Art de Yasmina Reza par les collectifs Tg STAN et Dood Paard
Art or not art : that is the question
Frank Vercruyssen, comédien de l’emblématique compagnie flamande Tg STAN, Kuno Bakker et Gillis Biesheuvel de la compagnie néerlandaise Dood Paard s’associent à nouveau pour revisiter la pièce Art, qui a fait connaitre l’auteure Yasmina Reza. Quel est le prix de l’art et celui de l’amitié ?
Trois amis de longue date se retrouvent confrontés à un désaccord majeur : Serge a-t-il eu raison d’acheter un tableau entièrement blanc pour 60 000 euros, sous prétexte que c’est une œuvre d’art moderne ? Marc pense que c’est fou et ridicule, et le dit bien fort. Yvan ne sait pas trop et se met en position de médiateur, mais il commet quelques bourdes qui font des dégâts. Leur amitié survivra-t-elle à cet épisode ?
Souvent adepte d’auteurs dramatiques classiques comme Tchekhov (La Cerisaie), Ibsen, Bernhard ou d’auteurs contemporains flamands, le Tg STAN nous explique ce changement de cap à travers la voix de Frank Vercruyssen : « Fin 2014, l’idée de reprendre cette pièce nous est venue d’un double constat : l’étouffement total de la culture qui existe actuellement aux Pays-Bas, où il y a eu d’énormes coupures de subventions, et la situation grave, très inquiétante, en Flandre. C’est cet arrière-plan de cynisme total vis-à-vis de la culture qui a aussi nourri notre choix. “Ces gens là ne valent rien, ce sont des profiteurs… Doit-on financer l’art ?” est un discours qui circule de plus en plus et avec une fierté évidente qui fait froid dans le dos, une espèce de bon ton que l’on entend partout en Europe actuellement… Cependant, le sujet principal de cette pièce n’est pas du tout l’art ; il n’en est que le point de déclenchement. Le pouvoir des mots, le désespoir entre ces trois personnages, la solitude, la manipulation, l’argent sont les thèmes qui traversent la pièce. »
En reprenant cette pièce plébiscitée par le grand public, le Tg STAN pérennise l’idée qui les définit : le théâtre n’est pas un art élitaire. Et la version qu’ils donnent de l’œuvre de Yasmina Reza avec Dood Paard revalorise les artistes, là où l’auteure fustigeait le monde de l’art contemporain. « Nous avons essayé de ne pas ridiculiser les trois positions, surtout celle de Serge, de ne pas rester dans le comique de situation initial. Notre version est construite sur une mise en abyme où les trois personnages sont en train de se disputer et de se questionner, puis tout à coup les comédiens utilisent le texte pour se quereller et s’interroger aussi, poursuit Frank Vercruyssen. À cela vient s’ajouter une troisième couche où nous posons sur le plateau des objets importants pour nous, glanés au cours de notre vie personnelle, cela sans aucune explication, comme une sorte de musée imaginaire. L’idée était d’opposer une innocence totale aux bavardages et aux mensonges contenus dans le texte. Ce n’est pas l’explicite qui est important mais l’implicite, l’atmosphère derrière qui dégage de la simplicité, de la sincérité, de la fragilité, de la vulnérabilité. Un témoignage de ce que nous sommes vraiment. »
L’excellence du texte de Art n’est plus à démontrer ni celle du Tg STAN et de Dood Paard. Se pose ici la question fondamentale qui a animé bien des débats internes inhérents à cette élection présidentielle : en tant qu’individu, donnons-nous la priorité à nos idées ou à l’amitié ? L’occasion vous est donnée ici de poursuivre ce questionnement…
Marie Anezin
Art de Yasmina Reza par les collectifs Tg STAN et Dood Paard : du 11 au 13/05 au Bois de l’Aune (Aix-en-Provence).
Rens. : 04 88 71 74 80 / www.aixenprovence.fr
Pour en (sa)voir plus : www.stan.be/fr / www.doodpard.nl