Alain Boggero : La Navale Vivra
La faucille et le pinceau
Ancien ouvrier des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer devenu peintre militant, Alain Boggero livre avec La Navale Vivra un vibrant hommage à ce monde ouvrier trop souvent méprisé. Parcours atypique et amour de l’art ont façonné un artiste entier et dévoué, qui peint avec la même énergie depuis près de trente ans.
Il s’excuserait presque de nous faire venir pour parler de son travail. Pourtant, notre homme est riche d’une impressionnante collection : des milliers de toiles, toutes dédiées à l’univers ouvrier qui fut le sien pendant quinze ans. La porte de son atelier à peine franchie, ce sont ces hommes qui nous accueillent, casqués, aux visages noircis par les fumées des chantiers ou prenant la pose sous des grues immenses, peints sur des cartons, des affiches, des flyers. « Ce n’est pas par snobisme mais par nécessité. Avec des toiles, j’aurais besoin d’un budget de 200/300€ par jour ! » Alain Boggero n’a pas le look artiste et il s’en fiche. « Ce n’est pas moi que l’on doit voir, mais ma peinture et son message. » Ce message, mi-politique, mi-sentimental, est un hommage au monde ouvrier qu’il a fréquenté durant son passage dans les chantiers de la Seyne-sur-Mer. Depuis leur fermeture en 1985, Alain Boggero a pris le pinceau pour ne plus jamais le lâcher, par « besoin ». Plus jeune, le peintre se rêvait avocat, pour « défendre ceux qui en avaient vraiment besoin. Mais quand tu es avocat, tu ne choisis pas et puis, on n’avait pas assez d’argent. » Il évoque là son père. « A chaque fois qu’il se faisait licencier, c’était une victoire, ça voulait dire qu’il était révolutionnaire. Mais dans ces cas-là, on ne fonde pas une famille… » A vingt-et-un ans, il rejoint les chantiers et les rangs de ces hommes façonnés par des heures de durs labeurs. « La classe ouvrière fait peur au premier abord. Les types paraissent rustres, mauvais, mais au fil des mois, je me suis aperçu qu’ils étaient formidables. » Il garde en tête des centaines de souvenirs et évoque ces liens forts qui l’unissaient à ses compagnons de travail. « Il y avait une réelle complicité, un amour entre les gars, faut pas avoir peur des mots ! » Cette amitié très forte, il la représente aussi, à la manière des chantiers. « L’érotisme, ça faisait partie intégrante de notre monde. C’est l’une des premières choses qui sautaient aux yeux quand on arrivait : les images porno affichées un peu partout pour montrer qu’on était des mecs, des hétéros. » Il sourit avant de passer à une autre anecdote qui explique en partie son « travail de mémoire », comme il l’appelle. « Les ouvriers sont méprisés alors que sans eux, les pyramides, les cathédrales, tous ces bâtiments immenses n’auraient jamais existé ! Ce sont des créateurs de richesses, tout dépend de la classe ouvrière. Il faut avoir du respect. » Son message politique est là et il le revendique haut et fort, annonçant la couleur : rouge. « Quand on me demande pourquoi je suis communiste de père en fils, je réponds : “Bah, c’est comme les juifs !” Plus sérieusement, mon père m’a transmis des valeurs. J’ai grandi dans cet univers. » S’il ne se considère pas comme un grand peintre, Alain aurait aimé être reconnu. « Je n’ai rien inventé, j’honore simplement les miens. Cette solidarité de classe m’est restée, c’est pour ça que je peins les ouvriers. Comme ces artistes allemands qui, au retour de la guerre, ont décidé de peindre la vérité. » Un exemple parmi tant d’autres qui esquisse une connaissance approfondie du monde de l’art acquise aux Beaux-Arts de La Seyne puis de Toulon. « C’est drôle parce que lorsque je travaillais, je ne voulais plus peindre, je trouvais que c’était une activité de petit-bourgeois. Mais mes profs m’avaient dit : “Engrange du savoir, ça sortira un jour.” » Ils avaient raison ; Alain Boggero en a même fait un livre, La Navale Vivra. « J’ai eu la chance de rencontrer Justine Flandin (NDLR : commissaire d’exposition pour le Factotum), elle a tout pris en main et c’est grâce à elle que le livre est sorti. » Pour la prochaine étape, il voit large : « J’aimerais faire le tour du monde des grandes places industrielles et montrer mes ouvriers. Je peins les chantiers de La Seyne parce que c’est ce que je connais, mais le monde ouvrier est universel. Je voudrais le mettre en avant partout. »
Aileen Orain
Expo Boggero : du 18/01 au 26/12/2013 à la Librairie de l’Arbre (38 rue des 3 mages, 6e).
Vernissage et signature le 18/01 à partir de 18h.
Rens. 09 50 14 68 18 / http://librairiedelarbre.blogspot.fr/
En librairie : La Navale Vivra (Le Facotum).
Rens. lefactotum.blogspot.fr
En librairie : La Navale Vivra (Le Facotum).
Rens. lefactotum.blogspot.fr