Ariol’s Show et Le Petit Oiseau de feu au Mucem
L’âne trop top
Pendant les vacances de Noël, le Mucem propose une série de spectacles jeune public autour du thème des animaux chantants, dont un concert dessiné centré sur la bande dessinée Ariol, star des cours de récré, dans le cadre du festival Tous en Sons. Assuré par les auteurs de la BD eux-mêmes, soit au chant Emmanuel Guibert, le créateur et scénariste du personnage, et aux dessins Marc Boutavant, le génial illustrateur de la série, accompagnés par Bastien Lallemant, voici assurément un spectacle qui, comme la BD, ravira petits et grands !
Créé en 1999 dans le mensuel pour les lecteurs de 7 à dix ans J’aime lire en vue de remplacer les histoires des trublions Tom-Tom et Nana, Ariol est un petit âne « comme vous et moi » dans la classe de CM1 de Monsieur Le Blount avec toute sa bande de camarades : son meilleur copain le cochon Ramono, le canard Kwax, son rival le chat Tiburge, Bisbille la petite mouche qui lui tourne autour (comme une mouche autour d’un cheval) et la jolie vachette bouclée Pétunia dont il est amoureux sans que cela semble être réciproque. Sans oublier les adultes, avec les parents et grands-parents d’Ariol et de ses copains (dont l’inénarrable tonton de Ramono) ou l’invincible Chevalier Cheval, personnage de BD qu’Ariol, en bon âne qui se rêve cheval, admire.
« Comme vous et moi »
Un peu paradoxalement, les personnages étant tous des animaux humanisés / anthropomorphes, cela permet aux jeunes lecteurs de s’identifier. Ici, pas de trace d’origine ethnique des personnages (très souvent européo-centrés dans la BD jeunesse), et chaque petit lecteur peut se reconnaître dans ce personnage, dont le nom vient du berbère Arioul, qui veut dire « âne ».
Dans de courtes histoires de dix pages, les auteurs arrivent à aborder tous les problèmes liés à l’enfance, comme la tolérance ou les a priori — Ariol a beau être un âne, il n’en est pas plus bête que les autres pour autant !
Il faut dire que le coup de génie des auteurs est de s’adresser aussi bien aux enfants d’aujourd’hui qu’aux grands enfants que les adultes ont été.
Rien d’étonnant à cela puisque dès le départ, Emmanuel Guibert — par ailleurs génial auteur complet (au dessin et au scénario) d’ouvrages de BD sensibles et passionnants pour les adultes comme Le Photographe ou La Guerre d’Alan, au centre desquels figure toujours une rencontre, comme également dans son roman Mike paru chez Gallimard au tout début de cette année — s’est inspiré de ses propres souvenirs d’enfance pour créer l’univers et les histoires d’Ariol, qui par ce double niveau de lecture en fait une sorte de Petit Nicolas des temps modernes.
Alors qu’il envisageait de réaliser seul cette BD, Emmanuel Guibert fait finalement appel au dessinateur Marc Boutavant, qui ne s’était jamais adonné à la bande dessinée jusqu’alors.
Issu du monde de la publicité après des études d’arts appliqués où on lui a enseigné que dessiner ne lui assurerait pas d’avenir professionnel, Marc Boutavant avait tout de même fini par embrasser au mitan des années 90 une carrière d’illustrateur pour la jeunesse et pour la communication, lui et d’autres dessinateurs de sa génération ayant apporté « un peu de fraîcheur avec leur dessin enfantin dans un monde de l’illustration qui, peut-être pour faire concurrence à la photo, se voulait souvent le plus réaliste possible. » C’est aussi à cette période que, par amitié, il s’occupe des visuels des programmes de la Guinguette Pirate, jonque chinoise amarrée près de la Bibliothèque François Mitterrand à Paris et célèbre salle de concerts parisienne.
