Murmurations. Volet 1

Carte blanche à Agent Troublant, Belsunce Project, Le Berceau, Cabane Georgina, Giselle’s Books, Gufo, Loë Zang, MUFF, Sissi Club, SOMA, Southway Studio, Tank art space, Thomas Mailaender x Tuba et Voiture 14

Murmurations désigne le regroupement d’oiseaux en vol qui, se rejoignant et se divisant successivement, forment et déforment des nuages.

 

Participants :

Agent Troublant
Depuis 2018 l’Agent Troublant s’emploie à promouvoir des artistes méconnu·e·s et émergent·e·s ainsi que les pratiques de l’auto-édition. Ouvert à toustes, quatre jours par semaine, le lieu accueille, encourage et fait se rencontrer artistes, curieu.ses.x et riverain.e.s. Pour Murmurations l’Agent Troublant monte un fonds documentaire intitulé Agentrification à consulter au sein de l’espace d’exposition, dans une scénographie de Thibaut Ceasar.

7 rue Pastoret, Marseille 06 | agenttroublant.fr | @agent_troublant

Belsunce Projects
Un lieu indépendant et associatif destiné au développement et à la diffusion de la création contemporaine à l’échelle locale et internationale. Sa programmation est conçue comme une expérience sans cesse renouvelée, régie par l’idée de forme ouverte. Cartes blanches, expositions personnelles et collectives, discussions et clubs de lecture, tables rondes… depuis juin 2021, le projet est devenu nomade et les projets sont désormais accueillis par des structures sœurs. Pour Murmurations, Belsunce Projects propose une installation évolutive autour d’un poème composé à 4 mains des fondateur·ice·s du projet Won Jin Choi pour la partie textuelle et Basile Ghosn à la production d’images.

belsunceprojects.space | @belsunceprojects

Le Berceau
Un lieu d’exposition temporaire fondé en 2020 par la curatrice Oriane Durand. Pour Murmurations, le Berceau invite les artistes peintres Simon Bergala (FR) & Marieta Chirulescu (ALL) pour un duo show.

15 rue du Berceau, Marseille 05 | @le_berceau_marseille

Cabane Georgina
Un laboratoire où artistes visuels, écrivain·e·s, éditeur·ice·s, danseur·euse·s, musicien·ne·s sont accueilli·e·s en résidence. Chaque été, «la saga de la Cabane Georgina» prend vie en chapitres, avec concerts, fêtes, expositions. Pour Murmurations la Cabane Georgina invite Camille Santacreu, Noémie Pfeiffer, Mathias Depardon et Franck Gabarrou pour une proposition collective et participative à l’image du lieu.

2 chemin du Mauvais-Pas, Marseille 08 — a-ken.org | @cabanegeorgina

Giselle’s Books
Une bibliothèque indépendante d’archives de livres d’artistes et d’écrits sur l’art. Pour Murmurations, Giselle’s Books propose une installation présentant le deuxième volume de All the Books — Vol.I, une publication se proposant de travailler au recollement de l’ensemble documentaire de Giselle’s Books sous forme organique et évolutive en organisant à chaque volume le fonds d’une manière différente.

28 Rue Des Convalescents, Marseille 01 | gisellesbooks.com | @gisellesbooks

Gufo
Gufo désire questionner nos moyens d’actions et de subsistance individuels et collectifs, nos conditions économiques et contextuelles, nos énergies nécessaires et nos dépenses inhérentes ; notamment à travers ses recherches autour du pain, comme élément central, vital et symbolique.
Depuis Mai 2021, Gufo s’est associé·e à Traduttore, traditore pour fonder la revue HOOT, conversation imprimée autour de la notion de travail. Pour Murmurations, Gufo invite quatre artistes à produire une série de moule à pain en céramique : Opale Mirman, Lisa Mouchet, Lou Jelenski et Romain Kloeckner. Les moules seront présentés dans l’espace et activés via des cuissons à l’occasion de banquets.

gufoofug.com | @gufo_gufo_gufo

Loë Zang
Une plateforme d’exposition nomade basée à Marseille, montrant les positions internationales d’artistes contemporain·e·s. En tant que projet curatorial, Loë Zang représente les positions émergentes et internationales d’artistes contemporain·e·s et explore les possibilités transcendant le concept d’un espace fixe pour créer les conditions organiques favorisant la communauté, le dialogue et l’échange visuel. Les expositions précédentes se sont déroulées dans un petit espace niché dans un immeuble de bureaux Cours Lieutaud, qui avant servait d’atelier. Pour Murmurations, Loë Zang propose de montrer une œuvre photographique de Matthias Steinkraus & Manuel Wetscher (All).

