Black Films Matter à l’Institut de l’Image
Black-out sur Hollywood
Le cycle d’octobre de l’Institut de l’Image à Aix-en-Provence met en lumière, à l’aune des mouvements afro-américains actuels, la question des représentations noires dans le cinéma hollywoodien, avec un chapelet de films à (re)découvrir sans hésitation !
Le cinéma se faisant bien souvent – sauf exceptions – le reflet d’une société et de ses évolutions, il est toujours saisissant de pointer la place accordée aux Afro-Américains dans l’histoire cinématographique outre-Atlantique, à l’heure où les revendications plus que légitimes aux cris de
Black Lives Matter secouent les sociétés occidentales, venant nous rappeler que nous sommes loin d’en avoir terminé avec le racisme endémique dont est victime tout être différencié par sa couleur de peau. D.W. Griffith avait planté ce sombre décor en 1915, avec un
Naissance d’une nation terrifiant, adapté du livre de Thomas Dixon, à la gloire du Ku Klux Klan. Jusqu’aux années 50, la représentation de la communauté noire dans le cinéma américain — à l’image des lois ségrégationnistes en œuvre dans le pays — se limitera soit à une quasi absence, soit à l’utilisation d’acteurs blancs maquillés, soit aux rôles stéréotypés de serviteurs, musiciens ou danseurs. Jusqu’au Code Hays qui interdira l’évocation d’amours interraciales. Cette représentation connaîtra ses premières transformations avec l’essor des combats afro-américains contre les lois ségrégationnistes. C’est dire, dans le contexte actuel, comme la rétrospective consacrée ce mois-ci par l’Institut de l’Image se révèle tout à fait passionnante ! « Black Films Matter » revient sur les pages cinématographiques principales qui ont bouleversé le visage de l’Amérique, et œuvré pour la cause des Afro-Américains. À commencer par le classique de Stanley Kramer,
Devine qui vient dîner…, porté par Sidney Poitier, premier acteur noir vraiment reconnu à Hollywood, qui mettra un point (presque) final aux règlements abjects du Code Hays. Un film dont on ne prend pas toujours bien conscience de la portée qu’il eut en 1967. Mais l’acmé sera atteinte lorsque surviendra, soudainement, en 1971, un courant cinématographique qui résonne encore de nos jours, la
Blaxploitation (dont Quentin Tarantino nous livrera une copie conforme avec
Jackie Brown). En quatre ou cinq ans, et une poignée de films, ce mouvement, considéré longtemps comme un sous-genre nanardesque, affirma sa volonté commerciale destinée à un public noir. Avec ses codes, et ses noms restés dans les mémoires, l’actrice Pam Grier et le cinéaste Melvin Van Peebles en tête. Un courant dont la partie musicale fut également sous-estimée avec, en l’occurrence, l’émergence du hip-hop. Ce cycle lui rend hommage, avec l’excellent
Coffy, la panthère noire de Harlem de Jack Hill, que viendra présenter l’éminent auteur et réalisateur Régis Dubois, spécialiste du sujet, consécutivement à la projection de son documentaire
À l'ombre d'Hollywood : le cinéma noir indépendant (1910-1950). Une part du cycle est ensuite consacrée aux cinéastes et œuvres ultérieures qui continuent jusqu’à nos jours à permettre une présence plus importante des noirs à l’écran, films imprégnés d’un engagement salvateur, à l’instar de l’extraordinaire
Killer of sheep de Charles Burnett,
Do the Right Thing de l’incontournable Spike Lee,
I am not your negro de Raoul Peck (séance présentée par Jake Lamar),
Get out de Jordan Peele (présenté par Adrienne Boutang), le très beau
Queen & Slim de Melina Matsoukas ou l’actuel
Billie de James Erskine, qui sort ce mois-ci en salle. Enfin, l’équipe de la salle aixoise se permet à l’occasion de ce cycle quelques chemins de traverse, avec l’évocation de la figure de Sembene Ousmane, ou les séances de
Babylon de Franco Rosso, documentaire passionnant sur la scène musicale anglaise totalement imprégnée de culture noire.
Emmanuel Vigne
Black Films Matter : du 3 au 27/10 à l’Institut de l’Image (Salle Armand Lunel – Cité du Livre, Aix-en-Provence).