La préhistoire de la connerie 

Rencontre avec Jean-Paul Demoule (archéologue, ancien président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives - Inrap) et Thibaut Sardier (journaliste à Libération, service Idées, et essayiste)

Si la « connerie » n’est pas nécessairement un concept historique, voire philosophique, très défini ni très élaboré, sans même évoquer ses connotations sexistes, elle offre néanmoins l’occasion de s’interroger, de manière pas forcément futile, sur la trajectoire générale de l’humanité. Le regretté François Cavanna avait d’ailleurs publié sur ce sujet dès 1986 un ouvrage de référence, Et le singe devint con. C’est bien la connerie, en effet, qui a permis à un primate, parmi 181 autres, de prendre possession de la planète au point d’agir sur son climat et d’enclencher la sixième extinction massive des espèces ? On ne saurait néanmoins réduire cette impressionnante trajectoire, longtemps conçue comme triomphante mais désormais comme angoissante, à une sorte de destinée irrémédiable et tracée d’avance. Elle résulte en effet, au fil de siècles et des millénaires, de choix, souvent fort divers selon les successives sociétés humaines. Ainsi, était-il logique pour une espèce africaine, ou du moins de certains de ses membres, de choisir de sortir de son confortable berceau pour aller vivre à grand peine sous d’improbables latitudes ? Tous n’ont d’ailleurs pas fait ce choix. Était-il vraiment sage de domestiquer des animaux et des plantes au prix d’un temps de travail quadruplé, d’une démographie incontrôlable, d’un épuisement des ressources naturelles et, entre autres, de pandémies généralisées ? pourquoi 99% de ces primates admettent-ils qu’un centième d’entre eux possèdent les deux tiers des richesses mondiales, alors qu’ils sont – et très largement – majoritaires ? Voilà quelques-unes des questions que nous pourrons nous poser à cette occasion, du moins entre primates réputés intelligents. 

— Jean-Paul Demoule 

Muséum d'Histoire Naturelle de Marseille
Le samedi 16 octobre 2021 à 16h30
Entrée libre. Réservation conseillée à resa.popphilo@gmail.com
www.semainedelapopphilosophie.fr
Palais Longchamp
1 Boulevard Philippon
13004 Marseille
04 91 14 59 55
04 91 14 59 55

Article paru le mercredi 29 septembre 2021 dans Ventilo n° 451

Semaine de la Pop Philosophie

Cons prometteurs

 

Pour sa treizième édition, la Semaine de la Pop Philosophie s’empare, sous la houlette du psychologue et journaliste Jean-François Marmion, de « cette mauvaise fée aux mille visages [qui] s’est penchée sur le berceau de l’humanité (…), [qui] suivra notre espèce jusqu’à la tombe, et la creusera peut-être » : la connerie.

    Mesure-t-on le degré de connerie d’un peuple à ses choix démocratiques ? La connerie a-t-elle des vertus cathartiques ? La connerie fait-elle l’histoire ? L’humain est-il fondamentalement con ? La connerie peut-elle être intelligente ? Autant de questions politiques, psychanalytiques, archéologiques, anthropologiques, sociologiques, cinématographiques, ontologiques… (bref, le programme est riche et il y en a pour tous les goûts) soulevées par cette treizième saison de la Semaine de la Pop Philosophie. Autant de questions qui se posent à l’heure où les réseaux sociaux et les médias fabriquent davantage des moutons (défis TikTok, BFMtv…) que de la diversité ; où le peuple états-uniens est capable d’élire un animateur de télévision et où les sondages de l’élection présidentielle française à venir annoncent plus de 30 % d’intentions de vote à l’extrême droite ; où les voitures continuent de rouler, les grandes chaines industrielles de tourner, les centrales nucléaires de produire, dans une situation climatique cataclysmique. Auteur de Psychologie de la connerie et Histoire universelle de la connerie, le psychologue Jean-François Marmion est le conseiller scientifique de cette semaine pop philosophique qui se tiendra de la Criée au Mucem en passant par Coco Velten, le Muséum d’Histoire naturelle, le FRAC PACA ou les cinémas Variétés et César. Adrien Dénouette avec « Petit traité de félicité ignorante » et Morgan Labar avec « La gloire de la bêtise : régression et superficialité dans les arts depuis la fin des années 1980 » proposent l’un et l’autre, d’une certaine manière, de s’interroger sur la dimension cathartique de la connerie. Les deux réflexions se complètent et la première, plus politique, considère l’idiotie des contenus pop culturels (Nicki Minaj, par exemple) non pas comme sidérante et vecteur de « passivité consumériste », mais plutôt comme « le signe de la bonne santé démocratique dune société ». Martin Legros (philosophe et rédacteur en chef de Philosophie Magazine) s’intéressera pour sa part à un contenu culturel populaire français : les caméras cachées de François Damiens allias François L’Embrouille, la figure du con par excellence. Mais le con joué ne subit pas sa connerie, il la crée. De même que les artistes pensant la connerie dans leurs œuvres, qui donneront matière à réflexion à Morgan Labar. À ce propos, Frédéric Pagès distingue le con du déconnant : « L’imbécilité est une chose sérieuse », comme Maurizio Ferraris titre sa conférence, contrairement à l’humour, qui n’est pas sérieux, mais intelligent. Trois autres conférences soumettent la connerie à l’épreuve du temps : « La connerie, un moteur de l’histoire » de Jean-François Dortier, « Une histoire globale de la connerie est possible indispensable » de Laurent Testot et « La préhistoire de la connerie » de Jean-Paul Demoule. « Cest bien la connerie, en effet, qui a permis à un primate, parmi 181 autres, de prendre possession de la planète au point dagir sur son climat et denclencher la sixième extinction massive des espèces ? », s’interroge faussement ce dernier. Deux projections sont également au programme : Dumb & Dumber (1994) des frères Farrelly au Variétés le 12 (suite au « Petit traité de félicité ignorante » d’Adrien Dénouette) ainsi que Lenny (1974) de Bob Fosse le 14 au César, suite à la conférence de Marie Treps, « Un mal, des mots. La France est-elle devenue raciste ? ». Enfin, avis à tous les cons et à tous les intellos, puisque poser des questions et la névrose nous/vous unissent : la philosophe praticienne Sophie Geoffrion propose « de décortiquer ensemble vos interrogations plus ou moins connes » le samedi 16 à la Maison Hantée. Il n’y a que les cons pour se rendre à un tel rendez-vous ! Sûrement un coup de Sarah Al-Matary (« Faut-il détester les intellos ? ») ou de Maxime Rovere, qui se dit prêt à « anéantir » les cons « les plus dangereux » !  

Romane Charbonnel

 

Semaine de la Pop Philosophie : du 11 au 16/10 à Marseille.

Rens. : www.semainedelapopphilosophie.fr

Le programme complet de la Semaine de la Pop Philosophie ici