombies ? Barricades, murs et autres moyens de mise à distance, armes en tous genres, méfiance généralisée, télésurveillance… À travers les stratégies des protagonistes des films de zombies, de quel type de rapports des sociétés à leur environnement la fiction se fait-elle l’écho ?
La crise zombie traduit une perte générale de repères, en particulier géographiques. L’espace constitue un fondement de notre existence, de notre être au monde : distances, frontières, directions ou toponymes donnent du sens, nous contraignent et nous servent d’outils. Les zombies viennent saper ces repères et génèrent un monde dans lequel les réalités humaines et non humaines ne sont plus « à leur place ». Devant cet « espace liquide », cette étendue parsemée de ruines du présent, il faut tout réinventer, tracer de nouvelles frontières ou en préserver d’anciennes, refonder l’ici et l’ailleurs. Bref, il faut « refaire lieu ».
Autant d’enjeux politiques et éthiques. Comme l’épidémie de Covid-19 – plus largement comme le capitalisme tardif et le vide qu’il instille dans nos vies –, l’invasion zombie donne lieu à un affrontement entre des visions du monde inconciliables, entre obsession de la survie et volonté de rebâtir une société plus juste.
«Les zombies : un symptôme de l'épilepsie sociétale»
Avec Lionel Naccache, neurologue et essayiste.
À travers une analogie entre la communication qui opère au niveau macrocosmique de nos sociétés d’information post-industrielles, et celle qui se joue en permanence à quelques centimètres sous notre scalp, au niveau microcosmique de notre cerveau, j’introduirai le concept de « voyage immobile » puis celui d’épilepsie sociétale. Cette approche permettra alors de dégager l’un des enjeux sociétaux majeurs : la possibilité d’atteindre un niveau de conscience sociétale supra-individuelle inédit, versus le risque de perdre cette conscience sociétale par le mécanisme d’épilepsie sociétale décrit. La tension dynamique entretenue par ces deux possibilités permettra alors de proposer une interprétation du film de zombie envisagé comme une erreur du maniement de l’analogie proposée, à travers une confusion entre le niveau macrocosmique supra-individuel qui vise le fonctionnement de la société, et le niveau microcosmique cérébral individuel.