Chiharu Shiota - Beyond Consciousness

Installations immersives. Dans le cadre de la Biennale d'Aix

Les œuvres de Chiharu Shiota sont éphémères, mais elles visent à laisser une impression durable. L’artiste réalise des installations immersives dans lesquelles un espace entier est traversé de fils de couleur généralement noire ou rouge, couleurs qui selon l’artiste peuvent être associées au ciel nocturne ou au cosmos pour la première, au sang ou au fil rouge du destin dans la mentalité asiatique pour la seconde.

Les lieux d'exposition accueillent des œuvres existantes et de nouvelles créations réalisées in situ qui viennent dialoguer avec l’architecture et l’histoire du lieu investi.
 

"Cette exposition explore la condition humaine et ce qui se cache derrière. Dans mon travail, j’essaie de trouver un sens à la vie, à la connexion et à la mort. Je m’inspire de mes émotions et de mes expériences, mais il ne s’agit pas seulement de moi. Nos souvenirs sont une partie cruciale de notre identité. C’est l’importance de la mémoire qui nous dit qui nous sommes, ce que nous avons fait de notre vie et avec qui nous étions connectés. Alors que notre cerveau détient une collection personnelle et intime de souvenirs, cette collection est inconnue des autres jusqu’à ce que vous partagiez avec eux votre expérience et vos sentiments."
— Chiharu Shiota

 

Au Musée des Tapisseries, les fils rouge constituent un tunnel que le visiteur sera invité à traverser, pouvant être protecteur ou oppressant. Une expérience à éprouver pour une transformation tel un cocon ou une chrysalide.

 

Née à Osaka au Japon en 1972, Chiharu Shiota vit et travaille à Berlin depuis 1997. Usant de fils tissés, l’artiste combine performances, art corporel et installations dans un processus qui place en son centre le corps. Sa pratique artistique protéiforme explore les notions de temporalité, de mouvement, de mémoire et de rêve et requièrent l’implication à la fois mentale et corporelle du spectateur. 

L’inspiration de Shiota émerge souvent d’une expérience ou d’une émotion personnelle qu’elle développe en préoccupations humaines universelles telles que la vie, la mort et les relations. Elle a redéfini le concept de mémoire et de conscience en collectant des objets ordinaires tels que des chaussures, des clés, des lits, des chaises et des robes, et en les engloutissant dans d’immenses structures de fils. Elle explore cette sensation de « présence dans l’absence » avec ses installations, mais présente aussi des émotions intangibles dans ses sculptures, dessins, performances vidéo, des photographies et des toiles. 

En 2008, elle a reçu le prix Art Encouragement du ministère japonais de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie. Parmi ses expositions personnelles à travers le monde, citons le Hammer Museum, Los Angeles (2023) ; Queensland Art Gallery of Modern Art (QAGoMA), Brisbane (2022) ; Le ZKM | Zentrum für Kunst und Medien, Karlsruhe (2021) ; Musée de Nouvelle-Zélande Te Papa Tongarewa, Wellington (2020) ; Musée d’art Mori, Tokyo (2019) ; Gropius Bau, Berlin (2019) ; Galerie d’art d’Australie-Méridionale (2018) ; Yorkshire Sculpture Park, Royaume-Uni (2018) ; Power Station of Art, Shanghai (2017) ; K21 Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf (2015) ; Smithsonian Institution Arthur M. Sackler Gallery, Washington DC (2014) ; le Musée d’art de Kochi (2013) ; et le Musée national d’art d’Osaka (2008), entre autres. 

Elle a également participé à de nombreuses expositions internationales telles que le Festival international d’art d’Oku-Noto (2017), la Biennale de Sydney (2016), la Triennale d’art d’Echigo-Tsumari (2009) et la Triennale de Yokohama (2001). En 2015, Shiota a représenté le Japon à la 56e Biennale de Venise.

Elle est représentée par la Galerie Templon à Paris et New-York.


