Bidoun 3 (V.O.)

3e partie du film-manifeste de Jilani Saadi (Tunisie - 2018 - 1h24) avec Lina El Euch, Hached Zammouri... Projection en présence du réalisateur

Bizerte, une ville de province, située à 60 km au nord-ouest de Tunis. Momo, un homme d’âge mûr, célibataire et alcoolique, vient de perdre sa mère dont il n’arrive pas à faire le deuil. Douja, une jeune lle, à peine bachelière, cultive le rêve obstiné de devenir chanteuse ; elle fuit ses parents qui s’y opposent violemment et va tenter sa chance à Tunis, la capitale. Après un suicide raté, Momo perd son chemin et se retrouve, errant en pleine nuit, sur l’autoroute Bizerte-Tunis. Au même moment, Douja se fait larguer par son petit ami sur cette même autoroute. C’est là qu’ils se rencontrent. Douja et Momo joignent leur solitude, le temps d’une nuit. Après avoir fêté les 20 ans de Douja, ils décident de retrouver le petit ami et de se venger.

 

Polygone Étoilé
Le dimanche 2 octobre 2022 à 19h30
Entrée libre
www.polygone-etoile.com
1 rue Massabo
13002 Marseille
09 67 50 58 23

Article paru le mercredi 28 septembre 2022 dans Ventilo n° 469

Jilani Saadi au Polygone Étoilé

Marge brute

 

Jilani Saadi est l’un des cinéastes tunisiens les plus passionnants, à l’œuvre filmique emplie d’une énergie intelligemment orchestrée au service d’une réelle pensée de l’image en mouvement. À l’occasion de l’invitation faite par l’équipe du Polygone Étoilé / Film Flamme au cinéaste pour achever la fabrication de son dernier opus, un week-end de projections nous est proposé afin de découvrir son œuvre

    Finalement, que retenons-nous du cinéma et de son histoire ? Au-delà des grandes pages d’une industrie, écrasées par leur poids référentiel, s’étendent toutes celles, d’histoires, que l’on nous cache encore, et que les années, si l’on y met la curiosité nécessaire, nous permettent d’exhumer. L’histoire des films fauchés, des cinéastes pour qui la seule richesse matérielle, armés cependant de leur génie, se limitait à quelques mètres de pellicules glanées ou le trésor d’une caméra prêtée. Or, le cynisme de cette industrie anthropophage s’accomplit pleinement lorsque l’on constate à quel point certains cinéastes ayant peiné à réaliser leurs œuvres ont pu en inspirer tant d’autres. À l’heure où tout un système se retrouve fortement ébranlé — et l’on se surprend finalement à trouver cela heureux —, les gestes cinématographiques de créateurs et de créatrices souvent ignoré·e·s par une industrie qui les méprise apparaissent aujourd’hui comme les axes d’une révolution à venir, dans la manière de fabriquer les œuvres, ou de les montrer. Le Polygone Étoilé, à Marseille, a depuis longtemps parfaitement compris ces enjeux, et s’est placé à cet endroit exact où le cinéma continuait coûte que coûte de vivre, d’exister, d’inventer. Dont acte avec l’accueil fait à l’immense cinéaste tunisien Jilani Saadi, que la structure invite en résidence pour la post-production de son dernier opus Bidoun 4, et qui nous offre l’occasion, les samedi 1er et dimanche 2 octobre, de découvrir les deux films Khorma et Bidoun 3. Jilani Saadi est l’un des moins connus des cinéastes tunisiens, mais il en demeure l’un des plus passionnants. Des plus intelligents, également, doté d’un regard acéré sur les êtres et ce qui fait société. Natif de Bizerte, autour de laquelle il tournera une partie de ses œuvres, Jilani Saadi aime citer Monteiro ou Buñuel, dans l’accompagnement du geste cinématographique. L’équipe d’Image de Ville l’avait invité voilà quelques années dans la cité phocéenne et ses alentours — à Port-de-Bouc, plus précisément, pour la séance de l’excellent Winou Baba — et voici aujourd’hui une rencontre qu’il ne faudrait nullement manquer. Avec Khorma, opus de 2002, la métamorphose du personnage, toujours aux frontières de l’absurde, révèle la noire profondeur de la société tunisienne ; avec Bidoun 3, Jilani Saadi nous convainc que derrière le mirage d’une œuvre chaotique se dessine une trajectoire très précise, malgré les improvisations, une trajectoire pensée, mais surtout ressentie. Un cinéma libre ? Plus que cela, libéré du pire, que nous aurons une chance supplémentaire de découvrir dans la cité phocéenne, chance à ne point laisser passer.  

Emmanuel Vigne

 

Jilani Saadi : les 1er & 2/10 au Polygone Étoilé (1 rue Massabo, 2e).

Rens. : www.polygone-etoile.com