Depuis 30 ans, les médias relatent la crise migratoire qui se déroule aux portes de l’Europe et mettent en lumière les destinées souvent tragiques des migrants et des réfugiés qui s’entassent sur des embarcations de fortune pour affronter la Méditerranée. Venus pour la plupart d’Afrique et du Moyen- Orient, fuyant la guerre, la violence ou la pauvreté, ces femmes, hommes et enfants quittent leur pays d’origine pour une terre qu’ils trouvent accueillante comme ils l’expriment dans les témoignages recueillis par Aimée Thirion et Abdulmonam Eassa.
Les politiques migratoires européennes ne parviennent pas toujours à absorber leur afflux croissant. De nombreux camps de transit ont été mis en place sur les routes des exilés, et des initiatives publiques et associatives oeuvrent pour améliorer leurs conditions d’accueil. Michaël Bunel et Grégoire Eloy ont accompagné le temps d’un reportage les structures d’aides aux exilés et les acteurs engagés pour le respect des droits humains tandis que Nathalie Bardou et Sinawi Medine sont allés à la rencontre des patrons d’entreprises, des agriculteurs, ou des citoyens bénévoles qui en aidant les réfugiés ont fait de la solidarité leur boussole.
De plus, depuis 2020, la crise sanitaire a aggravé une situation déjà complexe, par l’instauration de restrictions en matière de déplacements internationaux. Si pour certains la traversée des frontières est clandestine et risquée, pour d’autres, passeport en poche, elle est simple et fluide.
Passés ces temps confinés, les voyageurs comme ceux portraiturés par Hans Zeeldieb peuvent à nouveau embarquer sur des ferries pour rejoindre leurs familles ou découvrir de nouveaux horizons.
Au-delà de cette histoire récente, l’identité de la France, et de Marseille en particulier, a toujours été profondément liée aux vagues migratoires et à l’installation de communautés qui en constituent sa population actuelle : Italiens, Arméniens, Maghrébins, Comoriens. Patrick Zachmann et Anita Pouchard Serra ont rencontré les héritiers nés en France de ces générations issues de l’immigration. Antoine d’Agata témoigne, quant à lui, de la richesse d’une nation construite sur le métissage en prenant l’exemple de la Guyane, territoire ultra-marin.
Ce sont ces traversées maritimes et terrestres, passées et actuelles, que racontent ces dix histoires issues de la Grande Commande aux photojournalistes voulue par la Ministère de la culture et pilotée par la BnF. Dix photographes auteurs nous font le récit en images de parcours poétiques, politiques, extraordinaires et solidaires.
— Héloïse Conésa, Emmanuelle Hascoët et Christophe Asso commissaires de l’exposition
Le ministère de la Culture a confié en 2021 à la Bibliothèque nationale de France le pilotage de la Grande commande pour le photojournalisme. Intitulée Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire, cette commande a permis la sélection de 200 photographes en deux appels à projets.
Les photographes lauréats ont bénéficié d’un financement d’un montant de 22 000 euros chacun qui leur a permis de mener à bien leur projet. Les photographies inédites produites ont intégré les collections de la BnF entre l’automne 2022 et le printemps 2023.
Cette commande d’une ampleur historique, dont le budget s’élève à près de 5,46 millions d’euros, intervient dans le cadre du plan gouvernemental de soutien à la filière presse.
VALORISATION ET RAYONNEMENT
La BnF intègre les œuvres produites dans le cadre de la commande aux collections nationales dont elle a la garde, au sein du département des Estampes et de la photographie. Ce département, qui conserve des photographies depuis l’invention de ce médium, détient aujourd’hui l’une des plus grandes collections de photographies de presse au monde. L’ensemble des 200 reportages de la Grande commande pour le photojournalisme sous format numérique a été déposé au sein des collections. Dix tirages photographiques par lauréat sont par ailleurs intégrés aux collections physiques.
