Liebestod

Danse d’amour et de mort par Atra Bilis Teatro (2h). Texte, mise en scène, scénographie et costumes Angélica Liddell. ¡ Spectacle en espagnol surtitré en français ! 

Certaines scènes peuvent heurter la sensibilité de certains spectateurs.

 

Nouvel opus de l’immense artiste espagnole, nouvelle plongée sans concession au cœur du « tragique », entre confessions intimes et imprécations puissantes, pour un théâtre jouant de tous les artifices, où l'érotisme et la mort, l’invention poétique et insolente triomphent.

 

Angélica Liddell circule dans les profondeurs de l'âme humaine. Sur scène, puissante toujours, et avec des artistes étonnants, elle partage un désir absolu de beauté convulsiveLiebestod réunit le Tristan et Isoldede Wagner et la figure légendaire de la tauromachie du XXe siècle, Juan Belmonte, dans un déchirement d’émotion. Danse d’amour et de mort. Dans l'arène, le sacrifice et le sacre. S'offrant au public elle-même et dans son art, sans limite, elle rejoint la philosophie de celui qui torée avec la mort, l'affronte, la charme, et trouve la transfiguration selon Artaud. Comme pour le toréro, le masculin et le féminin sont intimement liés dans le corps troublant d'Angélica Liddell. Le geste théâtral de cette artiste de génie, d’une puissance poétique inouïe, nous bouleverse et marque ainsi l’Histoire du théâtre.

 

Avec Ezekiel Chibo, Patrice Le Rouzic, Angélica Liddell, Borja López, Gumersindo Puche, Palestina de los Reyes et la participation de figurants.

Lumières Mark Van DenesseSon Antonio NavarroHabit de lumière Justo AlgabaAssistanat à la mise en scène Borja LópezRégie plateauNicolas Guy, Michel ChevallierDirecteur de production Gumersindo Puche

TNM La Criée
Du 9 au 11 févr. : 20h
9/25 €
http://www.theatre-lacriee.com/
30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille
04 91 54 70 54

Article paru le mercredi 1 mars 2023 dans Ventilo n° 477

Liebestod d'Angélica Liddell

Amor, à mort

 

Dans Liebestod: el olor a sangre no se me quita de los ojos, inaugurée en Avignon à l’été 2021, Angélica Liddell dévoile à nouveau entièrement son âme, se livrant sur ses contradictions profondes et intimes, son romantisme suicidaire et sa quête absolue de beauté.

  Qu’iels se lèvent pour quitter la salle en plein spectacle ou pour la saluer d’un tonnerre d’applaudissements, l’artiste espagnole ne laisse personne dans l’indifférence. C’est qu’Angélica Liddell, aussi iconoclaste et provocatrice soit-elle, se revendique d’un classicisme opiniâtre. Le titre du spectacle renvoie au Tristan et Isolde de Wagner, ainsi qu’à un vers d’Eschyle qui a obsédé Francis Bacon, et à la figure du matador Juan Belmonte, héros andalou de la corrida qui s’est suicidé. Les références sont légion dans ses pièces où elle fait se côtoyer sadiquement les grands maîtres et les affaires contemporaines macabres, sa vie personnelle agissant comme liant, et d’où surgit une poétique du sordide, une sublime tragédie. Après une succession de tableaux à la composition léchée, mettant en scène un monolithe kubrickien, une stature divine et sa horde de chats, la Liddell entre littéralement dans l’arène. S’ensuit une longue première scène, la plus trash graphiquement parlant, de lamentations empreintes de vanités. L’adresse qu’elle donne ensuite, dans laquelle elle invective ses fidèles, calomnie tant qu’elle peut, n’est qu’une autre forme de pleurs et de lamentations. Son propos est volontairement dérangeant et on peut s’interroger : est-elle vraiment réac, misanthrope, misogyne à ce point ? Peut-on séparer la femme de l’artiste ? Son large sourire au moment des saluts laisse à penser que le niveau d’exigence qu’elle se donne envers elle-même est à la hauteur de sa générosité d’artiste et de poétesse.  

Barbara Chossis

 

Liebestod était présenté du 9 au 11/02 au Théâtre La Criée.