www.loezang.com | @loezang

MUFF – Marseille Underground Film Festival
Depuis plus de 6 ans le MUFF présente la programmation de niches artistiques peu visibilisées dans les domaines des cinématographies contemporaines, des productions sonores/musicales expérimentales et des écritures élargies issues de la recherche, de l’édition et des champs performatifs. Manœuvré par une collective d’artistexs, programmatricexs, curatricexs, MUFF résonne dans la vie alternative culturelle marseillaise comme au-delà, croise l’hybridité de ses intérêts artistiques comme de ses champs d’action. Ses relations de pair-à-pair convergent vers la circulation de mémoires choisies pour développer de l’apprentissage au cœur de la rencontre. L’installation de MUFF pour Murmurations est une projection du film de la performance Black Power Naps, Choir of the Slain XX de Navild Acosta & Fanny Sosa.

@muff.festival

SISSI
SISSI est une entité curatoriale pensée par Elise Poitevin et Anne Vimeux, créée en avril 2018 à Marseille, avec la complicité graphique de Tomas Di Giovanni. Elle donne lieu à l’ouverture, en avril 2019, de SISSI club, un espace d’exposition et une galerie dédiés à la scène émergente.
La programmation s’articule autour de trois axes : un accompagnement dans la création de la première exposition personnelle, des projets de recherche curatoriales pour les expositions collectives et des formats événementiels de performances, lectures et éditions dans le programme INVITE.E.X.S imaginé par Anne Vimeux. Pour Murmurations, SISSI invite les artistes Inès Di Folco & Estel Fonseca pour un duo show, dont les œuvres ouvrent des espaces salvateurs, reliant médecine et spiritualité.

18 rue du Coq, Marseille 01 | sissi-club.com | @sissi.club

SOMA
Créé en 2020 dans le quartier de la Plaine à Marseille, SOMA est un lieu d’art hybride qui a pour principale mission l’accueil d’artistes en résidence. Autour de chaque accueil s’organise une programmation : expositions, conférences, concerts… Pensé comme lieu de convivialité et de décloisonnement, SOMA s’organise autour d’un bar, envisagé comme interface entre des projets artistiques expérimentaux, une programmation festive et le quartier. Pour Murmurations, une fenêtre s’ouvrira sur SOMA, par un dispositif ludique de streaming montrant en direct les artistes en résidence au SOMA sur la période : Hugo Mir-Valette, Ben Saint Maxent, Ann Mysochka et Léa Puissant. Ces dernier·ères auront la possibilité d’intervenir dans l’espace de la Friche pendant leur résidence.

55 Cours Julien, Marseille 06 | soma-art.org | @soma.marseille

Southway Studio
Une structure inclassable et multiforme active dans le commissariat d’exposition, les résidences d’artistes et la conception et réalisation d’objets d’art et décoration intérieure. Southway cherche à établir un dialogue entre le territoire de Marseille, son patrimoine culturel et l’art contemporain, au travers de l’esthétique de ses créations, de l’accompagnement des artistes à la production ou des actions curatoriales, sous la direction artistique d’Emmanuelle Luciani. Southway Studio organise plusieurs fois par an des expositions collectives ambitieuses. Depuis sa fondation, Southway Studio est animé par l’objectif de porter une réflexion sur les interactions entre art et artisanat. Pour Murmurations, Southway Studio invite Bella Hunt & DDC et Andrew Humke à investir l’espace.

433 Boulevard Michelet, Marseille 09 | www.southwaystudio.com | @pavillon_southwaystudio | @southwaystudio

TANK art space
TANK art space est un projet fondé à Marseille en 2014 par Amandine Guruceaga et Benjamin Marianne. Ses activités ont pour objectif de soutenir la création artistique contemporaine au travers de la diffusion et de la production. TANK est à la fois un réservoir en anglais et un char d’assaut, une entité polymorphe où converge les énergies créatives. En huit ans d’existence, plus de 100 artistes ont été exposés, ont résidé, ont produit et collaboré notamment aux expositions : Street Trash à la Friche la Belle de Mai et Raoul Reynolds : une rétrospective à la Street School Museum et à la Friche la Belle de Mai. Pour Murmurations, TANK propose un solo show de Pierre Unal-Brunet.

artspace-tank.com | @tankartspace

Thomas Mailaender x Tuba
Ouvert durant l’été 2020 à Marseille, l’hôtel et restaurant Tuba décoré par l’architecte d’intérieur Marion Mailaender accueille aujourd’hui des résidences d’artistes sous l’impulsion de son mari Thomas Mailaender. C’est dans ce cadre que l’artiste invite des créatif·ve·s en immersion pour imaginer un projet inspiré de cet ancien club de plongée situé au cœur du Parc des Calanques de Marseille. Pour Murmurations, Thomas Mailaender exposera une impression d’une image de l’œuvre L’Invisible de Julien Berthier (2021), son premier invité en résidence.

