Le "Parler de soi" en poésie : situation contemporaine

Parler de soi n’a rien d’évident. Quelle identité personnelle pourrait bien soutenir cette parole ? En quoi une pensée peut-elle être dite « mienne » ? Ces réflexions ont touché le langage de la poésie, où l’expression se trouve au principe même du genre lyrique sous sa forme moderne. De fait, l’effacement du sujet a été la grande affaire de la modernité poétique. Cependant l’ancien principe s’est mué en doxanouvelle : les grands thèmes de cette modernité et la poétique de ses héros ont souvent été réduits à des mots d’ordre. On peut chercher à restaurer la possibilité théorique d’un « parler de soi » en poésie. Mais ce qui se passe va plus vite que toute élaboration : on assiste au resurgissement de l’expression dans le champ poétique contemporain, parallèlement à la possibilité donnée à tout un chacun d’élaborer sur les réseaux une image de soi comme poète.
Trouble, amusé ; interrogation sur le présent, spéculations sur ce qui pourrait se passer… C’est de cela que je vais parler. Je le ferai sans me dérober à ce qu’implique mon sujet, c’est-à-dire, en partant de mon propre rapport à cette question, qui implique une lutte contre moi-même.

— Jean-François Puff

Poème anonyme

dans ce rêve le livre de poésie qu’il fallait écrire était intitulé je

c’était par antiphrase et d’ailleurs ce n’était pas un livre de poésie

il s’agissait de photographies de classe reliées

– fin de l’année scolaire – au format paysage

on ne voyait pas les visages ni les corps juste les silhouettes en ombre

une présence cependant partout et nulle part animait de ses cris d’autres cris

à l’appel de son nom qui n’a rêvé répondre « absent »