Action, Geste, Peinture – Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale (1940-1970)

Expo collective sur l'expressionnisme abstrait avec les œuvres de Marie Raymond, Atsuko Tanaka, Jung Kang-ja, Niki de Saint Phalle, Wook-kyung Choi, Lygia Pape, Janet Sobel, Gillian Ayres, Lea Nikel, Lygia Pape, Michael West...

L’exposition « Action, Geste, Peinture – Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale, 1940-1970 » réunit 85 artistes du monde entier. Elle a pour vocation d’élargir la perception commune de l’expressionnisme abstrait, courant centré sur la liberté d’expression et le geste et réputé être majoritairement américain et masculin. En présentant plus de 130 œuvres créées par des artistes femmes entre 1940 et 1970, l’exposition inclut des pratiques artistiques nourries de diverses influences, allant du surréalisme et de l’art informel – en Europe ou en Amérique du Nord, comme du Sud, à l’abstraction calligraphique en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie.

Les œuvres présentées, conçues à l’issue d’une guerre mondiale dévastatrice et de migrations forcées, signent une libération collective autant que personnelle, qui passe par la prise en compte des conditions matérielles, mais également humaines et naturelles, de leur création.

Au sein de l’exposition, la Fondation Vincent van Gogh Arles propose de porter le regard vers une création plus antérieure. Il s’agit de l’œuvre peinte de Vincent van Gogh, que beaucoup considèrent comme postimpressionniste et précurseur du fauvisme et de l’expressionnisme. Cinq de ses tableaux, réunis sous le titre « Sols fertiles », soulignent son apport vivace à l’histoire de l’abstraction gestuelle et matérielle.

L’exposition met en lumière d’autres apports majeurs à la création plastique à partir de 1945, en élargissant le panorama vers les tendances radicales et évènementielles (qui se développeront plus tard au cours des années 1960 et 1970 dans les domaines de la danse et de la performance). Ainsi, les genres conventionnels se superposent, se nourrissent les uns les autres et se dissipent.




Commissaire d’exposition : Bice Curiger, en collaboration avec Julia Marchand et Margaux Bonopera

 



Peintures et dessins :
Mary Abbott – Maliheh Afnan – Gillian Ayres – Ida Barbarigo – Anna-Eva Bergman – Janice Biala – Bernice Bing – Sandra Blow – Chinyee – Wook-kyung Choi – Jay DeFeo – Amaranth Ehrenhalt – Asma Fayoumi – Lilly Fenichel – Perle Fine – Else Fischer-Hansen – Elna Fonnesbech-Sandberg – Juana Francés – Helen Frankenthaler – Judith Godwin – Gloria Gómez-Sánchez – Elsa Gramcko – Grace Hartigan – Buffie Johnson – Yuki Katsura – Helen Khal – Elaine de Kooning – Lee Krasner – Maria Lassnig – Bice Lazzari – Lifang – Bertina Lopes – Marta Minujín – Joan Mitchell – Aiko Miyawaki – Yolanda Mohalyi – Nasreen Mohamedi – Lea Nikel – Tomie Ohtake – Fayga Ostrower – Mercedes Pardo – Betty Parsons –Pat Passlof – Alice Rahon – Carol Rama – Marie Raymond – Judit Reigl – Britta Ringvall – Erna Rosenstein – Behjat Sadr – Nadia Saikali – Zilia Sánchez – Fanny Sanín – Niki de Saint Phalle – Miriam Schapiro – Sarah Schumann – Ethel Schwabacher – Sonja Sekula – Janet Sobel – Vivian Springford – Atsuko Tanaka – Franciszka Themerson – Alma Thomas – Yvonne Thomas – Hedwig Thun – Nína Tryggvadóttir – Elsa Vaudrey – Maria Helena Vieira da Silva – Michael West
& Vincent van Gogh
 
Performances, vidéos et photographies :
Trisha Brown – Mary Ellen Bute – Rosemarie Castoro – Martha Graham – Barbara Hammer – Yayoi Kusama – Ana Mendieta – Yvonne Rainer – Carolee Schneemann – Joyce Wieland

Fondation Vincent Van Gogh
Jusqu'au 22/10 - Tlj 10h-18h.
3/8/10 € (gratuit pour les moins de 12 ans, personnes handicapées et minimas sociaux). Gratuit le 1er dimanche du mois
fondation-vincentvangogh-arles.org
35 rue du Docteur Fanton
13200 Arles
04 90 93 08 00

