Retour sur Anna Bolena de Gaetano Donizetti à l’Opéra de Marseille
Anna Bolena, la musique en pleine lumière
A l’Opéra de Marseille, une version concertante d’Anna Bolena a offert un autre regard — lumineux — sur l’opéra de Donizetti.
La puissance expressive d’Anna Bolena, reine malheureuse à qui son royal époux fit trancher la tête, conquit le cœur des Milanais en 1830. Le premier mélodrame romantique de Gaetano Donizetti accédait rapidement à la notoriété européenne.
Dans la version concertante présentée à l’Opéra de Marseille, les décors et mise en situation étaient réduits, comme de coutume dans ce cas, à leur plus simple expression visualisée sur un prompteur au-dessus de la scène. Une didascalie laconique, « Dans la cour du château », nous projeta dans le premier tableau de cet opéra avec le brin d’humour minimaliste d’un peintre conceptuel. Ces versions concertantes recèlent cependant de réels adjuvants au plaisir de l’écoute qui ne les relèguent pas à un choix par défaut, lorsqu’elles sont choisies judicieusement.
Une lumineuse démonstration en fut donnée. Des récitatifs coulés dans le flux musical, des airs, des ensembles, valorisés par un orchestre placé dans la pleine sonorité de la scène, ont révélé l’ample pondération du lyrique et de l’instrumental proposée par le chef Roberto Rizzi Brignoli et servie par le nuancier subtil des instrumentistes du Philharmonique de Marseille.
Zuzana Markova (Anna) nous fit goûter son soprano délicat, dont le vibrato de faible amplitude communiquait au rôle-titre sa langueur de sylphide. Même la grande scène de folie restait pénétrée de cette pudeur magnifique des sentiments ; la version concertante accentuant certainement cette distance mezza voce au tragique. Le phrasé intelligent, les accents toujours bien positionnés de Giuseppe Gipali (Percy) insufflaient à ses lignes mélodiques pourtant haut placées la dynamique des émotions justes, grand art du ténor belcantiste. Mirco Palazzi (Enrico VIII), basse rossinienne que l’on avait déjà appréciée dans Semiramide, et Sonia Ganassi (Seymour), grande spécialiste du rôle, complétaient avec bonheur le quarteron principal.
La présence simultanée des chanteurs et des musiciens sur la scène générait une image phonique homogène, statique et claire en organisant les plans sonores (solistes, instrumentistes et chœur) dans l’axe de la profondeur. La signature acoustique de ces versions concertantes s’agrémente de la perception visuelle du jeu instrumental, ressource supplémentaire à l’éveil d’un autre regard sur l’œuvre.
Roland Yvanez
Anna Bolena de Gaetano Donizetti était présenté en version concertante à l’Opéra de Marseille du 23/10 au 2/11