Barvalo - Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Voyageurs

Exposition consacrée à l'histoire et à la diversité des populations romani d'Europe : 200 œuvres et documents (imprimés, vidéo et sonores)

En langue romani, barvalo signifie « riche » et, par extension, « fier ». Ce mot polysémique sert de titre à la nouvelle exposition du Mucem, consacrée à l’histoire et à la diversité des populations romani d’Europe. Une histoire indissociable de celle de l’antitsiganisme, contre lequel ceux que l’on continue parfois d’appeler « Tsiganes » luttent depuis un millénaire.

Développée en collaboration avec l’Eriac, l’exposition Barvalo a été conçue par une équipe de dix-neuf personnes d’origine romani (Roms, Sinti, Manouches, Gitans, gens du voyage / Voyageurs) et non romani, de nationalités et de profils différents. Elle se déploie en deux parties.

Depuis les premiers témoignages de leur arrivée en Europe jusqu’à nos jours, la première section de l’exposition met en lumière les ressorts par lesquels les persécutions contre les populations romani, culminant avec l’Holocauste, sont apparues et se perpétuent. Cette première partie traite également du rôle des représentations stéréotypées dans la culture et le folklore. En parallèle, cette partie de l’exposition montre aussi comment les groupes romani se sont exprimés, notamment au travers d’une langue commune, le romani, et ont revendiqué leurs droits dans ces situations d’oppression.

La deuxième partie de l’exposition propose une réflexion sur les notions d’appartenance et d’identité, en prenant le parti d’inverser le regard du visiteur. C’est l’installation de l’artiste Gabi Jimenez, le Musée du gadjo : on y découvre la « gadjologie », une science imaginaire et parodique de l’Autre qui se ferait l’écho d’une perception romani. Cet espace se présente sous la forme d’un diorama consacré à la « culture gadjo », révélant ainsi l’absurdité de l’essentialisation de l’Autre quand elle est poussée à son extrême. Il questionne par ailleurs le rôle du musée d’ethnographie comme diffuseur d’une « vérité ».

En fin de parcours, une galerie de portraits de personnalités célèbres et moins célèbres témoigne de la richesse des cultures romani et de la fierté des différentes communautés à contribuer à la diversité culturelle des sociétés européennes afin d’affirmer, haut et fort, barvalo!

Tout au long de l’exposition, le visiteur est accompagné virtuellement par quatre « guides » appartenant à quatre groupes romani distincts. Leurs récits personnels et familiaux entrent en résonance avec une histoire européenne plus large et partagée.

Dans chaque partie, les œuvres d’artistes non-romani côtoient celles de sculpteurs, photographes et peintres romani contemporains afin de permettre aux représentants de ces minorités de donner leur vision de neuf siècles de présence en Europe et d’affirmation culturelle.

L’exposition réunit 200 œuvres et documents (imprimés, vidéo et sonores) issus de collections publiques et privées françaises et européennes, dont le musée du Louvre, le Musée national d’Histoire naturelle à Paris, le musée d’ethnographie de Genève, les Staatliche Kunstsammlungen Dresden, le musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, les Archives départementales des Bouches-du-Rhône, les Archives municipales de Marseille, la Médiathèque Matéo Maximoff, le musée de Grenoble, le musée national d’histoire et les Archives nationales de Roumanie, la Fondation Kai Dikhas, l’European Roma Institute for Arts and Culture de Berlin, le Dokumentations- und Kulturzentrum Deutscher Sinti und Roma de Heidelberg.

Parmi ces 200 œuvres, 62 proviennent des collections du Mucem et 15 ont été spécialement conçues pour l’exposition et produites par le musée : 6 commandes à des artistes romani européens – Luna De Rosa (Italie), Gabi Jimenez et Marina Rosselle (France), Mitch Miller (Écosse), Emanuel Barica (Roumanie) – et 9 créations audiovisuelles (films, carte animée et son).

 

L'équipe curatoriale 

Co-commissaires :
Julia Ferloni, conservatrice du patrimoine, responsable du pôle « Artisanat, Commerce et Industrie », Mucem
Anna Mirga-Kruszelnicka, directrice adjointe de l’Eriac - European Roma Institute for Arts and Culture, Berlin
Jonah Steinberg, maître de conférences et directeur du département Global Studies à l’Université du Vermont (États-Unis)

Commissaires associées :
Françoise Dallemagne, chargée de collections et de recherche, Mucem
Alina Maggiore, doctorante en anthropologie sociale, Mucem / Université Aix-Marseille / Université de Freiburg

Le comité d’experts 

William Acker, juriste, délégué général de l’Association Nationale des Gens du Voyage Citoyens (ANGVC)
Yahya Al-Abdullah, doctorant en anthropologie sociale, EHESS Paris
Nelly Debart, foraine, présidente de l’ANGVC et membre du conseil consultatif des Gens du Voyage
Bénédicte Florin, maîtresse de conférences en géographie, Équipe Monde Arabe et Méditerranée (EMAM), laboratoire CITERES, Université de Tours
Lise Foisneau, anthropologue, chargée de recherche au CNRS
Pascal Garret, photographe et sociologue, Tours
Caroline Godard, chargée de projet, association Rencontres Tsiganes, Marseille
Gabi Jimenez, artiste plasticien et président de l’ADVOG
Timea Junghaus, historienne de l’art, directrice de l’Eriac, Berlin
Jean-Pierre Liégeois, sociologue, enseignant-chercheur honoraire et directeur (1979/2003) du Centre de recherches sur les Tsiganes de l’Université Paris-Descartes, consultant auprès du Conseil de l’Europe
Valentin Merlin, photographe indépendant
Cristian Padure, linguiste, enseignant-chercheur à l'université de Bucarest
Santino Spinelli, musicien, compositeur et professeur à l'université de Chieti
Sasha Zanko, étameur, président de l’association Tchatchipen et délégué du Forum Européen des Roms et des gens du voyage

