La première exposition de 2024 à Triangle-Astérides, qui fêtera ses 30 ans au cours de l’année, est le premier solo institutionnel de l’artiste Aline Bouvy en France, co-pensé et co-produit avec le centre d’art de la Ferme du Buisson où il sera présenté à l’automne (du 6 octobre 2024 au 26 janvier 2025).
Son titre, Le Prix du ticket, joue sur le double sens du mot prix : il s’agit tout à la fois de ce dont le public doit matériellement s’acquitter pour entrer dans un parc d’attraction, avec les attendus et normes duquel joue l’installation d’Aline Bouvy ; mais aussi sur un plan symbolique de ce qu’il en coûte, ce que l’on doit sacrifier.
Structure blanche déposée sur le bâtiment de la Friche la Belle de Mai, l’espace comme le nom du Panorama évoque en effet pour Aline Bouvy les architectures des parcs d’attractions et parcs à thèmes ainsi que les constructions éphémères des grandes expositions internationales. Lorsqu’on se tient à l’intérieur, la vue grandiose sur Marseille cadrée par l’immense baie vitrée fonctionne comme un panoptique : la position du point de vue surélevé confère un sentiment de grandeur et de puissance, comme dans une tour de contrôle dans laquelle on devient l’observateur·rice distancié·e d’un monde devant soi.
Aux angoisses provoquées délibérément par les attractions de style maison hantée ou train fantôme se superpose une autre forme d’angoisse psychologique, celle d’un monde distordu dans l’interprétation de son histoire, suscitant la mélancolie générale d’un passé qui n’a jamais été.
Aline Bouvy imagine ainsi au Panorama un environnement dans lequel l’angoisse serait provoquée par un excès de blanc (couleur de la boîte même, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur) reprenant les codes du « white cube » aussi bien que ceux des intérieurs chics minimalistes et chromophobes. Par un travail de sculpture, de costumes et une performance chorale – des oeuvres toutes inédites –, l’exposition évoquera l’inquiétude suscitée par la prétendue neutralité d’un blanc presque trop blanc impliquant un certain ordonnancement du monde.
Aline Bouvy (née en 1974 en Belgique, vit et travaille entre la Belgique et le Luxembourg) explore de nombreux médiums tels que la sculpture, le dessin, la photographie, le son. Entre 2000 et 2013, l’artiste a travaillé en collaboration avec John Gillis et a également co-fondé le collectif féministe « The After Lucy Experiment » avec Claudia Radulescu, Delphine Deguislage, Charlotte Beaudry, Céline Gillain et Aurélie Gravas (de 2010 à 2015). (...)
Elle interroge notre rapport au corps et à l’espace pour nous inviter à de nouvelles expériences sensorielles à la fois séduisantes et repoussantes. Le corps devient ici un médium. Entre désir et empathie, des formes et des langages se révèlent là où il est difficile de faire advenir une image ou une parole.Si ses œuvres contiennent une forte charge sensorielle liée à l’identité et aux tabous, l’histoire des corps, tant masculins que féminins, est ici convoquée dans son rapport latent et sexuel, domestique, intime et politique. (...)
En revisitant la lente trajectoire utopique d’une culture en train de se détourner des modèles dominants du patriarcat et de l’hétéronormativité, la libido délivrée de toute morale, sans jugement, destitue ces corps incarnant l’autorité d’une société qui surveille et enferme nos corps. Cette mise à nu du monde sous surveillance lui permet de détourner les codes tant esthétiques que politiques du pouvoir et de la domination afin de déstabiliser nos repères. (...)
(biographie par Marianne Derrien, courtesy de l'artiste)
Curateur·ices / Curators: Marie de Gaulejac, Victorine Grataloup (pour Triangle-Astérides) et Thomas Conchou (pour la Ferme du Buisson)