Cycles « Le cinéma d’animation japonais » et Kinuyo Tanaka
Souffle d’un éventail japonais
Pour son cycle d’avril, l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence nous propose une plongée au Japon en deux volets : un retour sur les grandes pages du cinéma d’animation d’une part, et d’autre part la découverte d’une immense cinéaste oubliée de l’histoire, Kinuyo Tanaka.
Pour cette entrée printanière, l’équipe de l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence offrira un grand écart cinématographique temporel au sein de la création japonaise, profitant des récentes restaurations en format numérique. Le pays s’est en effet tardivement emparé réellement des moyens qu’offrait le cinéma pour construire une nouvelle forme, post-industrielle, de représentations du monde. Les premiers pas, jusqu’aux années 30, seront marqués en effet par l’influence théâtrale de la création cinématographique, à travers les fameux kabuki, qu’accompagneront oralement les prestations, plus célèbres que l’action se déroulant sur l’écran, des benshis, devenus de véritables stars au sein de la société japonaise. C’est plus tard, avec les œuvres magistrales d’Akira Kurosawa, Yasujiro Ozu ou Kenji Mizoguchi, entre autres, que le pays fera rayonner l’une des plus belles cinématographies de la planète. Depuis, et jusqu’à nos jours, le Japon a fait les belles heures des festivals internationaux, de Nagisa Oshima à Takeshi Kitano ou Hirokazu Kore-Eda. Mais il existe deux pans majeurs de la création japonaise sur lesquels l’équipe de l’Institut de l’Image a ce mois-ci décidé de se pencher : d’une part la production manga qui, dans sa version cinématographique, a offert de sublimes opus ces dernières décennies, et d’autre part la poignée de films réalisés par la cinéaste Kinuyo Tanaka, presque oubliée de l’histoire, et dont le travail se révèle, dans un regard contemporain, totalement révolutionnaire.
Si le manga dessiné est depuis fort longtemps une véritable institution dans la culture japonaise (et sous toutes ses formes, Kodomo, Shonen, Josei, voire Hentaï), le dessin animé cinématographique n’est pas en reste, en l’occurrence avec l’
anime. C’est cependant avec la création des studios Ghibli en 1985 par Hayao Miyazaki et Isao Takahata que les grands chefs d’œuvre verront le jour sur les écrans internationaux. Ce cycle leur rend évidemment hommage, avec la programmation du somptueux et écologique
Princesse Mononoké, ou
Le Tombeau des lucioles. Profitant de l’excellent documentaire de Pascal-Alex Vincent sorti l’année dernière en salles,
Satoshi Kon, l’illusionniste, que viendra accompagner le réalisateur lors d’une séance spéciale, une poignée d’opus de ce
mangaka majeur trouvera légitimement sa place lors de ce cycle, avec
Paprika,
Millenium Actress et le remarquable polar
Perfect Blue, devenu une référence du genre. Pour pimenter cette jolie programmation, soulignons la diffusion de deux mangas qui participèrent fortement à sa diffusion auprès d’un large public international :
Belladonna d’Eiichi Yamamoto et bien évidemment
Akira de Katsuhiro Otomo.
Faisons un bond de nombreuses décennies en arrière, et félicitons-nous de pouvoir totalement découvrir sur nos écrans les réalisations de Kinuyo Tanaka, première femme cinéaste d’après-guerre. Il est d’ailleurs intéressant de noter ici que le documentaire s’intéresse désormais aux grandes femmes littéralement oubliées de l’histoire de l’image en mouvement : après le succès du film consacré à la pionnière Alice Guy-Blaché, mais également les opus ayant remis à l’honneur le parcours artistique d’Hedy Lamarr, Mary Pickford ou Lois Weber, le grand public commence à posséder les clés pour comprendre pleinement à quel point les femmes ont joué un rôle crucial dans la création et le développement du cinéma. Dont acte avec Kinuyo Tanaka : si les plus cinéphiles la rattachent à son compagnonnage avec Kenji Mizoguchi, pour qui elle tournera de nombreux films, il ne nous a jamais été possible de découvrir ses propres créations cinématographiques, qui se révèlent pourtant de toute beauté. Ayant démarré à l’époque du muet, et terminé sa carrière à la télévision, Kinuyo Tanaka est parvenue, de haute lutte, à tourner un certain nombre d’œuvres dans une industrie écrasée par la domination masculine : elle abordera donc tout naturellement la place des femmes dans la société japonaise, en les remettant au centre du récit, au plus loin de cette domination. La cinéaste traitera alors de sujets pourtant presque interdits au Japon, de la prostitution au cancer du sein. Autant de raisons de se ruer à l’Institut de l’Image, et de découvrir les six opus programmés de cette véritable pionnière :
Lettre d’amour,
La Lune s’est levée,
Maternité éternelle,
La Princesse errante,
La Nuit des femmes et
Mademoiselle Ogin.
Emmanuel Vigne
Cycles « Le cinéma d’animation japonais » et Kinuyo Tanaka : du 1er au 26/04 à l’Institut de l’Image – Cinéma de la Manufacture (Aix-en-Provence).