Que faire des cons ? + La médiaconnerie

Conférence par Maxime Rovere (philosophe et auteur de Que faire des cons ?), suivie d'une rencontre proposée par le magazine Marianne avec Alain Léauthier (conseiller éditorial Marianne), Isabelle Barbéris (maître de conférence en arts de la scène et chercheuse associée au CNRS) et Benoît Gilles (journaliste, Marsactu).

«Que faire des cons ?»
 

"Les cons sont partout, mais aucun philosophe n'en a jusqu'à présent formulé le concept. Ils ont vu en elle un obstacle à la connaissance, ou à l’accomplissement moral, ou à la saine discussion, ou à la vie en commun, sous les formes de ce que les uns et les autres ont appelé l’opinion, les préjugés, l’orgueil, la superstition, l’intolérance, les passions, le dogmatisme, le pédantisme, le nihilisme, etc. Ce faisant, ils ont contribué à éclairer la connerie, bien sûr, sous de nombreux aspects. Mais parce qu’ils l’ont toujours excessivement intellectualisée, il leur a été impossible de l’affronter par l’angle sous lequel elle constitue un authentique problème. Pour dire les choses simplement, le problème n’est pas la connerie, ce sont les cons. En effet, qui peut dire sérieusement qu’on doit les anéantir - à part peut-être les plus dangereux, les pires des cons eux-mêmes ? Une approche philosophique permet de comprendre la connerie tout autrement. Il s'agit d'une maladie extrêmement contagieuse, ou plus exactement, d'une pathologie des interactions, apte à faire déchoir n'importe qui de sa propre intelligence : et c'est ainsi que chacun se retrouve être le con ou la conne d'un autre. Se concentrer sur les interactions est donc le seul moyen de sortir de ces sables mouvants, et d'éviter les désastres dans lesquels il nous arrive à tous de nous naufrager régulièrement." 

- Maxime Rovere

« La médiaconnerie »  

"La médiacratie est en crise. À quelques exceptions notables près, éventuellement rassurantes, la presse écrite a perdu une partie importante de son lectorat, parti faire son marché d'infos, ou d'infox, ou xe débats, sur les milles sites de la toile. Autrefois quasiment acquise la publicité lui est désormais comptée. Trop coûteux, battu en brèche par la multiplication des chaînes d'info, le grand reportage s'y fait rare, l'enquête au long cours y est devenue un luxe qu'elle s'offre avec parcimonie. Alors nécessité fait loi : à défaut de pouvoir encore prétendre assumer ce qui fit un temps leur grandeur (informer le plus grand nombre, éduquer, prendre en charge les débats de la société) les médias, pour tenter de survivre, font le buzz. Ou du moins s'y essayent, titillés qu'ils sont en permanence par les réseaux sociaux dont c'est le pain quotidien et l'essence même. Composante essentielle du processus démocratique dans les sociétés supposément avancés, elle joue moins qu'avant son rôle de stimulation des consciences. La concentration économique des titres en a réduit la diversité et, sous l'influence des idéologies post-modernes, la police de la pensée y gagne sans cesse du terrain. Si l'Internet rend con, comme il est d'usage de le répéter, les médias ont peut-être leur responsabilité dans cet affaissement de l'intelligence collective."

- Alain Léauthier

TNM La Criée
Le mardi 12 octobre 2021 à 19h
6/13 €
www.semainedelapopphilosophie.fr
30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille
04 91 54 70 54

Article paru le mercredi 29 septembre 2021 dans Ventilo n° 451

Semaine de la Pop Philosophie

Cons prometteurs

 

Pour sa treizième édition, la Semaine de la Pop Philosophie s’empare, sous la houlette du psychologue et journaliste Jean-François Marmion, de « cette mauvaise fée aux mille visages [qui] s’est penchée sur le berceau de l’humanité (…), [qui] suivra notre espèce jusqu’à la tombe, et la creusera peut-être » : la connerie.

