Rencontres Films Femmes Méditerranée
Cinéfilles de notre temps
La dix-huitième édition des rencontres Films Femmes Méditerranée investira la cité phocéenne du 18 au 24 novembre, dans six lieux de la ville, mais également en Région. Une programmation toujours remarquable, qui continue de creuser le sillon d’une production cinématographique portée par de grandes artistes.
Indéniablement, les luttes pour l’émancipation et les droits des femmes semblent s’apparenter à un réel travail sisyphéen, qui astreint à la permanente vigilance et à l’engagement total. L’inquiétant retour de bâton masculiniste, au sein des mouvements conservateurs à l’œuvre dès que les droits des femmes connaissent de nouvelles avancées — le fameux
backlash —, gangrène tout particulièrement depuis quelques années l’ensemble des réseaux sociaux, mais instille quotidiennement dans nos vies, elles, bien concrètes. Nous l’avons souvent évoqué dans ces colonnes, l’industrie cinématographique reste un écosystème particulièrement favorable à la domination masculine. L’enquête de l’observatoire de l’égalité femmes-hommes publiée chaque année par le Centre National du Cinéma et de l’İmage Animée (CNC) a, en 2023, révélé derechef une tendance constante, celle d’une sous-représentation des femmes dans les secteurs de la création, des financements de films, de la distribution. Seul marqueur en progression, les femmes sont à l’initiative aujourd’hui de 41 % des premiers films, maigre consolation.
C’est dire le travail essentiel qu’effectue le festival Films Femmes Méditerranée : mettre chaque année en lumière les productions cinématographiques portées par les femmes, tout particulièrement dans cette partie du monde vers laquelle se braquent aujourd’hui encore tous les regards, et ce afin de composer un corpus d’œuvres toujours aussi audacieuses et engagées. Du 18 au 24 novembre, dans une poignée de salles phocéennes — L’Alhambra, La Baleine, Les Variétés, Le Gyptis, Le Vidéodrome 2, la Salle Image et Mouvement au centre pénitentiaire des Baumettes —, et dans quelques salles régionales, de Cucuron à Port-de-Bouc, une cinquantaine de films, quinze invitées, quatre événements et diverses avant-premières constitueront l’essentiel d’une dix-huitième édition de belle facture.
À commencer par un formidable focus sur l’artiste protéiforme Sarah Maldoror, dont l’œuvre reste empreinte de multiples combats féministes et anticolonialistes. La rétrospective que lui consacre l’équipe de FFM nous permettra la découverte d’opus rares, à explorer sans réserve, de
Sambizanga — en soirée d’ouverture — à
Scala de Milan AC, en passant par
Le Passager du Tassili,
Monangambée ou
Et les chiens se taisaient. Ces séances seront accompagnées par Annouchka de Andrade, propre fille de la cinéaste, qui portera sans conteste, en compagnie de l’artiste Maya Mihindou, un regard collectif des plus passionnants sur l’œuvre poétique consacrée à ces combattantes de l’ombre.
Parmi les temps forts de ce dix-huitième volet, signalons la présence de la réalisatrice Lina Soualem, qui nous avait émerveillés avec
Leur Algérie, et qui revient aujourd’hui avec le sublime
Bye bye Tibériade, primé de Londres au Cinemed, prolongeant son geste d’introspection familiale, à travers ses portraits de femmes, dont sa mère, l’actrice palestinienne Hiam Abbass, éblouissante dans
La Fiancée syrienne ou
Les Citronniers. La réalisatrice délivre ici un récit de l’intime d’une rare intelligence. Parmi les autres invitées du festival, citons éparses Marta Anatra pour
Horkos, Sonia Ben Slama pour le très beau
Machtat (en avant-première), Charlotte Cherici pour
Bac à sable, Lucie Demange pour
Quitter chouchou, Zaida Carmona pour
La Amiga de mi Amiga, Filipa Reis pour
Légua ou Elene Naveriani pour
Blackbird, Blackbird, Blackberry. La cinéaste géorgienne donnera par ailleurs, cerise sur le gâteau, une leçon de cinéma au Videodrome 2, en point d’orgue d’une longue histoire d’amour entre FFM et le cinéma géorgien.
De nombreux courts métrages, réunions professionnelles, actions lors des Journées contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre ou séances jeune public affineront les visages de cette programmation riche et plurielle, aux échos géopolitiques et sociétaux dont le cinéma sait parfois si bien s’emparer.
Emmanuel Vigne
Rencontres Films Femmes Méditerranée : du 18 au 24/11 à Marseille et en Région Sud PACA.