Article paru le jeudi 29 juin 2023 dans Ventilo n° 485

Action, Geste, Peinture : Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale (1940-1970) à la Fondation Van Gogh

Le Van du renouveau

 

À Arles, la Fondation Van Gogh a pour habitude de proposer des expositions d’œuvres et d’artistes qui succèdent à son illustre peintre, en des échos astucieux à ses œuvres. En ce moment et jusqu’en automne, Action, Geste, Peinture : Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale (1940-1970) propose de combler une partie tronquée de l’histoire en élargissant les références aux œuvres de quatre-vingt-cinq artistes, au-delà des classiques représentations qui dominent. Place aux pratiques plus radicales, aux influences des arts d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient ou d’Asie, place aux femmes d’action, à la danse et à la performance.

    Tout juste arrivée de la Whitechapel Gallery de Londres, l’expo itinérante a été collectivement conçue par des commissaires femmes, lui assurant alors la primeur d’un point de vue qu’on imagine décentré d’office. Pas de Rothko, de Pollock, de Kandinsky. Il y a bien un de Kooning, oui : mais d’Elaine, et non de Willem. Parmi le riche et — force est de le constater — original panorama : cent-trente peintures, dessins et extraits photo ou vidéo de performances produites entre les années 40 et 70, donc. Format peintures, on trouve par exemple des œuvres de l’une des grandes représentantes de l’abstraction vénézuélienne, Mercedes Pardo, connue pour ses formes richement colorées mais aussi ses vitraux et son graphisme ; ou Maria Helena Vieira da Silva, peintre portugaise aux compositions hypnotiques (dont on pouvait observer le travail l’été dernier au Musée Cantini) ; ou encore Michael West, peintre états-unienne aux étroites affinités avec piano et poésie, aux picturalités plus agressives, contrastées et gribouillées, qui avait d’ailleurs remisé son prénom féminin, Corinne, pour contrer son éviction systématique des cercles professionnels de l’art (comme beaucoup d’autres artistes entre autres raisons comme George Sand, George Hartigan, Lee Krasner, Claude Cahun…). Plus que renommées, Niki de Saint Phalle trouve aussi son nom dans la liste des exposées avec son Tyrannosaurus Rex, matière picturale composite et en relief, et contrairement à ce dont on est habitué·e, très pâle, monochrome ; tout comme la Japonaise Atsuko Tanaka, dont la pratique opère une fusion entre elle et la technologie. C’était l’une des cheffe de file du mouvement d’avant-garde Gutai (littéralement, en VF : « corps-outil »), connue pour ses vives compositions psychédéliques et ses performances remarquables et très remarquées, comme son apparition avec sa Robe électrique (en 1956), extrême costume-sculpture de deux cents néons illuminés, neuf couleurs et d’une cinquantaine de kilos. Les monumentaux mais subtils dessins au trait de Nasreen Mohamedi (Inde), les brutales transitions de couleur de Deborah Remington (États-Unis) ou les références éclatées — mythologiques ou d’actualités — d’Asma Fayoumi (Syrie) parachèvent le large tableau. Au format performances, on trouve une œuvre d’Ana Mendieta, d’origine cubaine, qui explorait les thèmes liés aux violences faites aux femmes et aux connexions physiques et spirituelles entre son corps et la Terre (oui, avec un grand T) ; ou Jung Kangja, qui a réalisé le premier happening féministe en Corée du Sud, à base de ballons… Côté vidéo, est présenté le travail de la pionnière du film d’animation expérimental américain, Mary Ellen Bute. Elle a notamment utilisé des oscilloscopes, qui dessinent à sa place des rayons de lumière, et créé un instrument de dessin électronique avec l’inventeur du thérémine (Leon Theremin), le fameux instrument de musique électronique. La curiosité bien piquée, on s’attend donc à un paysage inédit de l’abstraction, d’autant qu’il est augmenté d’une mise en regard avec cinq tableaux de Van Gogh : un ensemble frais et pas trop policé, ainsi que l’expo de l’été dernier, Nicole Eisenman et les modernes, têtes, baisers, batailles, l’avait prouvé.  

Margot Dewavrin

 

Action, Geste, Peinture : Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale (1940-1970) : jusqu’au 22/10 à la Fondation Van Gogh (Arles). Rens. : 04 88 65 82 93 / www.fondation-vincentvangogh-arles.org