    Mesure-t-on le degré de connerie d’un peuple à ses choix démocratiques ? La connerie a-t-elle des vertus cathartiques ? La connerie fait-elle l’histoire ? L’humain est-il fondamentalement con ? La connerie peut-elle être intelligente ? Autant de questions politiques, psychanalytiques, archéologiques, anthropologiques, sociologiques, cinématographiques, ontologiques… (bref, le programme est riche et il y en a pour tous les goûts) soulevées par cette treizième saison de la Semaine de la Pop Philosophie. Autant de questions qui se posent à l’heure où les réseaux sociaux et les médias fabriquent davantage des moutons (défis TikTok, BFMtv…) que de la diversité ; où le peuple états-uniens est capable d’élire un animateur de télévision et où les sondages de l’élection présidentielle française à venir annoncent plus de 30 % d’intentions de vote à l’extrême droite ; où les voitures continuent de rouler, les grandes chaines industrielles de tourner, les centrales nucléaires de produire, dans une situation climatique cataclysmique. Auteur de Psychologie de la connerie et Histoire universelle de la connerie, le psychologue Jean-François Marmion est le conseiller scientifique de cette semaine pop philosophique qui se tiendra de la Criée au Mucem en passant par Coco Velten, le Muséum d’Histoire naturelle, le FRAC PACA ou les cinémas Variétés et César. Adrien Dénouette avec « Petit traité de félicité ignorante » et Morgan Labar avec « La gloire de la bêtise : régression et superficialité dans les arts depuis la fin des années 1980 » proposent l’un et l’autre, d’une certaine manière, de s’interroger sur la dimension cathartique de la connerie. Les deux réflexions se complètent et la première, plus politique, considère l’idiotie des contenus pop culturels (Nicki Minaj, par exemple) non pas comme sidérante et vecteur de « passivité consumériste », mais plutôt comme « le signe de la bonne santé démocratique dune société ». Martin Legros (philosophe et rédacteur en chef de Philosophie Magazine) s’intéressera pour sa part à un contenu culturel populaire français : les caméras cachées de François Damiens allias François L’Embrouille, la figure du con par excellence. Mais le con joué ne subit pas sa connerie, il la crée. De même que les artistes pensant la connerie dans leurs œuvres, qui donneront matière à réflexion à Morgan Labar. À ce propos, Frédéric Pagès distingue le con du déconnant : « L’imbécilité est une chose sérieuse », comme Maurizio Ferraris titre sa conférence, contrairement à l’humour, qui n’est pas sérieux, mais intelligent. Trois autres conférences soumettent la connerie à l’épreuve du temps : « La connerie, un moteur de l’histoire » de Jean-François Dortier, « Une histoire globale de la connerie est possible indispensable » de Laurent Testot et « La préhistoire de la connerie » de Jean-Paul Demoule. « Cest bien la connerie, en effet, qui a permis à un primate, parmi 181 autres, de prendre possession de la planète au point dagir sur son climat et denclencher la sixième extinction massive des espèces ? », s’interroge faussement ce dernier. Deux projections sont également au programme : Dumb & Dumber (1994) des frères Farrelly au Variétés le 12 (suite au « Petit traité de félicité ignorante » d’Adrien Dénouette) ainsi que Lenny (1974) de Bob Fosse le 14 au César, suite à la conférence de Marie Treps, « Un mal, des mots. La France est-elle devenue raciste ? ». Enfin, avis à tous les cons et à tous les intellos, puisque poser des questions et la névrose nous/vous unissent : la philosophe praticienne Sophie Geoffrion propose « de décortiquer ensemble vos interrogations plus ou moins connes » le samedi 16 à la Maison Hantée. Il n’y a que les cons pour se rendre à un tel rendez-vous ! Sûrement un coup de Sarah Al-Matary (« Faut-il détester les intellos ? ») ou de Maxime Rovere, qui se dit prêt à « anéantir » les cons « les plus dangereux » !  

Romane Charbonnel

 

Semaine de la Pop Philosophie : du 11 au 16/10 à Marseille.

Rens. : www.semainedelapopphilosophie.fr

Le programme complet de la Semaine de la Pop Philosophie ici