Amandine Guruceaga – Nana’s Benz à Diagonales dans le cadre des RIAM
Out of Africa
A l’occasion des Rencontres Internationales des Arts Multimédia, les espaces in & out de Diagonale 61 se laissent envahir par les sculptures chamarrées d’Amandine Guruceaga.
Etrange dépotoir que celui qui trône ces derniers jours devant les grilles des bureaux de Technè… Fraîchement diplômée de l’Ecole supérieure d’Arts et de Design Marseille-Méditerranée, Amandine Guruceaga n’est pas de ceux qui évitent les défis ; elle irait même au devant de situations qui la mettent à l’épreuve. Jouant de l’ambiguïté que l’art contemporain provoque parfois dans l’œil du passant et des nombreuses activités avec lesquelles l’exposition d’œuvres d’art peut être confondue, la jeune artiste travestit l’espace de Technè en un commerce de tissus africains.
Amandine Guruceaga pratique une sculpture contemporaine aux soudures et aux ponçages assumés, jouant des lignes et des angles froids. Ici, les agencements questionnent le geste du sculpteur, les formes et les modules se combinent inexorablement pour ne trouver leur place que le temps de l’exposition. Les formes sont en perpétuel mouvement, en perpétuel questionnement. Elles rencontrent des techniques et des savoir-faire d’hier et d’aujourd’hui, et se raccrochent au monde pour lui être attentives en daignant sortir des questions de l’art. Amandine Guruceaga appartient à cette génération d’artistes qui ne renie pas l’art des années 60, mais qui le ramène à des considérations actuelles en le réchauffant d’un peu de contexte et d’histoire.
Pour raconter l’histoire des Nana’s Benz, elle intègre dans ses compositions d’aciers des volumes recouverts du tissu Wax identifiable à ses couleurs et à ses motifs — une matière, une technique qui dit quelque chose de l’homme.
Les Nana’s Benz sont ces commerçantes, dont certaines ont fait fortune dans la vente de pagnes il y a une quarantaine d’années, qui dominent le commerce du tissu Wax en Afrique de l’Ouest, icônes féminines qui devinrent de vrais entrepreneurs pas toujours très à cheval sur la morale et furent les premières à pouvoir s’offrir une Mercedes Benz au Togo. Le pittoresque et le romantisme ont aussi leur envers du décor et ici, le charme de l’artisanat local est soumis aux règles de l’import/export. Ce tissu Wax aux couleurs chamarrées et aux motifs géométriques abstraits que l’on associe à l’Afrique est en fait souvent fabriqué en Hollande. A lui seul, il symbolise donc un monde qui passe du colonialisme à la mondialisation…
Céline Ghisleri