Festival d’été de Châteauvallon
Courant éclectique
Partageant les mêmes dates que son éminent collègue du In d’Avignon, le Festival d’été de Châteauvallon en épouse aussi la même diversité de formats, la haute qualité de ses propositions et une fougue festive. Tout cela dans le cadre idyllique, à l’écart de la ville, d’un écrin culturel posé sur une colline qui domine la mer.
Le Festival d’été de Châteauvallon a toujours été un incontournable, notamment lorsqu’il était entièrement consacré à la danse, les compagnies les plus prestigieuses se produisant sur la scène de l’Amphithéâtre. Après divers remaniements, il a pris toute son ampleur et gagné en popularité durant le confinement. Il était en effet de mise, à cette époque-là, d’investir l’extérieur pour préserver la santé de chacun et la continuité de la présentation des créations. On se souvient de l’été 2020 et de la surprise provoquée par la vision d’un corps à la verticale, la tête enfouie dans la terre de la garrigue… c’était la première d’
Underground de Romain Bertet, qui sera cette année à Avignon au Train Bleu. Et quel souvenir inoubliable que ce
Jardin aux Oiseaux, avec une déambulation parmi les pins des Chanteurs d’Oiseaux, suivie d’une lecture des textes de Jean d’Agrève par Charles Berling, accompagné par la talentueuse pianiste Shani Diluka à l’ombre de la pinède du haut... Des moments de magie que Charles Berling nous a offerts et qu’il a démultipliés en 2021 pour d’heureuses retrouvailles scéniques et publiques de juin à juillet, comprenant vingt-sept propositions et autant de grands noms (Simon Abkarian, Fanny Ardant, Jean-Claude Gallotta, Étienne Minoungou, Stanislas Nordey, Pascal Rambert, Lisa Simone…). Un succès au-delà des espérances. Sur ces multiples expériences enchanteresses nées de la contrainte, le Festival d’été s’est forgé une identité propre qui allie nature, plaisir, innovation et partage. Tout ce dont nous avons besoin en ce moment. Petit aperçu de ce qui vous charmera cet été.
Depuis son succès avignonnais avec sa pièce
Dividus, Nacim Battou est le chorégraphe qui monte. Artiste associé à Théâtres en Dracénie, il fera aussi un compagnonnage dans l’Ouest Provence avec Scènes et Cinés, chez qui il se produira trois fois la saison prochaine. Sa compagnie Ayaghma, bien qu’ayant une forte influence hip-hop, est constituée de personnalités singulières, à l’instar du circassien Clotaire Fouchereau, remarqué dans
Des gens qui dansent (petites histoires des quantités négligeables) de Mathieu Desseigne-Ravel et Naïf Production
. Ou comme la gracieuse Juliette Valerio, qui officie chez Hofesh Shechter, vue aussi dans
En Corps de Cédric Klapisch. Pour sa nouvelle création,
Notre dernière nuit, Nacim Battou a imaginé une chronique chorégraphique en trois épisodes pour lieux insolites. Un spectacle-surprise avec une création musicale de Matthieu Pernaud. Durant la même soirée, toujours entre hip-hop et contemporain, la chorégraphe Jann Gallois présentera
In Situ. Pour cette première pièce pour l’espace public de sa compagnie BurnOut, Jann Gallois jongle avec les notions de place, rôle, angle de vue et positionnement, brouillant les attendus. Finalement, les techniciens prendront la place des danseurs et vice versa.
Qui peut résister au plaisir immense de retrouver une œuvre de Maurice Béjart dans le mythique amphithéâtre de Châteauvallon ? Sûrement pas ceux qui y ont vu feu Jorge Donn y danser, non pas le
Boléro, mais
1789. Avec L’
Oiseau de Feu & Boléro de Béjart et
Alors on danse… ! de Gil Roman dédié à Patrick Dupond, il se peut, que ce soir-là, les anges accompagnent le Béjart Ballet Lausanne.
La grande Anne Teresa De Keersmaeker fait son grand retour dans la région, d’abord au Festival de Marseille et ici avec son succès du Festival d’Avignon 2023,
Exit Above — d'après la tempête. Avec sa compagnie Rosas, le danseur et guitariste Carlos Garbin, et le guitariste et producteur Jean-Marie Aerts, la chorégraphe va chauffer les vieilles pierres avec une danse mi-clubbing mi-défilé. Une nouvelle expérience musicale réussie pour Anne Teresa De Keersmaeker que ce
walking songs qui ramène la danse au pas de la marche. Et l’on tutoiera la voûte céleste avec la voix de la compositrice-interprète Meskerem Mees.
Musique toujours, mais cette fois avec de l’opéra, et pas n’importe lequel, celui qui figure dans
Le Parrain 3 :
Cavalleria Rusticana & Pagliacci de Pietro Mascagni et Ruggero Leoncavallo.
Puis on se laissera bercer au gré du vent et des vagues par
Tous les marins sont des chanteurs de Gérard Mordillat,
François Morel et Antoine Sahler. Le public sera ravi de retrouver ces deux derniers, habitués de Châteauvallon, et de faire la connaissance d’un marin breton inconnu, poète et aventurier : Yves-Marie Le Guilvinec. Un conférencier ultra brillant et émouvant à souhait (formidable Romain Lemire) fera revivre l’épopée de ce grand gaillard à qui Léo Ferré et Théodore Botrel ont tout piqué. Un spectacle d’amour et d’humour, faisant la part belle aux chansons de marins et à la poésie des imaginaires. François Morel a un bel équipage musical (Antoine Sahler, Amos Mah et Muriel Gastebois) qui fait plus que le seconder ; ils partagent l’allégresse des mers, la beauté des mélodies d’Antoine Sahler et le charme des plaisanteries potaches. Ils seront rejoints par la chorale toulonnaise Les Maitres Chanteurs pour cette nuit du 9 juillet qui s’annonce inoubliable.
Durant ce mois qui ne vous fera plus quitter la pinède d’Ollioules, on pourra aussi aller en famille voir deux spectacles de cirque :
Rapprochons-nous de La Mondiale Générale
et Yé ! (L'eau !) du Circus Baobab.
On se laissera également guider entre les herbes folles et les pins centenaires par la verve captivante de Jacques Bonnaffé qui, avec
Quatre îles, un archipel de Clémence Kazémi et Marco Giusti, tiendra la main à toutes les solitudes, dans une performance scénique dont il a le secret.
L’été à Châteauvallon est aussi beau que chaud, il est même éclectiquement enthousiasmant.
Marie Anezin
Festival d’été de Châteauvallon : du 29/06 au 23/06 à Châteauvallon (Olioulles, 83).