Cycle « Intimité(s) / Immensité(s) » à Coco Velten
Intimes convictions
L’incontournable structure Peuple et Culture nous propose, du 27 septembre au 8 décembre à Coco Velten, un programme de huit films sélectionnés lors d’ateliers de programmation : une autre manière, bien plus enrichissante, de mettre en œuvre collectivement les résonances filmiques.
De nouvelles pratiques se sont développées ces dernières années au sein des festivals, et parfois des salles même, qui conduisent à réinventer les gestes du passeur, à rendre horizontal l’acte programmatique. S’échappant peu ou prou d’une conception verticale lors des choix des films projetés — une seule personne dispense au public son unique regard —, les ateliers de programmation invitent toutes et tous à enrichir collectivement leurs perceptions des œuvres, à étayer leur choix, en vue d’un corpus ainsi créé qui sera alors présenté au public.
Une démarche passionnante, et non exclusive, qui constitue la pierre angulaire du programme « Intimité(s) / Immensité(s) » proposé par Peuple et Culture Marseille, du 27 septembre au 8 décembre, à Coco Velten, au sein de la cité phocéenne. Ce travail de visionnage collectif fut étalé durant plusieurs mois, et l’on ne peut que se féliciter des films retenus, à commencer par
Cameraperson de Kirsten Johnson. La cheffe opératrice, à l’impressionnante filmographie, nous fait parcourir le monde, dans une juxtaposition des regards entre filmeuse / filmé.e.s, forme contemporaine d’un ciné-train partant à la rencontre, avec force empathie, des destinées humaines.
Huit opus auront finalement été sélectionnés lors de ces ateliers de programmation. Entrant particulièrement en écho aux discours politiques et médiatiques ignobles qui ont suivi l’arrivée récente de migrants à Lampedusa, l’opus de Sarah Leonor,
Ceux de la nuit, plonge quant à lui son regard sur ces femmes, hommes, enfants qui tentent désespérément la traversée de la frontière alpine aux abords de Briançon, vers Montgenèvre. Celles et ceux que l’on ne sait nommer que d’un dénominatif,
migrants, afin de réduire sémantiquement à sa portion congrue leur existence et leur dignité même.
Autre beau choix de cette dynamique de programmation,
Il n’y aura plus de nuit d’Éléonore Weber nous a enthousiasmés lors de sa sortie en salles, par sa manière tout à fait originale, et expérimentale, d’aborder l’horreur des conflits armés, de l’Afghanistan à l’Irak, au moyen d’un montage subtil de vidéos enregistrées par les armées américaine et française, par des pilotes en opération, en caméras thermiques. Une prouesse cinématographique qui se révèle passionnante, grâce, en l’occurrence, à la maîtrise totale des outils sémiologiques.
Citons enfin épars
Aucun d’eux ne dit mot, de Jacques Lin, plongée humaniste, et juste, au sein d’enfants autistes,
Overseas de Sung-A Yoon ou
Chaylla de Clara Teper et Paul Pirritano, documentaire tout à fait saisissant, et qui mériterait une très large diffusion, sur les violences faîtes aux femmes. Sans oublier les deux beaux opus que sont
Nos corps sont vos champs de bataille d’Isabelle Solas et
Soy libre de Laure Portier — distribué par l’excellente structure marseillaise Les Alchimistes — portrait émouvant, par la réalisatrice, de son jeune frère Arnaud.
Cette remarquable programmation, geste collectif, vient démontrer ainsi toute l’intelligence du dispositif où se fondent les perceptions humaines.
Emmanuel Vigne
Cycle « Intimité(s) / Immensité(s) » : du 27/09 au 8/12 à Coco Velten (16 rue Bernard du Bois, 1er).