Ni drame ni suspense (les conditions de la durée)

Œuvres des résidents des Ateliers de la Ville de Marseille : Mégane Brauer, Paul Chochois, Juliette Déjoué, Côme Di Meglio, Abdessamad El Montassir, Estel Fonseca, Basile Ghosn, Samir Laghouati-Rashwan, Sophie T. Lvoff, Manoela Medeiros, Eva Medin, Nicolas Nicolini, Aurélien Potier, Hanna Rochereau et Flore Saunois. Prog. : Triangle-Astérides

L’exposition estivale Ni drame ni suspense (les conditions de la durée) réunit dans la tour Panorama de la Friche la Belle de Mai quinze artistes aux pratiques et esthétiques diverses, qui ont pour point commun depuis bientôt deux ans de travailler dans les Ateliers de la Ville de Marseille. 



Le centre d’art Triangle-Astérides les y accompagne et chemine ainsi au long cours avec leurs recherches, leurs interrogations — des plus théoriques aux plus quotidiennes et matérielles. 
Une « activité ancrée dans les plis du présent et toujours à refaire », qui nous amène à considérer les œuvres non sous l’angle de l’innovation ou de la rupture mais au contraire en prêtant attention au « travail gigantesque de la continuité » ainsi qu’aux « gestes de celles et ceux qui assurent les conditions matérielles de l’art ».

(toutes les citations sont issues du Soin des choses, Jérôme Denis et David Pontille, éditions La Découverte, 2022).



LES ARTISTES

Mégane Brauer est diplômée de l’Institut des Beaux-Arts de Besançon en 2018. Son travail, fait de textes et d’installations se concentre sur des questions de classe, transforme les objets et les situations des classes populaires, leur donnant la place dont elles ne disposent pas. Née en 1994, elle vit et travaille à Marseille.

Paul Chochois est diplômé des Beaux-Arts de Perpignan en 2015 et de l’École supérieure d’Art d’Aix-en-Provence en 2017. Dans son travail, il manipule, détourne et modifie des images pour en créer de nouvelles, subtiles et bavardes, grâce à diverses techniques.Né en 1993 à Paris, il vit et travaille à Marseille.

Juliette Déjoué est diplômée des Beaux-Arts de Marseille en 2011. Sa double pratique de peinture et de tableau vivant constitue une fabrique d’images issues d’une tradition populaire réinventée, où le motif, le décor, les objets et les personnages cohabitent dans une fiction aux couleurs franches. Née en 1983 à Brest, elle vit et travaille à Marseille.

Côme Di Meglio est diplômé de l’Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 2014. Sa pratique de l’installation, de la sculpture, de la performance et du repas lui permettent de vivre et partager un état de présence, de disponibilité et d’attention accrue. Né en 1988 à Paris, il vit et travaille à Marseille.

Abdessamad El Montassir est artiste-chercheur, né en 1989. Il travaille entre Marseille et Boujdour. Il est diplômé de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan et de l’École Normale Supérieure de Meknès.Ses recherches sont axées sur une trilogie: le droit à l’oubli, les récits fictionnels et viscéraux, et le trauma d’anticipation. L’approche d’El Montassir est interdisciplinaire et prend forme dans des collaborations avec des scientifiques, des poètes et des citoyens-témoins.

Estel Fonseca est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Nantes en 2011. Dans sa pratique, elle allie une démarche d’enquête et une manière de faire spontanée pour donner forme à des contaminations symbiotiques à l’occasion d’installations immersives et de spectacles qui participent à l’émergence d’un autre regard posé sur le vivant, et sur la maladie comme fonction inhérente à la vie. Née en 1987, elle vit et travaille à Marseille.

Basile Ghosn a étudié à la Villa Arson dont il est sorti diplômé en 2018. A partir d’images imprimées, de coupures de magazines spécialisés, il crée de nouvelles architectures tout en se réappropriant les espaces d’exposition qui accueillent son travail. Il est co fondateur avec Won Jin Choi de Belsunce Projects, et membre du collectif Atelier Panthera, deux initiatives basées à Marseille. Né en 1991, il y vit et travaille.

En 2020, Samir Laghouati-Rashwan est diplômé de l’École supérieure d’art & de design Marseille-Méditerranée. Dans sa pratique artistique, il s’emploie à questionner les logiques de certaines cultures dominantes ou de certaines subcultures à travers l’installation, la vidéo, l’édition ou le son. Né en 1992 à Arles, il vit et travaille à Marseille.

La pratique artistique de Sophie T. Lvoff oscille entre texte, son et photographie et se concentre sur la transmission d’idées décrivant le modernisme, le féminisme, la institutional critique et la vérité dans les narrations historiques, tout en se questionnant sur celle pouvant être transmise par un médium intrinsèquement déceptif mais démocratique tel que la photographie. Née en 1986 à New York, elle vit et travaille à Marseille.

