Robert Guédiguian. Avec le cœur conscient

Expo dédiée au cinéaste

Fidèle à ses racines, Robert Guédiguian n’a jamais quitté sa ville de cœur et Marseille est devenue décor et personnage de son cinéma. Par effet de miroir, son cinéma est devenu sa famille. Ainsi, les luttes personnelles sont devenues celles de ses films. Les histoires de la vie sont devenues ses fictions.

L’exposition Avec le cœur conscient mêle des éléments de sa vie et de sa filmographie, 23 films à son actif — le 24eétant actuellement en production — présentant installations vidéo, documents inédits, archives personnelles et objets.  

Elle se déploie à travers des thématiques chères au cinéaste : l’engagement humain et politique, le partage, sa tribu, la ville de Marseille, l’ailleurs et l’avenir.  

 

ROBERT GUÉDIGUIAN – Réalisateur

Né à Marseille en 1953, Robert Guédiguian termine une thèse en Sciences Sociales à l’École Pratique des Hautes Études lorsque René Féret, en 1977, lui propose l’écriture de Fernand

En 1980, Robert Guédiguian réalise son premier film, Dernier été avec Ariane Ascaride et Gérard Meylan, dans lequel Marseille et sa réalité sociale sont déjà présentes. Ses films suivants se déroulent également dans sa ville natale : Ki lo sa ? avec Jean-Pierre Darroussin, Dieu vomit les tièdesL’argent fait le bonheur ou encore À la vie à la mort ! Le grand public le découvre en 1997 avec Marius et Jeannette, Prix Louis-Delluc et César de la Meilleure Actrice pour Ariane Ascaride. En 2002, Marie-Jo et ses deux amours est en compétition à Cannes. 

Robert Guédiguian est aussi l’un des fondateurs du collectif AGAT Films & Cie / Ex Nihilo. Cette société indépendante a produit plus de 500 films documentaires et fictions de réalisateur·ices tel·les que Sólveig Anspach, Lucas Belvaux, Ariane Mnouchkine, Peter Brook, Pascale Ferran, Hiner Saleem, Sébastien Lifshitz… 

En 2004, il met en scène Michel Bouquet, César du Meilleur Acteur, dans Le Promeneur du Champ de Mars. Suivent des films aussi divers que Le Voyage en ArménieLady Jane (Festival de Berlin), L’Armée du Crime (hors compétition à Cannes) et Les Neiges du Kilimandjaro (Un Certain Regard, 2011). Après Au fil d’Ariane et Une histoire de fou(Festival de Cannes, Séance spéciale), il tourne La Villa (Mostra de Venise) qui dépasse les 600 000 entrées en salles. En 2019, Ariane Ascaride reçoit le prix d’interprétation féminine à Venise pour Gloria mundi. Son film suivant est entièrement tourné en Afrique et s’intitule Twist à Bamako. 

Il tourne actuellement son 24e film La Pie voleuse alors que Et la fête continue sortira en salles le 15 novembre prochain.

 

LE SAVIEZ-VOUS ?

Robert Guédiguian et la Friche sont lié·es depuis de nombreuses années ! Il a été son président de 2002 à 2007 et a également tourné un grand nombre de séquences de ses films à la Friche. Saurez-vous les reconnaître à travers les extraits projetés dans l’exposition ?

 

FILMOGRAPHIE 

1981 – DERNIER ÉTÉ | 1984 – ROUGE MIDI | 1985 – KI LO SA ? | 1991– DIEU VOMIT LES TIÈDES | 1993 – L’ARGENT FAIT LE BONHEUR | 1995 – À LA VIE, À LA MORT ! | 1997 – MARIUS ET JEANNETTE | 1998 – À LA PLACE DU CŒUR | 2000 – À L’ATTAQUE ! | 2001 – LA VILLE EST TRANQUILLE | 2002 – MARIE-JO ET SES DEUX AMOURS | 2004 – MON PÈRE EST INGÉNIEUR | 2005 – LE PROMENEUR DU CHAMP DE MARS | 2006 – LE VOYAGE EN ARMÉNIE | 2008 – LADY JANE | 2009 – L’ARMÉE DU CRIME | 2011 – LES NEIGES DU KILIMANDJARO | 2014 – AU FIL D’ARIANE | 2015 – UNE HISTOIRE DE FOU | 2017 – LA VILLA | 2019 – GLORIA MUNDI | 2022 – TWIST À BAMAKO | 2023 – ET LA FÊTE CONTINUE !

 

Commissariat principal : Isabelle Danel avec la complicité de Robert Guédiguian 

Commissariat associé : Floriane Doury


Tour-Panorama / Friche La Belle de Mai
Jusqu'au 14/01 - Mer-ven 14h-19h + sam-dim 13h-19h
0/3/5 €
www.lafriche.org
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le mercredi 22 novembre 2023 dans Ventilo n° 491

L’entretien | Robert Guédiguian

Alors que sort en salles le vingt-troisième film du cinéaste, Et la fête continue !, la vaste exposition proposée à la Friche La Belle de Mai, Avec le cœur conscient revient sur quarante années d’activisme artistique de la part d’un réalisateur majeur, humaniste et protéiforme. Ça valait bien un petit entretien.

