Cycle « Malaise dans le désir » au Vidéodrome 2
Désirs défaits
Du 16 au 19 mai au Videodrome 2, le programmateur Olivier Puech nous propose un cycle en quatre films parfaitement intelligents, qui explorera l’une des fonctions du cinéma, dans la question des désirs contrariés, et de ses exigences tendant vers l’infini. Avec « Malaise dans le désir », c’est l’un des sens du cinéma qui se déploie ici, faisant aujourd’hui largement débat.
Corollaire à la naissance de la psychanalyse et aux représentations contemporaines des corps dans l’espace — non dans le
hic et le nunc des corps réels, mais dans une fantomatique des traces mnésiques —, le cinéma porte dès ses origines le rythme propre du désir, dans son imaginaire, où pour survivre, le manque doit rester prégnant. La reproductibilité de l’image en mouvement chère à Walter Benjamin, tout comme la notion de l’image-mouvement développée des décennies plus tard par Gilles Deleuze, font état d’une insatisfaction du désir propre au récit cinématographique, où la pulsion de l’inassouvissement vient se nicher dans les artefacts sémiologiques définis par Christian Metz. En bref, l’une des fonctions du cinéma s’est développée dans l’espérance d’un désir toujours recommencé, vis-à-vis duquel nous alimentions notre propre histoire, nichés au fond d’un siège d’une salle obscure. Le programmateur Olivier Puech s’empare aujourd’hui de ce passionnant axe de réflexion sur le cinéma, et propose au Videodrome 2 une courte mais belle sélection de quatre films essentiels, propres à éclairer nos regards, sur ce qu’évoquait Arthur Schopenhauer, et qu’Olivier Puech reprend en édito de son cycle : « Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. »
Si ledit bonheur avait un jour été pleinement assouvi, quelle serait devenu finalement la raison d’être du cinéma ? L’immense cinéaste américain Richard Brooks ouvrira donc ce cycle avec l’un de ses opus peu connus du grand public (on se souvient surtout de
Les Frères Karamazov ou de
La Chatte sur un toit brûlant),
Looking for Mr. Goodbar, film de 1977, donc l’un de ses derniers, dans lequel Diane Keaton explore les frontières de ses propres désirs, fuyant le carcan d’une famille de catholiques irlandais intransigeants. Autre rareté à (re)découvrir sans réserve,
La Servante de Kim Ki-young, film sud-coréen de 1960, qui nous plonge dans un trio et huis-clos saisissants, magnifiquement photographiés, qui fit dire à Martin Scorsese que c’était là l’un des opus de son panthéon cinématographique. Suivra la séance du classique de Claude Chabrol
Les Noces rouges, magnifié à l’écran par les parfaites interprétations de Stéphane Audran et Michel Piccoli. Le réalisateur de la Nouvelle Vague continue ici d’explorer les affres de la petite bourgeoisie locale hexagonale, au sein de laquelle un couple d’amants trouve mille freins à l’accomplissement de ses désirs. Enfin, c’est le grand Joseph Losey qui clôturera ce beau cycle, avec là encore un opus particulièrement rare,
Accident, film de 1967, qui transgresse les conventions entre un professeur et son étudiante.
Amours impossibles et désirs contrariés feront sans nul doute l’objet de vibrants débats et échanges au sortir des projections, dans une mise en perspective de la société contemporaine.
Emmanuel Vigne
Cycle « Malaise dans le désir » : du 16 au 19/05 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e).