Alix Cléo Roubaud – Si quelque chose noir & autres photographies au cipM
Tempus fugit
A l’occasion de la réédition du Journal d’Alix et de la parution de l’intégrale du Grand incendie de Londres de Jacques Roubaud, le cipM consacre une très belle exposition à sa femme, Alix Cléo Roubaud. Une série de photographies dans lesquelles les formes plastiques s’entremêlent avec subtilité aux formes d’une vie marquée très tôt par la fragilité, la contingence et la finitude.
Née en 1953, gravement asthmatique depuis l’enfance, Alix Cléo Roubaud disparaît à l’âge de 31 ans d’une embolie pulmonaire. Parallèlement à des études d’architecture et de psychologie à Ottawa et à un cursus de philosophie à Aix et à Paris, la jeune femme mène de front, très tôt, l’écriture d’un journal et la pratique photographique. De son vivant, ses photos attirent le cinéaste Jean Eustache qui réalise en 1980 un film, diffusé à l’occasion du vernissage de l’exposition, Les photos d’Alix. Mais c’est essentiellement la publication posthume d’une partie de son journal, dans lequel seront insérées des photographies, qui permettra d’appréhender son travail, à l’initiative du poète et écrivain Jacques Roubaud — avec qui elle se maria quelques années avant sa mort. La réédition de 2009 l’augmente de 26 photographies et de textes inédits.
Toutes en noir et blanc, les photographies présentées ici mettent en scène des corps, dont celui de l’artiste, tantôt évanescent, tantôt dupliqué, tantôt affirmé. Des photographies intimes, donc, non seulement parce que le corps est souvent nu, mais plus fondamentalement car elles s’inscrivent dans le genre défini comme « autoportrait » : « Toutes les photographies sont moi », écrit-elle ainsi. Mais ce mot prend forme ici d’une façon bien singulière car le sujet affirme son (ses) altérité(s), son morcellement, mais aussi sa précarité et sa dimension temporelle. Le rapport au temps est essentiel : en mettant en jeu une dialectique de l’apparition et de la disparition, de la matérialité et de l’évanescence, de la lumière et de l’obscurité, le temps agit dans l’image (dans la série Si quelque chose noir, l’obturateur est ouvert un long moment afin que la pellicule imprime les différentes étapes de déambulation dans l’espace), conférant une présence quasi-fantomatique au sujet et marquant la fragilité de la vie. Tout en étant ressaisi par la présence persistante de la photographie — trace lumineuse, trace des souvenirs.
Elodie Guida
Alix Cléo Roubaud – Si quelque chose noir & autres photographies : jusqu’au 15/05 au cipM (Centre de la Vieille Charité – 2 rue de la Charité, 2e). Rens. 04 91 91 26 45 / www.cipmarseille.com