@thomasmailaender

Voiture 14
Voiture 14 est un project space basé à Marseille et fondé en 2018 par la curatrice Myriam Mokdes. Conçue comme une plateforme curatoriale expérimentale, elle témoigne de la pluralité des actions formulées par les artistes et travailleur.se.s de l’art et de la multiplicité des supports, médiums et outils dont ils font usage. Située au 14 rue des Héros, Voiture 14 abrite un lieu d’exposition d’environ 100 m2, un ilot de cuisine mobile, une boutique, une résidence d’artiste et des espaces d’ateliers. Pour Murmurations, Voiture 14 montre des multiples par Emma Bruschi, Zoé Mohm, Romain Kloeckner, Frederik Exner, Romain Vicari, Arbol Ruiz, Chloé Arrouy, Eduard Barniol, Eefje Stenfert, Liyo gong, Michele bry, Etienne Diop / Tareet, Anton Halla, Coeur Fleur, Grace Requejo, Matilda Sundkler, Xolo Cuintle, Anastasia Simonin, Clara Rojas, Tobi Keck, T℮͓̽g Dirb, Moritz Haas & more…

14 Rue des Héros, Marseille 01 | @voiture14lelieu


Tour-Panorama / Friche La Belle de Mai
Jusqu'au 14/08 - Mer-ven 14h-19h + sam-dim 13h-19h
0/3/5 €
www.lafriche.org
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le mercredi 6 juillet 2022 dans Ventilo n° 467

Focus Portugal

Jardins d’Ibères

 

France-Portugal, ça y est, nous y sommes ! Déjà prolifique et fréquentée, la saison d’échanges culturels entre les deux pays est lancée, mais sans coup de sifflet ni coupe. Occasion curatoriale de saluer ce programme croisé, trois structures marseillaises — le Musée Cantini, le Frac PACA et la Friche — engagent le jeu avec des artistes lusitanien·ne·s.