Au départ réticent, Marc Boutavant se lance dans l’aventure Ariol en révolutionnant sa technique personnelle puisqu’il troque ses pinceaux et son acrylique minutieuse pour une palette graphique numérique qui lui permet plus de facilités pour réaliser ses BD, tout en gardant la souplesse du crayon et les effets de matière de ses couleurs (les couleurs d’Ariol étant aujourd’hui brillamment assurées par Rémi Chaurand).
Si c’est Emmanuel Guibert qui écrit les histoires d’Ariol, Marc Boutavant avoue garder sa liberté par rapport à son scénariste : « Nous nous faisons confiance. Je me permets d’interpréter ce qu’il me demande. Il m’arrive de rajouter des détails dans les dessins, détails qu’Emmanuel peut ensuite utiliser dans d’autres histoires bien plus tard, comme cette caravane au fond du jardin des grands-parents d’Ariol dessinée au départ pour donner de la matière à l’arrière-plan et qui servira aussi de décor à une histoire postérieure. »
Après un démarrage difficile dû à la forme pas toujours heureuse des recueils, Marc Boutavant et Emmanuel Guibert s’inspirent de la pagination des mangas japonais pour proposer à leur éditeur Bayard, pas spécialement habitué à publier de la bande dessinée, de faire paraître les aventures d’Ariol (qui, à raison d’un récit par mois de dix pages, comptent 120 pages par an) dans d’épais recueils avec une couverture souple imprimée sur un fond en ton vif.
Très vite, Ariol obtient un succès bien mérité, au point que l’éditeur adapte la formule pour tous les autres personnages de son catalogue en créant le label BD Kids, avant d’être abondamment copié par de nombreux autres éditeurs, instituant ainsi comme un nouveau « standard » éditorial pour la BD jeunesse.
Le succès d’Ariol est tel que très vite la télé va s’intéresser à ce petit âne attachant, ainsi que d’autres personnages du même dessinateur, comme le petit ourson Mouk qui fait le tour du monde à vélo ou Chien pourri, le roi des poubelles de Paris, et son acolyte Chaplapla. Une première série télé en 2009 sur TF1 et une deuxième en 2017 (ainsi qu’une adaptation sur grand écran en 2019) contribueront à en faire une star des cours de récré. Des adaptations animées pour lesquelles le scénariste de la série Emmanuel Guibert, par ailleurs chanteur et musicien, écrit des chansons.
Le Ariol’s Show
Après avoir été invité par Bastien Lallemant à l’une de ses siestes acoustiques, événements pendant lesquels musiciens et écrivains jouent et lisent devant un public allongé et volontairement somnolent, Emmanuel Guibert propose au musicien de travailler sur un spectacle autour des chansons qu’il a écrites sur Ariol et sa bande de copains.
Après une résidence organisée conjointement par les Correspondances de Manosque et la Maison de la Poésie à Paris, le Ariol’s Show est né.
Au cours du spectacle, les chansons, illustrées en direct par Marc Boutavant, avec cette magie du dessin que l’on découvre en train de se faire, alternent avec la lecture très vivante du scénariste Emmanuel Guibert de certaines des histoires du petit âne bleu dont les cases sont projetées aux spectateurs, le tout se finissant généralement en boum survoltée… Comme on pourra le constater au Mucem !
Trois jours plus tard, toujours au Mucem, l’attachante autrice de BD Camille Jourdy – à qui l’on doit le polar intimiste Rosalie Blum et plus récemment l’onirique Les Vermeilles — dessinera sur une sélection d’extraits de musique classique et traditionnelle russe autour de la figure de l’Oiseau de feu, animal légendaire popularisé par le ballet éponyme de Stravinsky.
Interprétées par des musiciens de la Philharmonie de Paris, ces musiques constitueront les différents chapitres d’une histoire fantastique mise en images en direct par Camille Jourdy, qui nous fera traverser des royaumes fantastiques propres à émerveiller petits et grands.
JP Soares
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Ariol’s Show : le 15/12 à 15h au Mucem (Esplanade du J4, 2e).
Rens. : www.mucem.org -
Le Petit Oiseau de feu : les 18 & 19/12 à 15h au Mucem