Manoela Medeiros est diplômée de l’École nationale des Beaux-Arts de Paris et de l’Escola de Artes Visuais Parque Lage à Rio de Janeiro. Par l’intervention directe, sa pratique artistique révèle la mémoire contenue dans les ruines du passé grâce à des techniques d’excavation et d’évidement qu’elle s’applique à effectuer sur des différents supports. Née en 1991 à Rio de Janeiro, elle vit et travaille à Marseille.

Eva Medin est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 2013 et du pavillon Bosio de Monaco. Sa pratique artistique mêle vidéo, scénographie, cinéma et littérature d’anticipation et s’axe autour de la fiction, des récits et de la manière dont ces deux peuvent rendre compte de crises ou nous permettre de réinventer le futur. Née en 1988 à Rio de Janeiro, elle vit et travaille à Marseille.

Nicolas Nicolini est diplômé de l’École supérieure d’art & de design de Marseille-Méditerranée en 2011. Sa pratique artistique comporte de multiples franges allant d’une réflexion sur les conditions de peintre dans son atelier, à des recherches plastiques faites de superpositions, sur ce qui caractérise la peinture en dépassant son simple statut de médium. Né en 1985 à Marseille, il y vit et travaille.

Aurélien Potier a étudié à la Gerrit Rietveld Academie (NL) et la Cooper Union School of Art (US). Dans son travail, il sonde des états de vulnérabilité et de fragilité au travers d’installations, textes, performances, dessins et compositions sonores. En 2018, il crée la plateforme éditoriale “i apologize”. Né en 1992, il vit et travaille à Marseille.

Hanna Rochereau a suivi le programme du Master Arts Visuels – European Art Ensemble de l’ECAL à Lausanne. Parmi d’autres expositions, elle a était invitée à exposer à Alienze ( Lausanne 2018 ), La Totale Collective ( Paris, 2020 ), « Usefulless » curatée par Mélanie Matranga et Clément Delépine à la Galerie Grèvecoeur ( Paris, 2019 ) et « Peeping through the looking glass » à Set Space ( Londres, 2021).

Flore Saunois est diplômée de l’Universität der Künste Berlin (UdK) en 2011, du Conservatoire de Théâtre de Rome en 2014 et des Beaux-Arts de Marseille en 2018. Qu’il s’agisse d’œuvres immatérielles ou d’œuvres sculpturales, Flore Saunois s’emploi à une réflexion sur le langage, en s’intéressant au point de bascule entre apparition et disparition des choses.

 

Visites de l’exposition

Visites Flash : Tous les samedis du 1er juillet au 23 septembre à 15h et 17h, une médiatrice culturelle vous propose un format de 30 minutes pour échanger en toute simplicité autour de cette exposition.
La visite est sans réservation, gratuite pour les enfants et comprise dans le prix du billet d’entrée pour les adultes. Attention, le billet d’entrée aux expositions est indispensable, même si vous bénéficiez de la gratuité. Il est à retirer à l’accueil-billetterie, il donne accès à l’ensemble des expositions de la Tour et du Panorama.

Visites Toute petite expo : Tous les mercredis du 5 juillet au 2 août à 10h, puis le mercredi 30 août à 10h, les médiatrices culturelles donnent rendez-vous aux petit·es visiteur·ices de 18 mois à 3 ans et à leurs parents pour découvrir l’exposition Ni drame ni suspense.
La visite, sur inscription à mediation@lafriche.org, est gratuite pour les enfants et comprise dans le prix du billet d’entrée pour les adultes. Attention, le billet d’entrée est indispensable, même si vous bénéficiez de la gratuité. Rendez-vous à l’accueil-billetterie.

Visites Famille : Tous les jeudis du 6 juillet au 3 août à 15h, puis le jeudi 31 août à 15h pour les parents et leurs enfants à partir de 5 ans. Les médiatrices culturelles proposent une visite conviviale en famille pour découvrir l’exposition, regarder des œuvres, décrypter leur signification à travers des jeux d’observation, mini-ateliers ou encore des enquêtes.


Tour-Panorama / Friche La Belle de Mai
Jusqu'au 24/09 - Mer-ven 14h-19h + sam-dim 13h-19h
0/3/5 €
www.lafriche.org
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le jeudi 29 juin 2023 dans Ventilo n° 485

Les expositions de l'été à la Friche la Belle de Mai

La Belle d’été

 

La Friche la Belle de Mai a ouvert son cycle d’été avec quatre nouvelles expositions, dont deux présentent les travaux d’artistes du cru, de la ville, voire du quartier. Au quatrième étage, Ni drame ni suspense (les conditions de la durée) fait étape dans d’éternels processus, ceux des artistes résidents dans les ateliers de la ville. Tandis qu’au rez-de-chaussée, la Galerie de tous les possibles donne carte blanche à Anis Chelbi, qui lui-même met Les Artistes de la Belle de Mai à l’honneur.

