Les Rafles, d'un siècle à l'autre

Fiction historique sur l'urbanisation et les quartiers populaires par le Collectif Manifeste Rien (1h15). Texte et mise en scène : Jeremy Beschon. Avec Virginie Aimone. Dès 8 ans

Une famille juive algérienne s'installe à Marseille dans les années 1920 dans le quartier St Jean sur la rive Nord du Vieux Port. Des années où la municipalité rase le quartier de la Blanquerie, quartier dit derrière la Bourse, sans même savoir ce que l'on ferait à la place. Des années où les déclarations hygiénistes et racistes du Maire, le Docteur Flaissières, trouvent leurs échos dans les conceptions urbaines de Gaston Castel, alors architecte en chef, chargé d’établir le plan directeur de la région Marseillaise.

Nous suivons cette famille, dont la fille aînée Imma, alors âgée d'une vingtaine d'année en 1943 survit aux camps d'extermination de Pologne, et revient s'installer non loin du quartier rasé par les nazis, Rue de la République. Un appartement dont on l'expulse à nouveau, à la fin de sa vie, lors de la rénovation d'Euromed.

Virginie Aimone joue, avec la délicatesse et l'humour qui lui sont propres, les personnages d'hier et d'aujourd'hui, de Marseille et d'ailleurs. Elle joue également les mouvements de foule, l’affrètement de bus et de tramways pour aller à la gare d'Arenc, puis aux différents camps.

Les courtes scènes s'enchaînent, posent et résolvent cette question si peu soulevée : comment Marseille, durant la Deuxième Guerre mondiale, put-elle ainsi devenir le lieu tragique où coïncida un acte de guerre et un projet d'administration municipale ?

 

Dans la continuité de son travail mêlant théâtre et sciences sociales, lanouvelle création de Virginie Aimone et Jeremy Beschon du Collectif Manifeste Rien, s'inscrit dans ses thématiques de prédilection comme l’immigration et la stigmatisation.

 

Après La Marseillaise en bref ! et l’Histoire universelle de Marseille, Manifeste Rien a constitué avec ce 3volet sur Marseille, un cycle de création historique et mémorielle qui éclaire notre actualité.

 

Texte : Jérémy Beschon avec la collaboration de Virginie Aimone

Une mise en scène de Jérémy Beschon
Comédienne : Virginie Aimone
Création lumière : Cyrille Laurent
Musique : Franck Vrahidès et Tom Spectrum
Design sonore et régie son : Tom Spectrum
Ateliers de médiation et documentation : Vanessa Pedrotti

 

https://www.journalventilo.fr/interview-jeremy-beschon-et-celine-mathieu-manifeste-rien/

https://www.journalventilo.fr/retour-les-rafles-dun-siecle-a-lautre-par-le-collectif-manifeste-rien/


Théâtre des Chartreux
Du 1 au 3 déc. : ven, sam 20h30 - dim 16h
8/15 €
https://www.theatredeschartreux.com/
105 avenue des Chartreux
13004 Marseille
04 91 50 18 90

Article paru le mercredi 18 janvier 2023 dans Ventilo n° 475

L’entretien | Jérémy Beschon et Céline Mathieu (Manifeste Rien)

Avec sa nouvelle création, Les Rafles, d’un siècle à l’autre, le collectif marseillais Manifeste Rien continue d’explorer l’histoire de sa ville et du monde. Mots croisés avec l’auteur Jérémy Beschon et sa productrice, Céline Mathieu.

