Festival Avec Le Temps
Lettres à France
« Le temps, c’est de l’amour », comme le chantait le poète maudit de Bergerac. Le festival Avec Le Temps prouve chaque année cet adage avec panache, faisant de sa passion pour les musiciens francophones son cheval de bataille depuis 1999. Parvenant toujours à renouveler sa programmation judicieuse entre artistes confirmés et jeunes pousses, le temps n’a décidément pas d’emprise sur lui.
Cette année encore, l’affiche d’Avec Le Temps déborde de qualité ; à l’écoute des intervenants ou au souvenir de leurs prestations passées, l’édition 2024 nous apportera son lot d’émotions. L’occasion sera bien évidemment belle de (re)voir des têtes d’affiche telles que Dionysos qui jouera son
Extraordinarium, best of habillé de featuring, Eddy de Pretto qui présentera
Crash Cœur, Clara Ysé dont la récente prestation aux Victoires a dû séduire ceux qui ne connaissaient pas son phrasé articulé de diva pop aux textes graves et aux compositions subtiles, joliment arrangées.
Toujours dans les acteurs majeurs, le festival permettra de profiter sur scène de la force de Zed Yun Pavarotti, passé en cinq ans (et quatre albums !) de la trap aux guitare, basse, batterie sur
Encore sorti l’an dernier, dans lequel il fait montre de son aisance au chant et à renouveler son style. Thérèse viendra «
foutre la douceur et le feu à Marseille » ; la combattante vocale aux morceaux et à la sensibilité XL défendra les causes qui lui tiennent à cœur en nous présentant les titres de son futur LP, qui pourrait être l’un des événements musicaux de l’année. Nayra peut elle aussi se déplacer sur les terres de Keny Arkana sans complexe, riche d’un EP de huit plages au rap puissant, au son aussi gros que son caractère. Les femmes sont à l’honneur au sommet de la pyramide du talent, en atteste Joanna, dont le
Where is the light ? paru fin 2023 est solide de bout en bout, sa pop XL se mariant parfaitement aux modulations de sa voix. Lynn, reine de la soul et du R’n’B, devrait convaincre sans peine son auditoire par ses grandes qualités mélodiques, sa voix suave et ses textes finement ciselés. De quoi baigner dans la soie pendant une heure (et votre serviteur de s’accorder une licence poétique).
Au niveau local,
Fred Nevché aura à cœur d’étrenner son tout frais
Emotional Data, enregistré dans ce studio personnel récemment assemblé qui sert d’écrin à ses inspirations. Un album précédé par deux extraits brillants :
Ta lumière, hommage à une âme envolée trop tôt (plus largement, à tous ceux qui nous quittent) et
Data, évocation mélancolique de cette chose fragile que la technologie ne pourra jamais nous prendre, notre humanité, nourrie par nos sentiments.
Justement, parlons des locaux. Le Parcours Chanson du festival sera l’occasion d’applaudir la marseillaise Sasha Vaughan, également chanteuse du groupe Avenoir dont nous attendons le second EP, qui joue en solo un rock lo-fi qui n’est pas sans évoquer celui des 60s et 70s, et dont la voix filtrée a quelque chose de Dani. Il accueillera aussi Blandine, Aixoise dont deux titres sont disponibles à l’écoute pour l’heure, qui assurera pour sa part la première partie de Clara Ysé (après celle d’Adé en décembre dernier, excusez du peu) ; l’occasion pour cette élève du Conservatoire d’Aix de nous faire découvrir son talent évident et son univers musical, empreint d’une belle sensibilité alliée à une grande justesse. Toujours dans les enfants du pays, nous pourrons saluer le duo
Karpienia / Rossi, deux artistes de culture occitane qui allient chant en provençal et musique de caractère, comme si les Tindersticks étaient nés à Sète !
Puisque nous traitons de langue régionale, le créole sera à l’honneur grâce à Maya Kamaty, qu’on pourrait presque qualifier de M.A.Y.A. de La Réunion, son urban pop au son ample se mariant parfaitement à sa langue maternelle. Assurément un moment que nous avons hâte de vivre. Peet, rappeur belge, apportera pour sa part son rap festif et sa personnalité explosive : un grand moment de rigolade en perspective ! Un autre accent, celui du Québec, avec Lou-Adriane Cassidy. Un argument en soi pour l’écouter, en sus de son aisance à écrire mélodies et refrains, enjolivant ses morceaux pleins de malice et d’entrain, portés autant par des guitares saturées qu’un piano bondissant. Et puisqu’il nous restera de l’amour à donner à nos cousins américains, la belle pop lumineuse à la basse bien ronde et à la voix douce de Grand Eugène pourra le recevoir. Restons au Canada avec Aliocha Schneider. Bon, vous me direz qu’il est à moitié français car il est né à Paris, mais je vous rétorquerai que sa compagne Charlotte Cardin est Montréalaise et que j’ai donc raison (une perche auto-tendue pour vous conseiller d’écouter le fort réussi
99 Nights de cette dernière paru en 2023). Aliocha, en parallèle de sa carrière d’acteur, a trois albums à son actif, le dernier opus éponyme étant majoritairement chanté en français, ses histoires du quotidien joliment mises en musique faisant la part belle à la guitare et aux ballades mid-tempo.
Pour continuer à dérouler notre listage, n’oublions pas Solann dont l’EP
Monstrueuse dévoile joliment ses failles, sa voix (et son corps) de cristal. Gageons qu’elle récoltera les acclamations qu’elle mérite. Sans transition aucune, grosse attente de votre serviteur concernant Walter Astral, duo jouant une pop psyché à l’esthétique et au son travaillés qui n’est pas sans rappeler le
Screamadelica de Primal Scream, soit l’occasion d’onduler sensuellement sur de la musique exigeante. Ethérée, dirait un critique de métier. Même si le festival est plus axé chanson, évoquons la présence de Mila Necchella, Dj marseillaise possédant une solide culture club, à la technique assurée et disposant de suffisamment de talent au bout des doigts pour nous ambiancer pendant des heures…
Revenons enfin au Parcours Chanson précédemment abordé et parlons de Janela World, trio de rock indé planant aux compos métronomiques, portées par un chant lancinant. Louise O’sman se présentera seule sur scène, épaulée de ses instruments (notamment son accordéon), pour nous hypnotiser en nous narrant ses histoires, entre conteuse et chanteuse. Dans les locaux non évoqués précédemment,
Landscapes est la dernière création de Martin Mey et Frédéric Isoletta, accompagnés d’un orchestre du Conservatoire et d’une chorale de trois collèges. Locale encore, Christelle Canot aka Confuse nous fera découvrir sa musique, empreinte de mélancolie et voguant au gré de multiples genres. Enfin, un dernier coup de cœur pour Belvoir, duo à la musique expérimentale, inclassable et à la très forte personnalité, dont l’album
Nouvel anormal nous a suffisamment alléchés pour prendre le pari de vous inciter à les découvrir. En cas de déception, n’ayez crainte, la rédac chef de
Ventilo se chargera de rembourser vos places sur ses deniers personnels.
Sébastien Valencia
Festival Avec Le Temps : du 8 au 24/03 à Marseille.
Rens. : festival-avecletemps.com