  Seule sur le grand terrain du Musée Cantini : Maria Helena Vieira da Silva. Telle Ariane dans les dédales de l’art du XXe siècle, elle fait depuis début juin l’objet d’une exposition monographique, L’Œil du Labyrinthe. En nous précipitant dans une chronologie de plus de quatre-vingt œuvres, l’exposition joint volontiers le geste pictural au regard architectural — on peut citer La Machine optique, ou La Scala ou Les Yeux, deux peintures de 1937, comme des allégories de son travail — dans des envolées de perspectives abstraites et impétueuses. À nous de slalomer entre ses lignes qui ne cherchent en fait pas la fuite, mais plutôt la présence, dans les multiples dimensions que la visionnaire a offertes, en son siècle, à la peinture. Présence d’une femme aussi, puisqu’on sait que dans le genre, l’art moderne a encore tendance à des « oublis ». Oui, l’idée de mixité sort enfin du banc de touche institutionnel, il était temps. En des distorsions de l’espace-temps, ses jeux de cartes, ses parties d’échecs, ses cartographies et ses prouesses d’équilibriste s’échafaudent (Marseille Blanc, peinte lorsqu’elle avait vingt-deux ans en 1931, semble représenter les précaires charpentes extérieures qui soutenaient déjà les immeubles branlants dans nos rues) avec des palettes sobres mais puissantes, qui fardent les volumes chancelants de densités fermes, faisant de subtils détails des profondeurs mélodieuses (elle était aussi pianiste), notamment dans son contradictoire Silence (1988) ou dans sa Bibliothèque (1949). Dans une invitation à l’intériorité, celle qui écrivait que « le tableau doit être un ami qui vous parle », creuse, à l’image de son œuvre, un Souterrain (1948) bien éclairé, damé de contrepoids, où les lumineux jaunes et bleus se font bien plus rassurants qu’un Terrier kafkaïen.  Passons au(x) contemporain(e·s), du côté du Frac, par exemple. Avec le projet « Faire Société » de sa nouvelle directrice Muriel Enjalran, le Fonds s’est ouvert il y a quelques jours sur quatre nouvelles installations, parmi lesquelles un espace dédié à Ângela Feirreira, intitulé Rádio Voz da Liberdade. Dans un hommage à la radio clandestine de libération, Feirreira s’inspire du format timbre pour aller vers des peinture murales et des sculptures, toutes assez monumentales. C’est sans doute à partir de l’agrandissement des miniatures, ou, plus justement, de l’amplification des voix des minorités que l’artiste s’engage, en rendant au continent africain ce qui appartient au continent africain. Avec, par exemple, la rediffusion — depuis une machine de marque Fanon, heureuse homonymie avec l’illustre essayiste décolonial prénommé Frantz — de la voix de feu Carlos Cardoso, journaliste d’investigation mozambicain qui avait eu l’outrecuidance de dénoncer la corruption dans son pays. Ou en rendant à Alger ce qui appartient à Alger, avec pour point d’accroche la fameuse Rádio Voz da Liberdade, de langue portugaise, qui était hébergée chez Radio Alger, depuis laquelle de multiples militantismes ont pu trouver échos, en commençant par l’indépendance algérienne, avant d’encourager la chute du régime fasciste de Salazar, jusqu’à se faire ondes-clés pour les luttes anticoloniales et féministes. Pour Ferreira, cette artiste aux racines sud-africaines, mozambicaines et portugaises, il s’agit de réinscrire dans les murs, dans l’espace (géographique, social et artistique) et dans les réflexions, des considérations politiques encore d’actualité. Et pour ce qui est de saisir l’espace, Ramiro Guerreiro, exposé sur le plateau expérimental, n’est pas en reste. Mieux, il le croque, le tend, le passe au crayon et au fil de critiques urbanistiques, dans une remise en question d’une certaine architecture contemporaine.  En un détour projetant le « Faire Société » hors du binôme France-Portugal, le court du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, Fireworks, vaut lui aussi le coup. En six minutes, il nous livre un bouquet final pyrotechnique, aux allures mythologiques, peuplé d’ancêtres, d’un bestiaire merveilleux, dans une expression romantique et familière. Il nous embarque dans un fugace mais grand voyage dans l’au-delà. Wilfrid Almendra fricote quant à lui à la fois au Frac et à la Friche La Belle de Mai avec son exposition en deux pôles, Adélaïde. Le travail de cet artiste qui tient son atelier à Marseille est fait d’une économie de la circularité. Il alimente des relations, nourrit les passages de paysages, et inversement. Dans ses œuvres, on trouve çà et là comme des vestiges abandonnés, du matériau usé à la chaussette abandonnée, en passant par un vieux bonnet. Aux côtés du paon décoloré en argenté, Almendra interagit avec les transferts d’usages, en décentrant nos points de vue vers ce qui était sorti des attentions, oublié à force d’être vu. Il renvoie par exemple à l’absurde mais désormais usuelle nidification des paons dans les toilettes du parc Borély. Il se lie aux glaneurs et glaneuses, troque leurs vieilles casseroles et les fait fondre pour créer une réplique figée et saisissante d’une figue tout juste tombée, d’un vieux marcel au sol, froissé, ou d’une incongrue chaussure poisseuse. Trompe-l’œil en aluminium, ses œuvres ont la bonne idée de nous méprendre pour nous y identifier, de nous faire passer vers l’autre, les autres, vers les marginalisé·e·s, de nous y voir aussi glaner. Dans le white cube du Panorama, il répand des graviers, brisant le silence et déstabilisant la démarche. Il y dissémine des détails, tantôt stoppés dans leur usure, subvertis dans leur usage, postiches dans leurs visages ; tantôt manifestés dans leurs flétrissures, déclinant poétiquement au fil du temps. Profiter cet été des autres expositions en cours à la Friche est aussi une idée, pour se faire un petit panorama de l’art contemporain à Marseille. Murmurations (volet 1) rassemble quatorze organisations artistiques, petites galeries ou collectifs, avec notamment Agent Troublant, Sissi Club, SoMa, Tank Art Space, d’autres plus confidentielles comme la Cabane Georgina, ou plus expérimentales comme le Muff (Marseille Underground Film&music Festival), ou encore Gufo…  

Margot Dewavrin

 

Vieira da Silva, l’Œil du Labyrinthe : jusqu’au 6/11 au Musée Cantini (19 rue Grignan, 6e). Rens. : www.musees.marseille.fr 

• Ângela Ferreira - Rádio Voz da Liberdade  (jusqu’au 22/01/23), Wilfrid Almendra - Adelaïde (jusqu’au 30/10), Apichatpong Weerasethakul, Fireworks (archives) (jusqu’au 25/09) et Ramiro Guerreiro - Le Geste de Phyllis (jusqu’au 25/09) : au Frac PACA (20 boulevard de Dunkerque, 2e). Rens. : www.frac-provence-alpes-cotedazur.org 

• Wilfrid Almendra - Adelaïde (jusqu’au 16/10) et Murmurations (volet 1) (jusqu’au 14/08) : à la Tour-Panorama de la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e). Rens. : www.lafriche.org / www.fraeme.art