    D’où est née l’idée de ce projet à la Friche ? Avant le Covid, on avait eu l’idée avec l’ancien Président du Mucem, Jean-François Chougnet, et William Benedetto, directeur du cinéma l’Alhambra, d’organiser une rétrospective, et pourquoi pas une exposition sur mon travail. Au départ, je pensais faire cette exposition avec les photographies africaines, où j’ai tourné : nous en avions prises beaucoup, qui d’ailleurs n’avaient pas forcément de liens avec les films. Or, en avançant dans notre travail, nous avons plutôt décidé de faire une exposition plus large, où se mélangeraient des matériaux, des souvenirs, des images, des objets, des montages thématiques… Au final, une exposition sur mes quarante années de cinéma.   Du coup, comment ont été sélectionnées les pièces de l’exposition ? Il y a bien sûr les choses très classiques, des scénarii manuscrits, les premiers storyboard — quand, il y a quarante ans, je ne savais pas ce qu’était exactement un film — et quelques accessoires aussi, qui ont servi sur différents films, des claps, une enseigne lumineuse, de petits tableaux... On a fini par retrouver chez les uns, chez les autres, des photos inédites, où on a tous quarante ans de moins, des caméras aussi. Et surtout, avec Isabelle Danel, la commissaire d’exposition, que je connais très bien, on a travaillé sur dix-sept projections, présentes dans l’exposition, qui sont toutes thématiques, sur les musiques des films, sur les lieux récurrents de tournages, comme les bistrots, tout cela dans des montages bien particuliers. Je pense aussi à la place du religieux dans mes films. Isabelle Danel avait déjà écrit un premier livre d’entretiens avec moi, Je n’ai jamais rien fait seul ! Et là, comme on parle de biographie autorisée, on peut dire que c’est une exposition autorisée. Elle a proposé ces thématiques, mais cela s’est fait tous deux, comme un accord, je l’ai accompagnée dans ce travail. Même si elle en a fait le plus gros, car j’étais en pleine préparation de film. Du coup, quand on voit ces extraits accolés, tirés de nombreux films, c’est presque comme une révélation, si j’ose dire, de ce qui parcourt l’œuvre.   Pour toi-même, cette mise en forme a également éclairé ton œuvre sous un autre jour ? Oui, c’était très étonnant de le redécouvrir de cette façon. J’ai en fait un sentiment de mission accomplie. Un travail qui a permis de rendre visible ce qui ne l’est pas forcément, le monde des défavorisés, comme une hantise chez moi. Il y a par ailleurs une nostalgie évidente, j’ai là quarante ans de ma vie sous les yeux. Et comme je travaille depuis toujours avec mes amis, c’est comme un album de famille. C’est une plongée assez vertigineuse. Ça nous a émus, déstabilisés, troublés. Comme je dis, avec humour : en général, on fait ça quand les gens sont morts, bon, là, on me fait une exposition de mon vivant, j’aime bien (rires).   Que représente pour toi un lieu comme la Friche ? Est-ce qu’il était naturel d’y produire cette exposition ? Oui, c’était vraiment bien que ce soit à la Friche. D’abord, c’est à la Belle de Mai, quartier extrêmement populaire et pauvre, qui se redressera un jour, je l’espère. Et c’est le quartier où j’allais au lycée : j’étais à Victor Hugo. Enfin, j’ai été Président de cette Friche, qui avait été créée par Philippe Foulquier. J’y ai donc souvent eu des locaux, j’y ai tourné beaucoup de scènes, c’est un lieu que j’ai, en quelque sorte, un peu fait mien.   Concernant la sortie de Et la fête continue !, le film creuse ce sillon d’une œuvre de quarante ans, comme une pierre rajoutée aux thématiques qui ont traversé tous les autres films. Dans les premiers retours de la presse, on dit que c’est du Guédiguian concentré. Ça continue en effet de travailler tout ce que j’ai toujours exploré, mais sous une autre forme, particulière. C’est un film très personnel, une sorte de journal intime déguisé. C’est l’ensemble de mes réflexions, aujourd’hui, sur l’Arménie, sur la politique en France, sur l’amour, sur le vieillissement, sur les enfants. Des thèmes sociaux et sociétaux. Je parle donc un peu de tout, mais en l’incarnant toujours, car le cinéma doit rester fluide et narratif. Je pense en l’occurrence à Ariane Ascaride, qui interprète Rosa, qui se pose là comme une juste devant l’humanité, un personnage exemplaire. Et c’est un film qui s’équilibre à travers la transmission entre deux générations.  

Propos recueillis par Emmanuel Vigne

   

À voir en salles : Et la fête continue ! de Robert Guédiguian, avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin…

Exposition Robert Guédiguian. Avec le cœur conscient : jusqu’au 14/01/2024 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).

Rens. : www.lafriche.org