Festival International Jean Rouch au Mucem
Nuances de Rouch
L’équipe du MuCem accueille de nouveau le Festival International Jean Rouch, manifestation francilienne de référence, créée en 1982 par le cinéaste éponyme. Une plongée tout à fait passionnante au cœur du cinéma ethnographique, qui nous invite à une juste représentation du monde.
Avant que Jean Rouch ne donne, dès les années cinquante, ses lettres de noblesse au documentaire ethnographique, faisant d’ailleurs basculer le cinéma dans une nouvelle ère qui perdure de nos jours, les premières traces de la représentation des diversités du monde dans l’image en mouvement remontent aux origines de la création du cinématographe. Une fois cette technologie novatrice inventée — appareils de prises de vues et projections sur grand écran pour une expérience collective —, de nombreux opérateurs sont partis explorer tous les continents afin de constituer un corpus de films propres à émouvoir les publics. Quelques décennies plus tard, certains cinéastes, dont Robert Flaherty ou Marcel Griaule en Éthiopie, poseront véritablement les bases d’un genre à part entière, que Jean Rouch a subtilement résumé dans cet extrait de conversation : «
Quels sont ces films ? -
Je n’en sais rien encore. » Rappelons par ailleurs que l’évolution des technologies — l'apparition de caméras légères de format 16 mm, synchronisées avec des magnétophones portables — a permis à Jean Rouch de développer un geste cinématographique précis, qui fera date dans l’histoire de l’image en mouvement. La suite est plus connue, avec entre autres la création de cette manifestation internationale en 1982, le Festival International Jean Rouch, semaine de documentaires ethnographiques.
Depuis plusieurs années, ce fameux événement s’exporte dans la cité phocéenne pour le plus grand bonheur de tous les cinéphiles, voire des chercheurs ou scientifiques. Du 6 au 9 juin, le Mucem se fera l’écrin d’une nouvelle programmation absolument passionnante, qui dessine entre les lignes une formidable représentation du monde vu d’ailleurs. Près d’une quinzaine de films composeront ainsi ce cru 2024, de toutes époques, de toutes origines. Nous retrouvons dans cette sélection quelques grands classiques du cinéma, du magnifique
Goémons de Yannick Bellon, qui nous plonge au large de la pointe du Finistère, sur l’île de Béniguet, au court métrage peu connu de Jacques Demy
Le Sabotier du Val de Loire, en passant par le
Dimanche à Pékin de Chris Marker,
Salut les Cubains d’Agnès Varda ou l’inoxydable
Masculin Féminin de Jean-Luc Godard, porté par Jean-Pierre Léaud, Marlène Jobert et bien évidemment… Chantal Goya, l’un de ses rares rôles au cinéma. Le maître Jean Rouch n’est nullement absent de cette programmation, avec les fameux
Initiation à la danse des possédés et
Les Maîtres fous, grands classiques du cinéaste.
Sur un registre plus contemporain, le film lituanien de Marta Dauliūtė et Viktorija Šiaulytė
Good Life ouvrira ce bal cinématographique, en décortiquant les mécanismes socio-professionnels d’un monde de start-up uberisée. Suivront le film collectif
Pour l’instant, tout va bien..., sur le Centre de protection maternelle et infantile de Bobigny,
Habiter Beyrouth de Michel Tabet,
Nomades du nucléaire de Tizian Stromp Zargari et Kilian Armando Friedrich, saisissante plongée au sein d’employés, par des sous-traitants, de l’industrie nucléaire française,
Terra in Vista de Giulia Angrisani et Mattia Petullà, et
Tonratun, The Armenian History Told by Women d’Inna Mkhitaryan. Chaque séance sera l’occasion de riches échanges en présence d’invité·e·s, sans omettre les tables rondes proposées, à l’instar des années précédentes, dans le cadre de cette immersion unique au cœur du cinéma ethnographique.
Emmanuel Vigne
Festival International Jean Rouch : du 6 au 9/06 au Mucem (7 promenade Robert Laffont, 2e).