Ai-je bien vu le méchant courir au fond de la scène ou n'est-ce que le marié sacrifié de ma belle-sœur ? à la Minoterie
Les choses de la vie
Fruit d’une écriture et d’une mise en scène collectives, la dernière pièce de la compagnie En rang d’oignons nous a donné à voir et à entendre les perpétuelles bassesses de la vie de couple, de la vie de famille, de la vie à plusieurs.
L’intrigue se joue autour du couple formé par Morte à Venise et Marié : lui toujours amoureux, elle chaque jour exécrable. Sans le savoir, ils vivent aussi avec un funeste fantôme, incarné par Olivier Chevillon, l’homme aux pieds rouges — pour ne pas dire aux sabots fendus. Machinant la destruction totale du couple, son personnage lubrique instrumentalise Avorton — interprétée par la comédienne Karine Jurquet, d’une ingénuité facétieuse. A l’image de l’atmosphère de la pièce, d’une inspiration assez « dark » tout en restant légère, la musique composée par Laurent Boudin (alias Olivier Chevillon) fait le lien entre les morts et les vivants. Si l’on se réjouit de la ponctuation qu’elle pose dans la pièce, on regrettera son utilisation au final trop systématique. De ces figures antagonistes portées par le « collectif d’acteurs pas d’accord » (tel qu’ils se définissent) naît ainsi une pièce au rythme trop régulier, trop décidé, trop fragmenté, qui épuise la tension dramatique et l’attention du spectateur. Reste l’exubérance des acteurs qui glissent joyeusement dans le délire. Adulte, on aurait pourtant aussi aimé davantage d’« incertitude » au sens de Claude Régy, plus de trouble… Enfant — de 9 à 99 ans —, on se réjouira de la rancune exposée, rendue joyeuse et délurée.
Joanna Selvidès
Ai-je bien vu le méchant courir au fond de la scène ou n’est-ce que le marié sacrifié de ma belle-sœur ? était présenté du 4 au 8/11 à la Minoterie.