Arts de l’Islam. Un passé pour un présent à la BMVR L’Alcazar
Bazarts à l’Alcazar
L’opus marseillais Arts de l’Islam – un passé pour un présent s’est niché au premier étage de l’Alcazar depuis le 20 novembre dernier. Vous avez jusqu’au 26 mars pour (re)découvrir ces œuvres de notre patrimoine qui disent toute la richesse et la complexité d’un héritage multiculturel, mais aussi pour méditer de brûlantes questions d’actualité.
Islam, politique et civilisation : ce n’est pas le remake douteux d’un slogan de mauvais goût, mais bien le cœur du projet culturel confié au Musée du Louvre et à la Réunion des Musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées à l’automne 2021. Dix-huit expositions simultanées dans dix-huit villes de province ; un coup de projecteur sur ce patrimoine méconnu pour qui n’a pas facilement accès au fabuleux département des arts de l’Islam du Louvre ; des œuvres d’hier et d’aujourd’hui issues des fonds nationaux et régionaux… Il n’en fallait pas plus pour alarmer l’humaniste Charlotte d’Ornellas qui révélait, le 3 novembre 2021 sur la chaîne culturelle CNews, la menace identitaire à l’œuvre dans ce genre d’événement !
Certes, le projet est le fruit d’une volonté politique portée par le ministère de la Culture, soucieux de mieux faire comprendre la civilisation islamique dans les liens étroits qu’elle entretient avec de nombreux pays du monde, et notamment la France. Peut-on vraiment blâmer cette politique lorsqu’on songe aux événements tragiques de ces dernières années ? Reconnaissons que le format de l’exposition est bien pensé : elle s’adresse prioritairement au jeune public (le contenu modeste peut déconcerter les connaisseurs, mais enfants et adolescents se contenteront sûrement de ce quart d’heure culture). Un espace d’échanges est prévu au cœur de l’installation, avec un Coran égyptien du XIVe siècle qui fait face aux sérigraphies contemporaines d’Ymane Fakhir, sans oublier la scénographie soignée de cet écrin bleu canard à l’éclairage chaleureux… Une exposition « politique », peut-être, mais au sens positif du terme !
On pourrait regretter que seulement treize œuvres nous soient proposées, mais la qualité est au rendez-vous : en témoignent la superbe masse d’arme d’Henri II et l’impressionnant panneau de quatre-ving-quinze carreaux de céramique mettant en scène la bataille de Kerbala. L’ambition du projet ne se limite pas à l’accrochage, qui n’est que le point de départ d’une réflexion plus vaste, comme l’explique très bien la commissaire Yannick Lintz. D’ailleurs, à l’instar de ses dix-sept sœurs, l’exposition marseillaise s’accompagne d’un riche programme d’ateliers, spectacles et autres conférences. Et si le dispositif a bien fonctionné, le site web Arts de l’Islam contient de nombreuses ressources qui assouviront vos derniers appétits culturels. Car c’est d’Islam avec un grand « I » dont nous parlons — non pas de l’islam religieux —, d’une civilisation flamboyante qui, en treize siècles d’existence, s’est diffusée sur la quasi-totalité du globe. Et lorsque l’on observe cette stèle funéraire maghrébine du XIVe siècle, découverte près de la vieille Major en 1901, n’est-ce pas une précieuse occasion de tordre le cou à quelques préjugés concernant notre héritage et notre histoire avec le monde islamique ?
À une époque où le mot « Islam » ne peut plus être prononcé sans susciter les crispations ; à une époque où les plus incompétents (ré)inventent un « récit national » en dépit des plus élémentaires vérités historiques ; dans une ville comme Marseille où le multiculturalisme n’est pas un vilain mot qui cacherait la sombre réalité d’un territoire fracturé mais un fait tangible et quotidien, nous ne pouvons que saluer ce genre d’événement, pour le coup, fort réussi.
Antoine Nicoud-Morabito
Arts de l’Islam. Un passé pour un présent : jusqu’au 26/03 à la BMVR L’Alcazar (58 cours Belsunce, 1er).
Rens. : https://www.bmvr.marseille.fr
Pour en (sa)voir plus : https://expo-arts-islam.fr/fr