De l’autre côté du miroir
Dans Miroir-Miroir, La traversée des apparences, Alice Anderson invente ses propres histoires ou revisite les contes existants en manipulant leurs structures. Si elle tente ainsi d’interroger son passé et son identité, ses œuvres dépassent cette quête individuelle pour interroger, en miroir, la quête de toute identité.
La force des différentes œuvres présentées (notamment la série de photographies et les films) tient en partie à la relation qu’elles établissent entre ce qu’elles montrent et la manière dont elles se montrent : elles manifestent le voir et le visible ensemble. Si bien que les conditions d’apparition et de monstration des images ne sont pas extérieures à l’œuvre mais fonctionnent comme l’un de ses composants en orientant fortement l’expérience de leur réception. Par un subtil jeu de renvois, données matérielles et immatérielles, dynamique des images et dynamique de l’esprit humain entrent en résonance.
La série de photographies intitulée Souvenirs-écrans est présentée à l’aide d’un dispositif de type cinématographique : sur chacune d’elle est projetée une diapositive similaire de sorte que coïncident image projetée et image imprimée. La superposition des images produit des formes à la fois floues et nettes, et confère aux œuvres une dimension onirique et irréelle. Cette dimension fantastique est renforcée par les contenus des photos qui nous plongent d’emblée dans l’univers à la fois merveilleux et effrayant d’Alice Anderson. Une relation s’établit entre le fonctionnement de ce dispositif et celui de la mémoire, entre un fait ou un événement et la projection personnelle de ce souvenir, entre le réel et l’imaginaire.
Les films sont diffusés quant à eux dans des espaces clos et circulaires, à la fois oppressants et chaleureux, en rapport avec leur esthétique, qui met en œuvre une tension entre des images très plastiques et séduisantes (par des partis pris colorés crus et nets, des couleurs souvent éblouissantes, saturées de lumière) et la violence de ce qui s’y joue. Si ces films reprennent les structures des contes, il s’agit de contes épurés « sans morale, sans princesse, ni prince charmant. » Seules résident les ambiguïtés : identité sexuelle des personnages (comme dans Bluebard), passage de l’enfance à l’âge adulte, interrogation sur les déterminismes psychologiques dans la relation de l’enfant à ses parents… La structure temporelle et spatiale du film est souvent bouleversée par l’exploration d’une certaine circularité du récit créée à partir des objets ou des acteurs. Circularité qui entre en résonance avec l’espace dans lequel le spectateur se trouve pour regarder les films…
La traversée des apparences est bel et bien une exposition bouleversante qui nous dirige, par des jeux de renvois, de reflets et de miroirs constitutifs du fonctionnement de l’esprit humain exploré dans ses structures conscientes et inconscientes… vers d’autres apparences.
Elodie Guida
Jusqu’au 23/08 au FRAC PACA (1 place Francis Chirat, 2e). Rens. 04 91 91 27 55 / www.fracpaca.org