Musée des Tapisseries
Jusqu'au 6/10 - Tlj 11h30-13h30 (10h-18h sf mardi du 2/09 au 6/10)
6 €
https://www.biennale-aix.fr/
28 Place des Martyrs de la résistance
13100 Aix-en-Provence
04 42 23 09 91

Article paru le mercredi 12 juin 2024 dans Ventilo n° 498

Beyond Consciousness de Chiharu Shiota

Aux fils, du temps

 

Il y a quelque chose de rassurant dans le travail de Chiharu Shiota, actuellement présenté dans trois espaces différents de la Biennale d’Aix. Rassurant par son approche qui, malgré son caractère impressionnant, reste ouverte et accessible. Mais aussi par le choix d’un nombre restreint de sujets universels — le corps, l’attachement, la présence ou l’absence, la mort — qui parlent au visiteur sans qu’il ait besoin de se plonger dans un de ces textes explicatifs alambiqués dont d’autres artistes contemporains ont le secret.

    Née à Osaka, mais travaillant désormais à Berlin, Chiharu Shiota est surtout connue pour ses très grandes installations, faites de centaines de fils rouges simplement suspendus ou enchevêtrés de manière plus complexe, et portant en leur sein, comme en lévitation, divers objets du quotidien : robes, pages d’une livre, valises… Dans Collecting Feelings, à la Chapelle de la Visitation, ce sont ainsi des lettres de remerciement provenant de son entourage qui flottent dans un grand cube rouge. Le résultat est majestueux, les papiers semblant emportés par le vent et figés dans un instantané en trois dimensions, mais peut aussi devenir inquiétant, l’installation occupant quasiment tout le volume de la chapelle et ne laissant au visiteur, pour en faire le tour, que le chemin exigu que cette présence massive lui impose. Ce besoin de marquer une présence s’exprime constamment dans le travail de Chiharu Shiota, comme une réponse, sans doute, à la menace de disparition qu’une santé fragile fait depuis longtemps peser sur elle. Ses cordages forment alors une attache sûre, durable dans le temps et dans l’espace, allant du tissu microscopiquement arrangé de nos cellules à celui, plus abstrait, qui nous lie les uns aux autres en un romantisme dépassant de loin la banalité des réseaux sociaux. Ailleurs, passant du rouge au noir, ces mêmes fils deviennent l’âme d’un gisant creux, reposant à terre, écho tranquille de l’élévation stellaire Athanor installée par Anselm Kiefer dans un escalier du Louvre. Mais ce qui surprend, dans cette exposition aixoise, ce sont surtout les travaux de plus petit format tels Living Inside, présenté au Pavillon de Vendôme, où les fils rouges entourent et entrelacent un essaim de meubles pour maison de poupée, formant toutes sortes de petits salons posés sur un long socle blanc qu’ils dépassent pour grimper une partie du mur. Associés à des tirages photo, des assemblages en verre et quelques œuvres graphiques de taille plus raisonnable que les installations, ces éléments permettent d’approcher discrètement la pensée et le mode de travail plus personnels de l’artiste, où le rouge des fils se change en rouge sang soudainement brut, alors que les assemblages aléatoires d’objets translucides ficelés entre eux évoquent par contraste le bonheur d’une artiste libre et spontanée. La petite vidéo présentée au Musée des Tapisseries, au sortir d’un long tunnel arachnéen en toile de fils rouges, ne dit que ça, et c’est ce qui en somme résume le mieux le minimum vital absolu cher à Chiharu Shiota.  

Pierre-Nicolas Bounakoff

 

Beyond Consciousness de Chiharu Shiota : jusqu’au 6/10 au Musée du Pavillon de Vendôme, au Musée des Tapisseries et à la Chapelle de la Visitation (Aix-en-Provence).

Rens. : www.biennale-aix.fr

Dans le cadre de la biennale d'Aix-en-Provence