Une sélection d’images pour chaque photographe sera intégrée à la vaste exposition collective et rétrospective qui sera accompagnée d’un catalogue au printemps 2024 à la BnF. Par ailleurs, des opérations de valorisation en partenariat avec des institutions actives sur l’ensemble du territoire permettent dès ce printemps 2023 de découvrir certains projets portés par les photographes sélectionnés.
La Grande commande pour le photojournalisme en ligne
Un site internet de valorisation des travaux de la Grande commande pour le photojournalisme a été mis en ligne, permettant de consulter librement les sujets des reportages proposés par les photographes et de visionner les dix images qui ont intégrée les collections de la BnF sous forme de tirages : https://commande-photojournalisme.culture.gouv.fr/
La BnF publie par ailleurs en ligne sur son site depuis le printemps 2022 le journal de bord de la commande. Conçu comme une invitation à suivre la commande sur le terrain, ce récit collectif est alimenté par une soixantaine de photographes. Il retrace la fabrique de leur reportage et témoigne de la diversité des sujets et des approches des auteurs photographes. Il a été publié au fil des mois et de l’élaboration des différents projets : https://www.bnf.fr/fr/journal-de-bord-collectif
De la même façon, un compte Instagram dédié permet de retrouver les travaux des lauréats ainsi que des extraits des journaux de bord : https://www.instagram.com/grandecommandephoto
À PROPOS DES PHOTOGRAPHES ET DES PROJETS RETENUS
Les 200 lauréats, parmi lesquels 40 % de femmes, sont âgés de 21 ans (Philémon Barbier) à 81 ans (Harry Gruyaert). Les projets retenus par les deux jurys témoignent de l’ampleur du thème proposé pour cette commande. L’ensemble des territoires français est concerné, avec une plus forte représentation de l’Île-de- France, Marseille et la région PACA, les Hauts-de-France, la Bretagne, plusieurs territoires ultra-marins (Saint-Pierre-et-Miquelon, la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, Mayotte, Wallis et Futuna, Tahiti).
Parmi les axes privilégiés par les photographes, on retrouve le territoire comme fil conducteur : une ville, un quartier, une route, un cours d’eau... Le monde du travail, dans sa diversité, touché par la COVID et les préoccupations environnementales constituent également des lignes de forces des projets retenus. De nombreux photographes sélectionnés ont souhaité privilégier par ailleurs les genres du portrait et du paysage, pris sur le vif ou bien posés. Même si une grande partie des sujets intègre les préoccupations sociales, politiques, économiques et écologiques de notre société, certains photographes souhaitent explorer d’autres thématiques comme la France « qui va bien », ou encore des sujets comme l’industrie des loisirs, le sport et le tourisme à l’approche des grandes vacances d’été. Plusieurs sujets traitent par ailleurs de l’accueil et de l’insertion des migrants en région et de la question de la naturalisation. La guerre en Ukraine, au coeur de l’actualité, est aussi traitée sous l’angle de l’accueil des migrants ukrainiens en métropole. Enfin, beaucoup de photographes s’attachent à explorer les revendications individuelles et communautaires - liées en particulier à la question du genre, de l’intime, du corps – comme manifestes d’un changement de paradigme dans la société française et mettent en avant les moments ou les lieux qui cristallisent ces interrogations (fêtes, associations…).
Si le choix du numérique couleur est majoritaire, certains photographes adoptent la chambre argentique ou le noir et blanc. Enfin, les jurys ont retenu des travaux qui s’inscrivent dans les codes du photojournalisme historique ainsi que des écritures documentaires qui s’ouvrent à de nouvelles formes (intégration d’archives, images réalisées en concertation créative avec leur sujet...).
Commissaires de l’exposition : Héloise Conésa, Conservatrice du patrimoine, chargée de la collection de photographie contemporaine au département des Estampes et de la Photographie de la BnF, Emmanuelle Hascoët, chargée de mission Grande Commande Photojournalisme au département des Estampes et de la
Photographie de la BnF et Christophe Asso, directeur du festival Photo Marseille.