Les conclusions les plus évidentes cachent parfois les situations les plus mystérieuses. Demandez à vos voisin.e.s marseillais.e.s d’où vient l’eau qu’ielles boivent. La plupart répondront en riant quelque chose comme, « du robinet, bien sûr. Vous en voulez ? Il suffit de tourner la poignée.”
Il en va ainsi, tout particulièrement si vous avez passé votre vie à maîtriser la survie en appartement. Mais le robinet n’est que le dernier endroit par lequel l’eau est passée, non pas là d’où elle vient. Avant cela, elle était dans des tuyaux, et avant encore dans des conduites d’eau. Elle y est arrivée depuis une station de potabilisation à Sainte Marthe, et avant encore depuis le canal de Marseille, connecté à un autre canal – le canal usinier EDF, connecté à un lac de stockage… « Dites-moi donc le nom du lac et je saurai d’où vient vraiment l’eau. – Serre-Ponçon… ».
Trouver son nom et, mieux encore, marcher sur les bords de ce lac s’apparente définitivement à une première étape vers l’acquisition d’un sens du soin et de la gratitude.
Mais ce lac n’est qu’un endroit parmi d’autres où l’eau est passée. Elle est arrivée par le ruissellement des eaux de pluie, de la neige tombée des nuages et de la fonte des glaciers. Et ces glaciers ? Et ces nuages ? D’où viennent-ils alors ? Des eaux évaporées de l’océan ? De la rencontre de deux systèmes climatiques ? Quelles que soient les forces impliquées dans la formation d’un nuage ou d’un glacier particulier, la source de chaque goutte d’eau qui s’y trouve demeure un profond mystère. Si quoique ce soit peut être dit sur l’état par excellence de l’eau, c’est probablement qu’elle ne finit ni ne commence nulle part, mais qu’elle est prise dans un cycle permanent qui l’emmène d’une forme et d’un emplacement vers un autre.
Savoir que l’eau est toujours prise dans un cycle a une grande valeur pratique (quelle que soit la fragilité de notre perception de chaque phase du cycle). Cela signifie, par exemple, que rejeter des eaux usées ou chimiquement polluées ne permettra pas vraiment de se débarrasser de ces polluants. Ils seront juste transportés dans le flux suivant, où qu’il soit : la prise d’eau d’une ville en aval, peut-être, ou à travers le sol pour s’infiltrer ensuite dans des puits. Et un jour elle s’infiltre dans nos corps et nos tissus dansants. Ce savoir est la base de ce que l’on pourrait appeler « une politique sensible du cycle de l’eau ».
C’est une invitation à fêter notre ruisseau, les 30 septembre et 1 octobre 2023, pour le raconter dans ces cycles, le danser dans ces cycles, et construire ensemble quelque chose de cette politique commune des cycles. Des gestes simples comme glaner, nettoyer, se raconter des histoires, se faire des costumes, se dire ce qui a été fait le long de ce ruisseau cette année, lire et voir les futurs de ce ruisseau.
Samedi 30 septembre – 9h30 à 21h30 :
14h à 18h – Accès libre.
9h30 à 12h30 – Ramassage de déchets au jardin de la cascade des Aygalades.
14h à 16h – Ateliers par le collectif des Gammares (atelier carto, tarot du ruisseau, pêche aux Gammares, Made in the river création, assemblée de l’eau, la Petite collection de SAFI…) dans le jardin de la cascade des Aygalades.
14h à 17h – Zone d’écoute de podcasts sur le ruisseau des Aygalades.
16h30 à 17h – Restitution de la balade du Capri-sun par le collectif SAFI.
17h à 21h30 – Performance Caring banquise de Mathilde Monfreux avec les créatures du ruisseau de Made in the river.
Dimanche 1er octobre – 10h à 16h30 :
10h à 14h – Un Dimanche aux Aygalades
14h30 à 16h30 – Kara-eau-ké
La Fête du ruisseau est organisée par l’ensemble des acteurs du collectif des Gammares en partenariat avec Lieux publics – centre national et pôle européen de création.
CC