Un monde des possibles ?

Programmation de courts en deux séances proposée par Nicolas Feodoroff (programmateur, critique d'art et de cinéma). Dans le cadre du cycle de créations "Espace des possibles" consacré aux nouveaux mondes et aux nouveaux imaginaires qui pourraient s’ouvrir à nous après la crise sanitaire

Un monde de possibles ? Quels mondes possibles ? Mutations climatiques, crises sociales, nouveaux rapports à l'Histoire, aux technologies ou à l'environnement... les chantiers ne manquent pas. Que faire, comment faire, par où commencer ? Quels nouveaux récits proposer ? Les films qui composent ce programme en deux temps, que ce soit des documentaires, des films expérimentaux, des essais ou de l'animation, offrent des approches diversifiées afin de poser des espaces de possibles.

De l'enquête menée dans une perspective éco-féministe par Marwa Arsanios dans Who is afraid of Ideology 1 & 2, en ouverture de ce programme, au fantastique et à la politique-fiction de La cellule de Samir Ramdani, les champs sont multiples. Ainsi le récit de fabulation spéculative mené par Donna Haraway en dialogue avec sa complice Vinciane Despret dans Camille & Ulysse de Diana Toucedo, ou encore la possibilité d’envisager notre environnement non humain dans une autre perspective tel que le suggère Minia Biabiany dans son film au titre évocateur Learning from the White Birds, ou bien Tabita Rezaire dans Deep Down Tidal qui déconstruit les récits convenus des nouvelles technologies conquérantes (Internet) en les passant au crible décolonial et d'une spiritualité reconsidérée. Les détectives de Liv Schulman et de sa série Control, a TV Show nous mènent enfin sur des chemins de pensée inattendus.

Où modes de représentation, questions politiques et environnementales rentrent en résonances afin de penser et inventer d'autres possibilités de concevoir des mondes, de les imaginer, de les bâtir comme de les habiter.

Séance de 16h

Who is afraid of Ideology 1 &2, Marwa Arsanios, Liban, vostf, 2019, 57'
Distribution : galerie Mor Charpentier
Dans une perspective éco-féministe, l'artiste part à la rencontre de trois expériences singulières. D'abord celles des unités autogérées de femmes combattantes kurdes, et s'y fait attentives aux voix et aux récits comme aux paysages. Puis elle se rend à Jinwar, littéralement le « lieu de femmes », village de la Rojava construit exclusivement par et pour des femmes, au nord de la Syrie, pour nous mener ensuite dans la Bekaa, aux confins du Liban et de la Syrie, dans une coopérative pour réfugiés.

Learning from the White Birds, Minia Biabiany, États-Unis, vostf, 2021, 7'
Distribution : Institute for Contemporary Art, Miami
S'immergeant dans les paysages de la Guadeloupe et de la République dominicaine, Minia Biabiany médite sur la relation des êtres humains avec les environnements naturels et la possibilité de construire une communauté avec d'autres espèces. Par l'entrelacement des images de l'oiseau kyo - espèce commune dans les climats subtropicaux-, des images de troncs de bananiers et des images de fenêtres et de portes, se nouent paysages naturels, intérieurs construits et le corps humain.

Camille & Ulysse, Diana Toucedo, Espagne-France, vostf, 2020, 46'
Distribution : Fabbula (Fabien Siouffi)
Diana Toucedo propose littéralement une lecture croisée en hybridant deux récits de fabulation spéculative, pour reprendre les mots de la philosophe et théoricienne Donna Haraway, une pratique qui entremêle fiction et science. On y retrouve, mises en scène et en dialogue, Donna Haraway et sa complice Vinciane Despret, l'une reprenant ses Histoires de Camille, l'autre son Autobiographie d'un poulpe. Un conte oral dans un futur indéterminé, où peu à peu mondes et personnages entremêlés imprègnent le film.

 

Séance de 19h

DEEP DOWN TIDAL, Tabita Rezaire, Afrique du Sud, vostf, 2017, 19'
Distribution : Goodman Gallery, Afrique du Sud
Des câbles sous-marins pour les réseaux de communication, des corps noyés, des villes englouties...
L'eau, les océans, l'histoire des communications, l'histoire coloniale, autant d'ingrédients ici reliés dans des interconnexions insoupçonnées. Incrustations, collages, palimpsestes... Tabita Rezaire avec ce film aussi bouillonnant et débridé que précis et documenté, enquête sur les récits cosmologiques, spirituels, politiques et technologiques nés de l'eau comme interface pour saisir et déplier les héritages du colonialisme.

Control, a TV Show, Liv Schulman, France, vostf, 2016
Distribution : Visage Productions
Cette série conçue comme pour de la « télévision d'art », a été initiée en 2011, et en est à la saison 3. Liv Schulman reprend, réduits à l'essentiels, les codes de l'enquête avec la figure du détective -avec trench coat gris de rigueur-, interchangeable d'un épisode à l'autre. Chaque opus part d'un lieu soigneusement choisi-le port de Mar del Plata en Argentine pour le premier, une usine désaffectée à Rennes dans le second - et offre une dérive spatiale, conceptuelle et langagière. Nous voilà happés par un soliloque en forme d'adresse au spectateur, dont les digressions supputent les dessous des cartes ou spéculent sur des connexions les plus improbables ou vertigineuses.

La Cellule, Samir Ramdani, Fr, 2020, 50'
Distribution : Samsha (Alexis Bougon)
Le fantastique et la politique-fiction se télescopent dans La cellule de Samir Ramdani, qui a embarqué dans l'aventure un groupe d'adolescents du collège Charles Péguy à Paris, rencontrés à la faveur d'une résidence au long cours. Nourri des codes du genre, avec effets spéciaux rudimentaires de série B, La Cellule nous entraîne à grande vitesse dans un futur bouleversé, alors que sévit un virus, se déploie une répression généralisée et que d'autres possibles prennent place dans une France devenue décoloniale.

Séance en présence de Samir Ramdani.

Mucem - Auditorium
Le 22 janv. : 16h et 19h
Entrée libre
www.mucem.org
7 promenade Robert Laffont
13002 Marseille
04 84 35 13 13