Scénographie : bGc studio, Iva Berthon Gajšak, Giovanna Comana, Clara Launay

Graphiste : Fabrice Petithuguenin


Mucem
Jusqu'au 4/09 - Tlj (sf mar) 10h-19h (10h-20h du 8/07 au 3/09)
7,50/11 € (billet famille : 18 €)
http://www.mucem.org
7 promenade Robert Laffont - Esplanade du J4
13002 Marseille
04 84 35 13 13

Article paru le mercredi 24 mai 2023 dans Ventilo n° 483

Barvalo - Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Voyageurs au Mucem

La route des Roms

 

Dans l’optique de présenter la culture romani sous un nouvel angle, l’exposition Barvalo retrace en deux parties l’histoire de différents groupes et leurs représentations au fil des siècles. Il s’agit d’aller au-delà des stéréotypes et persécutions, de découvrir la notion d’appartenance à une communauté, la volonté de s’affirmer dans le monde culturel et sociétal européen.

    Si cette nouvelle exposition est si authentique, cela est dû à la participation de personnes appartenant à des groupes romani distincts. Quatre d’entre elles apparaissent sur des écrans, comme des guides virtuels, pour nous donner leurs propres visions et livrer leurs récits personnels. À mi-chemin entre exposition documentaire et culturelle, Barvalo présente à la fois de nombreux documents historiques et des œuvres d’artistes contemporains, romani ou non. On notera le fait que le contenu des panneaux jalonnant le parcours est également inscrit en langue romani, à laquelle l’artiste Marina Rosselle rend d’ailleurs hommage. En effet, elle a créé pour l’occasion un arbre artificiel dont les feuilles portent des vers en romani de la poétesse Papusza. La première partie de l’exposition retrace des siècles de présence en Europe, marqués par l’exclusion antitsiganiste. L’une des conséquences les plus visibles du rejet de ces groupes reste incontestablement leur stigmatisation. Grâce à des objets de toutes sortes, comme des figurines Playmobil ou une poupée Barbie dite « bohémienne », les stéréotypes frappant ces populations sont mis en lumière afin de mieux les dénoncer. L’exposition nous montre comment ces fausses idées sont entrées dans l’inconscient populaire, en étant que très rarement remises en question. Puisque l’accent est mis sur l’oppression dont les groupes romani furent victimes, nous en arrivons tout naturellement vers l’un des événements les plus marquants du siècle dernier, l’Holocauste. Dès le début du XXe siècle, les contrôles policiers s’annoncent déjà en France, avec l’apparition en 1912 du carnet anthropométrique visant à recenser ceux désignés comme « nomades », et dont de nombreux exemplaires sont ici exposés. Un travail de mémoire de l’Holocauste romani a donc été entrepris afin de nous en rappeler l’existence, face à des États qui ne reconnaissent pas ou peu leur responsabilité. Comme bien souvent, cette volonté de cristalliser le souvenir des inégalités subies passe par l’art. En témoigne la peinture Persécutions dans la forêt d’Auschwitz, de l’artiste, écrivaine et rescapée Rom autrichienne Ceija Stojka, peinte bien des années plus tard, en 1994. Ce n’est pas par hasard que le nom de l’exposition soit un terme romani qui renvoie à la fierté, puisque ceux qui y ont participé ont en commun un profond désir de revendiquer leur identité, leur histoire. En découle un besoin de s’affirmer à travers des mouvements militants et mobilisateurs mis en avant par des artistes comme Damian Le Bas, qui mentionne l’Union romani internationale, créée en 1971, dans l’œuvre Romani World Empire. Malgré ces impulsions activistes, le racisme anti-tsigane demeure encore omniprésent dans nos sociétés contemporaines. Afin d’en faire prendre conscience aux visiteurs, un assemblage d’objets, de textes et d’images comme des caricatures ou des extraits d’articles de presse met en exergue la violence verbale quotidienne subie par ces groupes. La remise en question de chacun est inévitable. Elle est d’autant plus forte lorsque l’exposition propose de façon satirique de placer le visiteur (et non les populations romani) dans la peau de « l’autre ». En effet, toute une section est consacrée au travail de Gabi Jimenez, qui lui a été commandé par le Mucem : le Musée du Gadjo. Il s’agit d’une version satirique d’un musée d’ethnologie. Le « gadjo », c’est le reste de la population, étudiée ici de façon parodique comme ont été étudiées les communautés romani. On y découvre ses habitudes de vie, les objets de son quotidien. Tout le monde peut s’y reconnaître, et se rendre compte de l’absurdité du fait d’étudier ainsi une population, en ne l’associant qu’à certains rites culturels. Cela est réducteur et n’apporte qu’une vision teintée de préjugés. Afin de rendre hommage aux personnalités ayant marqué la culture romani, de Django Reinhardt à Charlie Chaplin en passant par André-Pierre Gignac, un ensemble de portraits dessinés par Emanuel Barica, dont la particularité est de ne jamais lever le crayon, les met à l’honneur. Il nous rappelle ainsi la diversité de cette culture, ainsi que la contribution des différents groupes romani au patrimoine culturel européen et universel.  

Lara Ghazal

 

Barvalo - Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Voyageurs : jusqu’au 4/09 au Mucem (7 promenade Robert Laffont - Esplanade du J4, 2e). Rens. : www.mucem.org