  En 2016, lors de la présentation de votre Histoire universelle de Marseille, se posait une question cruciale : le théâtre comme éducation populaire a-t-il encore droit de cité ? Six ans après, qu’en est-il ? Pousser la porte d’un théâtre, c’est comme rentrer dans une galerie. C’est un acte qui dépendra du contexte social. Notamment durant la période de repli générée par la Covid, la direction globale de la culture semblait de vouloir remédier à ce fossé. Et puis les spectacles ont repris ; les théâtres ne se déplacent pas plus dans les quartiers populaires qu’auparavant et le monde de la scène de cantonne à sa zone de confort et s’adonne à ses abonnés. Quel est votre sentiment sur cet état de fait ? Nous n’avons pas changé notre direction. Nous continuons à visiter les écoles, nous pénétrons dans les quartiers, nous allons là où personne ne veut aller. Et nous y allons avec entrain. Vanessa Pedrotti (médiatrice du collectif), énergie de partage brut, envisage, crée et anime des ateliers. Elle se fond dans la vie des quartiers en y apportant de l’information pure, des sciences humaines, des coupures de journaux, des faits, divers et réels. Elle concrétise et solidifie un lien au travers des rencontres sincères et de partages actifs. Devons-nous comprendre que vous véhiculez l’actualité, quelle qu’elle soit, partout où vous vous déplacez ? Oui, bien sûr. Nous accomplissons un travail mémoriel d’histoire. Nous montrons à quel point elle se répète. Durant les rafles de l’hiver 1943 à Marseille, 25 000 personnes ont été déplacées par les nazis. Mais sur des perspectives de développement qui leur avaient été données par la municipalité. La notion d’assainissement populaire est réelle et remonte, même, à avant la guerre. Pour construire Euromed, on a assaini République. Oui, l’histoire se répète. Sur quels leviers vous appuyez-vous pour organiser vos actions ? Vanessa intervient dans les lycées en orientant ses présentations de telle sorte que chaque enfant, de quelque niveau scolaire qu’il soit, puisse comprendre. On le place dans le contexte. Vanessa bâtit des PowerPoint avec une grande implication ; ils dévoilent des documents d’archives, des extraits de journaux, des photos,bien entendu et des témoignages variés. Mais les écoles et lycées ne sont pas les seuls concernés car Vanessa mobilise des groupes de femmes, des centres sociaux, des centres de travailleurs, etc. Manifeste Rien va jusqu’au bout de sa démarche. Pourquoi êtes-vous si peu à organiser ce type de diffusion culturelle ? Le théâtre est, généralement, organisé sur un lien entre la programmation et les abonnés. Pourtant, certains théâtres bénéficient de larges subventions dont ne bénéficient pas des structures comme la nôtre. Il y a une stigmatisation des populations. Il est bien plus rassurant de rester entouré de son élite. Notre société est organisée autour de castes. Même sur le sujet du théâtre et de la culture en général. Un bourgeois veut-il être assis à côté d’un métèque ?   Comment percevez-vous la société d’aujourd'hui ? Inégale. Pas simple. Les droits et acquis sont bafoués. Il est vraiment difficile de rester optimiste et on pense à ses jeunes enfants. Les populations travaillent, mais ne s’en sortent pas et, désormais, se chauffer constitue un pôle de budget à part entière. C’est une régression, qui étend ses impacts sur la vie culturelle d’aujourd’hui. Les inégalités ne devraient plus avoir leur place. Manifeste Rien n’est pas vindicatif, mais prône l’égalité. Est-il normal que le petit commerce doive rester ouvert H24 juste pour payer sa facture d’électricité ? Manifester dans la rue, de nos jours, est devenu dangereux. On se demande si on ne va pas en ressortir avec une balafre sur la joue… Diriez-vous qu’il y a une montée de la violence ? Oui mais. La violence n’est pas le moteur. Ce sont les inégalités qui la génèrent. On assiste à la disparition progressive de la classe moyenne et il semble interdit de le dire. En quoi votre nouvelle création correspond-elle à vos idéaux et réalisations ? Le spectacle est un solo. Virginie (Aimone, ndlr) est Imma. Et Virginie est, à la fois, tous les autres personnages de la pièce. Elle est la foule et elle est, dans le même temps, cette fille dont la famille, arrivée à Marseille dans les années 20, va être raflée. Elle incarne l’individuel et le collectif à la fois. Un rôle d’autant plus intense que Virginie interprète, également, les urbanistes qui, une seconde fois, après qu’elle sera revenue sur République, l’en éjecteront pour construire Euromed… D’ailleurs, c’est sur la thèse écrite sur Euromed par la propre sœur de Jérémy qu’est construite la pièce. Nous ne sommes pas dans la fiction. Quelle phrase ou pensée vous viendrait-elle à l’esprit pour conclure cette interview ? Les Rafles, d’un siècle à l’autre est un spectacle nécessaire, car il permet de remettre les choses dans leur contexte. Il est important de savoir d’où on vient. On sait certaines choses, mais il est vraiment utile de les éclaircir, de les préciser.  

Propos recueillis par Jean Madeyski

 

Les Rafles, d’un siècle à l’autre par le Collectif Manifeste Rien : du 2 au 4/02 au Théâtre de l’Œuvre (1 rue Mission de France, 1er). Rens. : www.theatre-oeuvre.com

Pour en (sa)voir plus : http://manifesterien.com/