Rétrospective Jean Eustache à Marseille
Les éducations sentimentales
Une grande nouvelle est tombée pour tous cinéphiles : après La Maman et la putain l’année dernière, c’est toute la filmographie de Jean Eustache qui sort désormais en salles. Un cinéaste majeur à (re)découvrir sans tarder grâce à la rétrospective que lui consacrent les cinémas La Baleine, Le Gyptis et le Videodrome 2, à Marseille.
En 2022, une ressortie en salles avait fait grand bruit, et présentait un résultat d’exploitation remarquable pour un film du répertoire : avec le retour du chef d’œuvre de Jean Eustache,
La Maman et la putain, en copie numérique restaurée, il s’agissait là de penser le cinéma comme distorsion temporelle. Longtemps interdit pour de sombres intérêts d’ayant-droit, la (re)découverte de cet opus majeur du cinéma français nous transposait dans cette liberté unique de ton propre aux années 70, et nous permettait d’embrasser le choc vécu par le public lors de sa sortie en salle en 1973. Quelques mois plus tard, voilà toute la filmographie de Jean Eustache qui fait son retour en salle ! Un événement dont se sont emparés La Baleine, Le Gyptis et le Videodrome 2, pour une formidable rétrospective qui courra jusqu’à fin juillet, et introduite par un week-end spécial du 9 au 11 juin, en présence du fameux critique Philippe Azoury. Jean Eustache reste peut-être l’un des cinéastes les plus énigmatiques de l’histoire hexagonale, ayant pris bien souvent le contre-pied de tout courant qui traversa son époque. Embarquer dans l’œuvre du réalisateur est un voyage bien atypique, et pourtant passionnant : passionnant par la liberté de ton dont il fit preuve, par son sens aigu des relations humaines, plus particulièrement amoureuses, et par un geste cinématographique oscillant entre rejet d’un modernisme fantasmé et dialogues littéraires, parmi les nombreuses émotions que procurent l’œuvre complexe de Jean Eustache. Il en fut ainsi de la vie de l’homme, jusqu’à son suicide, et celle de ses personnages, écartelé par une dissension des sentiments, trop lucide pour se laisser piéger par l’instantanéité des émanations de l’époque. Les films proposés dans les trois salles phocéennes sont donc à découvrir sans réserves, de
Numéro Zéro à
Une sale histoire — l’un des plus beaux rôles de Michael Lonsdale —, en passant par
Les Mauvaises Fréquentations,
Mes petites amoureuses, une poignée de courts inédits, et, bien évidemment,
La Maman et la putain, premier film d’Eustache, sonnant parfois dans son œuvre comme une malédiction. Ces séances seront éclairées par le regard aiguisé de Philippe Azoury, qui signe avec
Jean Eustache, un amour si grand... l’un des textes critiques les plus puissants qui soient.
Emmanuel Vigne
Rétrospective Jean Eustache : du 9/06 au 30/07 à Marseille.