Perles rares des cinémas de l’Est à l’Institut de l’Image
Plein Est
L’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence profite de la sortie en salle d’une version restaurée du Sátántangó de Béla Tarr, chef d’œuvre peu égalé, pour proposer un cycle passionnant sur les cinématographies des pays d’Europe de l’Est.
Parmi les plus belles pages écrites par le cinéma, dans son histoire, figurent sans conteste celles que les pays d’Europe de l’Est imprimèrent sur pellicule. L’influence de l’URSS reste indéniable : le pays créa dès 1918 une impressionnante infrastructure cinématographique, dans l’idée de développer un élément fondamental de la culture populaire. Dynamique qui placera l’Union Soviétique au premier rang de cet art nouveau, et d’où émergeront les plus grands cinéastes de l’histoire. Après la Seconde Guerre mondiale, cette politique culturelle sera reproduite dans les pays de l’Europe orientale, devenus « petits frères » de l’URSS, la fusionnant aux traditions propres à chacun d’entre eux, dans le ton du récit et de la sémiologie picturale. C’est le temps de la création d’éminentes écoles de cinéma, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Roumanie, propres à former un solide vivier de professionnels. Même si peu de productions, au final, parviennent à dépasser les frontières du Rideau de Fer, l’étude approfondie de cette période cinématographique témoigne d’une densité et d’une créativité kaléidoscopique, inégale mais passionnante. Des grandes productions historiques teintées de propagande aux films particulièrement intimistes tentant de contourner les foudres de la censure, jusqu’aux sublimes œuvres d’animation, les cinématographies d’Europe de l’Est marqueront durablement les esprits. L’équipe de l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence, dans sa dynamique programmation de films du répertoire, consacre justement son prochain cycle à ce pan majeur du cinéma. Une proposition que motive l’actuelle sortie en salles, en copie numérique restaurée, du chef d’œuvre du cinéaste hongrois Béla Tarr,
Sátántangó, film-fleuve, film-monde, littéraire et visuel, sur la décrépitude du communisme dans les pays de l’Europe orientale. Un bouleversant mirage cinématographique comme il en existe peu, au final, et que l’on ne saurait bouder dans cette nouvelle version restaurée. Autour de la projection du film, la salle aixoise propose ainsi de (re)visiter les grandes pages du répertoire, de l’incontournable opus, bien évidemment, de Mikhail Kalatozov,
Quand passent les cigognes, au
Kanal de 1957 du Polonais Andrzej Wajda — sans omettre son sublime
Cendres et diamants —, en passant par l’impressionnant et glaçant
Requiem pour un massacre d’Elem Klimov, plongée dans une guerre atroce, en Biélorussie, à travers les yeux d’un adolescent. Deux opus d’un cinéaste que nous chérissons dans ces colonnes, le Polonais Jerzy Skolimovski, s’ajouteront à cette riche programmation :
Signes particuliers : néant et
Walkover. Sans oublier, comme à l’accoutumée, de véritables perles à découvrir sans tarder, d’
Un Petit carrousel de fête de Zoltán Fábri à
Méphisto d’István Szabó. Une plongée magnifique au cœur d’un cinéma réputé hermétique, qui dévoile cependant, dès que les lumières de la salle s’éteignent, toute sa fascinante beauté.
Emmanuel Vigne
Perles rares des cinémas de l’Est : du 29/02 au 24/03 à l’Institut de l’Image (Cité du Livre, Aix-en-Provence).