Incubateurs des Imaginaires Numériques, SECONDE NATURE et ZINC travaillent depuis de nombreuses années à promouvoir et faire émerger la création contemporaine, comprendre le monde en régime numérique et aider les publics à s’approprier les technologies pour développer la créativité et favoriser l’émancipation.
Les deux associations organisent la Biennale des Imaginaires Numériques, dont la troisième édition se tiendra du 10 novembre 2022 au 22 janvier 2023. Après la Lévitation en 2018, et l’Eternité en 2020, la Biennale s’intéressera en 2022 à la thématique de la Nuit.
ÉDITION 2022 — BELGIQUE (WALLONIE – BRUXELLES – FLANDRE)
À chaque édition, la biennale a un invité d’honneur. Après le Québec en 2018 et Taïwan en 2020, nous accueillons la Belgique (Wallonie – Bruxelles – Flandre) en 2022.
Ces focus sont le point de départ de nouveaux liens irriguant un rhizome international qui ne cesse de se propager, constitué de découvertes et d’échanges. Avoir un invité d’honneur c’est plonger dans un écosystème dont on anticipe pas l’amplitude et qui s’avère toujours plus vaste et complexe que ce que l’on pressentait. C’est une nouvelle expérience, au bénéfice de laquelle on tisse des relations pétries de nos réciprocités et différences. Ces synergies nous amènent à repenser nos pratiques et toujours, à s’inspirer les uns et les autres.
En invitant la Belgique (Wallonie – Bruxelles – Flandre) à co-construire la programmation, la Biennale offre une opportunité unique de découvrir en région Sud la vitalité de ces scènes artistiques numériques, résolument dynamiques et transdisciplinaires, puisant dans la culture du pluriel et du multiple pour se faire révélateur d’une époque.
Au total, la programmation internationale présentera une soixantaine d’œuvres numériques, dont 16 issues de la plateforme CHRONIQUES CRÉATIONS, qui rassemble 39 partenaires régionaux, nationaux et internationaux. Des invités à l’honneur sur l’ensemble de la biennale ; dans le parcours d’expositions, la programmation de spectacles vivants, et lors des rencontres et rendez-vous avec nos différentes communautés (grands publics, scolaires et universitaires, professionnelles).
THÉMATIQUE 2022
Tout comme la lévitation ou la quête de l’éternité que nous avons traitées en 2018 et 2020, la nuit nous relie au rêve, à l’imaginaire et possède un pouvoir de transformation en jetant un regard nouveau sur les choses, les êtres. Ces notions à la fois spatiales et temporelles proposent un temps d’immobilisation et en cela possède une dimension subversive, politique. La nuit comme un possible espace d’hétérotopie clôturera la trilogie.
La nuit permet de se détacher de l’hégémonie de la vision et libère les autres sens. De nos perceptions altérées surgissent alors les ombres de l’animalité, de l’invisible, du magique. « Quand l’obscur prive les voyants de la vision, la vision des voyants s’inaugure » nous dit Jean de Loisy.
C’est également l’espace de nos rêves et de nos cauchemars, mais aussi des métamorphoses de soi, de la transformation de nos corps, de nos identités et de la manière dont nous allons agir.
De cette puissance créatrice, la nuit a toujours été perçue comme un espace à contrôler. On se méfie de ce que la nuit permet, car l’obscurité est féconde. La nuit est toujours un commencement et non une fin, une transition vers un nouvel horizon ou un nouveau jour.
L’apparition des lumières dans les villes a été un premier jalon pour contrôler les individus. Petit à petit, l’espace de la nuit, notamment de la nuit urbaine, est envahi par les activités du jour, opposant la ville qui dort à celle qui travaille, la ville qui erre à celle qui festoie. Le titre du film de Guy Debord « In girum imus nocte ecce et consumimur igni » « Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu », dénonce l’invasion de la lumière standard dans nos espaces, métaphore de notre société de consommation et d’aliénation.
En somme, c’est un espace ambivalent qui tantôt montre sa part éclairée, tantôt sa part d’ombre.
Cette opposition, entre espace de transgression et d’aliénation pousse certain·es à affirmer « qu’il faut sauver la nuit » essai de Samuel Challéat, évoquant les lumières de la ville qui auraient tué la magie de la nuit, créant un voile entre les hommes et les étoiles. Le noir de la nuit existe-t-il encore face à ces ciels nocturnes tour à tour jaunis de pollution et rougis du feu des usines ? Ce voile ne devient-il pas une barrière à nos introspections solitaires ? Pouvons-nous plonger encore dans nos rêveries métaphysiques ?
Le temps en continu de l’économie et des réseaux, des ordinateurs et des algorithmes colonise peu à peu les rythmes de nos vies et n’offre plus d’espaces de repos et de liberté. La technologie s’immisce-t-elle jusque dans nos rêves ? Nos nuits intérieures sont-elles préservées de la technologie alors qu’elle prolonge nos corps au quotidien ?
Ces espaces d’hétéropies, d’utopies concrètes sont peut être les dernières frontières à explorer. Finalement, le goût de la nuit est aussi un goût des autres, de l’Autre, de la rencontre et de l’inconnu. Territoire à préserver, nous verrons si la nuit peut éclairer une autre façon d’être au monde.
Margot Dewavrin