Amore – (Italie – 1h58) de Luca Guadagnino avec Tilda Swinton, Alba Rohrwacher, Pippo Delbono…
L’amour à l’italienne
Production et casting lorgnant sur un international anglo-italien boiteux, histoire qui, comme son titre l’indique, va parler d’amour — et de surcroît dans l’univers froid et conservateur de la haute bourgeoisie milanaise. Avec ces prémices, on pouvait donc craindre un film maniéré, débordant de violons, un bric-à-brac flairant le sentimentalisme viscontien et plombé par des descriptions archi convenues à propos d’un milieu qu’on pourra aisément qualifier de suranné. Mais ici, rien de cela. Riche dans sa facture, intelligent dans ses ruptures, silencieux dans son chaos, éloquent dans ses silences, Amore s’intéresse avant tout à ses personnages, à leur intériorité. Et avant de se focaliser sur le monde dans lequel ils baignent, même si ce monde a son importance, Luca Guadagnino cherche à comprendre, avec nous, en même temps que nous, les inhibitions de chacun de ses protagonistes. Ainsi, se préservant de nombreux espaces flous qui donnent une admirable lenteur personnelle au film, l’histoire progresse par touches, ne se dévoilant que partiellement. Il faut que les actes aient lieu pour qu’on les saisisse. La matérialité ne parvient pas à forcer la virtualité. La caméra n’entre pas là où elle n’est pas autorisée à le faire. Jamais. Même, par exemple, pendant cette splendide scène d’amour entre Swinton et son amant. On surprend furtivement, parfois plus longuement, leurs corps et une somme de détails aux intuitions complexes. Et le sens du film provient de ces intuitions… Si bien que rien n’est sûr, rien n’est acquis. Le mouvement des fluides, le balancier des âmes, la beauté des instants et l’éphémère troublant des choses qui nous entourent, voilà ce dont parle Amore. Avec justesse…
Lionel Vicari