  Les quinze artistes sélectionné·es en 2021 pour bénéficier des ateliers municipaux aux maigres loyers arrivent désormais au bout de leurs baux. Pour marquer le coup vient Ni drame ni suspense (les conditions de la durée). L’une des idées de l’expo, c’est de parler d’art en se postant depuis ses coulisses, pour matérialiser ce qui permet son maintien, sa perpétuation et sa continuité. Vient alors d’abord l’aspect économique, qui ouvre et clôt l’exposition. Dès l’entrée, Mégane Brauer relève le quotidien de l’extrême précarité avec strass et paillettes, comme la pâte à tartiner premier prix du bas de rayon et son marketing rudimentaire, représentée ici en peinture diamant (une mosaïque faite de centaines de petites perles irisées collées sur une toile) ; ou avec la musique du standard de la CAF qui nous accueille, nous, public, par une boucle sonore : Veuillez patienter. Plus loin, il y a les vitrines et étiquetages à visées commerciales auxquels Hanna Rochereau renvoie, avec ses peintures (le dyptique It glows in the dark) qui montrent comment on appâte et on vend, et qui rappellent que ces techniques de monstration sont aussi valables dans les musées. En clôture, Paul Chochois rehausse une couronne mortuaire photographiée au Cimetière Saint-Pierre de pigments roses et verts extraits de billets de banque (Tutto passa), liant la mort et le souvenir (et l’immortalité de l’art ou de l’artiste) au mercantile, mais de manière très poétique, douce et mélancolique. Mais pour perpétuer, il est aussi question de représenter, de fabriquer, de fictionnaliser, comme l’installe Eva Medin en référence au cinéma ; ou comme l’image Juliette Déjoué avec ses personnages déguisés. Partant d’ateliers menés avec des détenus aux Baumettes, ses photos très mises en scènes, ensuite peintes et photoshopées, évoquent aussi bien sûr le temps long et l’importance de la « durée ». Et le mot « durée » appelant invariablement son cousin « durable », on trouve en réponse à l’inquiétude écologique les sculptures monumentales de Côme Di Meglio, en copeaux de bois recyclés et mycélium vivant ; ou la composition de Basile Ghosn, aux références underground de l’art et de la résistance, en deux voire trois dimensions (selon l’angle de vue), faite de matériaux récupérés, d’éléments dissimulés, reflétés, ou sauvés des inondations dans des « ateliers pas aux normes »… Le travail de l’art, c’est aussi le gardiennage, la maintenance, le ménage, et la performativité de l’œuvre, qui, une fois produite, vit sa petite vie : c’est ce que nous suggère Flore Saunois avec ses œuvres posées au sol, disséminées. Ces travaux et ces pratiques très hétéroclites suivent donc un fil rouge : celui qui porte attention au détail, à l’ombre, à l’invisible et au parfois dénigré. Et en plus, l’exposition montre — de façon aérée, esthétique et ancrée dans le vécu et le présent — un intéressant panel des interrogations et intérêts d’une belle partie de la jeune scène artistique marseillaise.   Récemment installée entre le Skate Shop et la librairie de la Salle des Machines, la Galerie de tous les possibles est dédiée aux artistes du territoire. Ce qui prend tout son sens avec l’exposition qui a ouvert ses portes le 14 juin dernier : Les Artistes de la Belle de Mai à l’honneur. L’artiste local Anis Chelbi, qui habite à une rue du lieu, a convié des partenaires du quartier à la demande de la galerie. En résulte un petit collectif, créé pour l’occasion. Permettant de croiser les univers et les pratiques de chacun, la scénographie oppose et complète les œuvres des cinq artistes exposés. Vous serez accueillis par une tribu de créatures hybrides en céramique de Christine Carotenuto, ainsi que par les aquarelles japonaises de Marie-Line Sanchez, dont les couleurs et le mystère nous transportent bien au-delà de la Belle de Mai. La mise en parallèle des photos aux allures surnaturelles de Nicolas Guyot et celles de paysages à l’inquiétante étrangeté de Francis Helgorsky permet de les faire dialoguer ensemble dans un espace dédié. Et pour l'ancrage local, vous pouvez compter sur les aquarelles et les tableaux d’Anis Chelbi, qui respirent Marseille et ses environs, que se soit en monochrome, en couleurs ou en métaux issus de recyclage. Il y a une poésie toute marseillaise qui ressort des œuvres et on sent la bienveillance à chaque trait de crayon. L’artiste plasticien, humble au possible, impliqué dans de nombreux projets dans le quartier (l’aménagement de square, l’association les Brouettes Belle de Mai, etc.), a toujours cru au potentiel artistique de ce territoire, ainsi qu’à son réseau de proximité, deux aspects qu’il met à l’honneur avec cette belle exposition. Comme en témoigne tous les ans la Belle Fête de Mai, la riche et foisonnante scène artistique autour de la Friche peut désormais se targuer d’être dignement représentée en son sein.  

Margot Dewavrin / Romain Maffi

 
  • Ni drame ni suspense (les conditions de la durée), jusqu’au 24/09 au 4e étage.

  • Les Artistes de la Belle de Mai à l’honneur, jusqu’au 12/08 à la Galerie de tous les possibles.

Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).

Rens. : www.lafriche.org.