Semaine de la Pop Philosophie
Philo trois couleurs
On la voit au quotidien ou presque, sur le fronton des écoles et des mairies, sans y prêter vraiment attention. Polysémique à plus d’un titre, la devise républicaine est au cœur de la quinzième Semaine de la Pop Philosophie, transformée pour l’occasion en « Liberté, Équité, Solidarité ».
C’est devenu un fait établi, particulièrement à Marseille où, sous la houlette de Jacques Serrano, l’équipe des Rencontres Place Publique œuvre depuis quinze ans à faire vivre le concept de « pop philosophie » créé par Gilles Deleuze dans les années 70 : la pop culture est un sujet indiscutable et désormais incontournable du champ de la pensée actuelle. En témoigne la place acquise sur les bancs de l’université par divers objets du contemporain (séries télé, jeux vidéo…) ou le séminaire consacré à Beyoncé à l’ENS (École Normale Supérieure) en fin d’année dernière.
C’est d’ailleurs toute la force de la Semaine de la Pop Philosophie que de remettre en question la distinction entre culture « populaire » et culture « savante ». Faire parler des intellectuels sur des sujets a priori peu légitimes au regard de leurs disciplines, ce n’est pas ériger la pop culture au rang de culture d’élite ni à l’inverse tenter de les niveler, c’est essayer de penser autrement, de délocaliser les territoires de la pensée. C’est ainsi qu’au cours des quatorze éditions précédentes, on a pu voir des intellectuels de toute sorte disserter sur le foot, le crime, les zombies, et même la connerie.
On pourrait de fait s’étonner à la lecture de l’intitulé de cette nouvelle saison, qui reprend peu ou prou les trois volets de la devise nationale française : « Liberté, Équité, Solidarité ». Pour Jacques Serrano, qui conçoit la manifestation comme une «
exposition d’idées », maintenant que les objets pop sont rentrés à l’université, l’heure est venue pour la Semaine de la Pop Philosophie de «
s’emparer de concepts de la philosophie classique ». Mais toujours en faisant un pas de côté. Il s’agira donc de «
repenser, déplacer le triptyque », en sortant les concepts qui le constituent de leurs champs disciplinaires respectifs. Ainsi, avec l’éminent neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, la « liberté » quittera un instant son « carcan » politique et économique pour embrasser les neurosciences (le 16 à la Criée). Tandis que la philosophe Françoise Gaillard s’attaquera au débat « Égalité ou équité ? » en «
arrachant la justice au droit » (le 17, toujours à la Criée). La « fraternité » s’échappera quant à elle du champ de la morale (et de sa «
connotation religieuse ») pour s’ouvrir à d’autres formes de sociabilité.
Preuve que «
l’exigence intellectuelle ne se partage bien que dans le plaisir », comme l’affirme Jacques Serrano avec raison, les propositions de cette quinzième édition seront une nouvelle fois variées, de la « simple » conférence — mais toujours avec des pointures dans leur domaine, à l’instar des philosophes Camille Riquier et Gaspard Koenig — à la séance ciné (le 18 au Mucem, avec une soirée autour de Solidarnosc avec, entre autres, le sociologue Michel Wieviorka), en passant par le « one man show » (
Êtes-vous sûr d’avoir raison ? par le philosophe Gilles Vervisch, le 18 à l’Alcazar).
Considérant tour à tour le saumon, Frank Zappa et le bikini comme symboles de liberté absolue, la Semaine s’achèvera le samedi après-midi au FRAC autour d’un sujet pour le moins délicat : la censure et la cancel culture. Espérons que les débats qui en découleront seront à l’image de la manifestation : curieux, enrichissants et constructifs.
CC
Semaine de la Pop Philosophie : du 16 au 21/10 à Marseille.