Attila présenté à l’Opéra de Marseille
Vini, Vidi, Verdi
L’Opéra proposait une version « mise en espace » du Attila de Verdi. Ce parti pris, loin de nuire, a mis en lumière l’essentiel : la qualité d’une œuvre et de ses serviteurs.
Adaptation d’une tragédie de Zacharias Werber, cet opéra permet à Verdi de poursuivre son engagement au service de la souveraineté italienne et de manifester son opposition à l’occupation autrichienne. Si le livret est signé Solera, il est néanmoins le fruit d’une collaboration involontaire initiée par Verdi, qui fit passer le livret d’un librettiste (Solera) à l’autre (Francesco Maria Piave) pour conjuguer les qualités de lyrisme du premier au sens de la sobriété du second.
D’emblée, l’introduction définit l’espace harmonique de l’œuvre, formidable construction de lumière et de volumes que dirige Giuliano Carella avec beaucoup de sensibilité, de nuance et de maîtrise. On sent qu’il a remporté l’adhésion de l’orchestre et c’est avec lui qu’il va rallier celle du public. Sa direction respecte les intentions du compositeur et met en relief les différents aspects de l’œuvre, la restituant ainsi dans toute sa dimension.
Attila, formidablement servi par la voix, la stature et la présence d’Askar Abdrazakov, est par exemple autant l’instrument de l’oppression que le symbole d’un idéal de gouvernance humaine et politique. En deux scènes, il va se définir comme un être juste, d’une vraie grandeur face aux autres et, plus tard, face à son destin. D’abord en récompensant la loyauté et le courage des femmes de l’Aquilée conquise, puis en repoussant avec dégoût l’offre d’Ezio, le combattant jusque-là émérite, envoyé de Rome qui, dérogeant à son statut, propose un marchandage félon à Attila : « A moi l’Italie, à toi le monde. »
Odabella — rendons grâce à Sylvie Valayre de donner sens à ses gestes et corps à son âme —, la fille du défunt Roi, sera la voix de la défiance à l’oppresseur, de l’abnégation et l’instrument de la vengeance. Ezio, le général romain, messager de l’empereur, se rallie finalement à la juste cause. Si Vittorio Vitelli obtient à juste titre les faveurs du public dans ce rôle, on aurait aimé le voir portant son regard à peine plus haut et le corps un peu plus habité par le jeu d’acteur. Foresto enfin, fondateur de Venise, chevalier servant d’Odabella et relégué par elle à un rôle secondaire, est dans l’impossibilité constante d’aller au bout de ses désirs, de ses intentions et de ses sentiments. Dans ce rôle, plus en nuances qu’en puissance, Giuseppe Gipali provoquera l’enthousiasme dans l’auditoire.
Un mot de la mise en espace, indissociable de la mise en lumière qui s’attache à symboliser quelques décors (la forêt, le banquet, la chambre, l’incendie des batailles) et à souligner, par un jeu d’ombres et de lumières, les valeurs solaires et lunaires que représentent Attila et Odabella. Cet affrontement occasionne quelques scènes matinales ou crépusculaires où l’orchestre déploie des trésors et peint de fascinants tableaux : le jour qui se lève, parcouru d’un frisson, la colère contenue de Foresto, l’orage qui tourne et qui éclate… Autant de moments qui saisissent le public d’émotions. Qu’ils expriment la virile puissance des armées, les sombres et funestes mises en garde des druides ou la grâce divine venant régner sur le monde et faire capituler Attila, les chœurs dirigés par Pierre Iodice concourent avec bonheur à la réussite de l’ensemble.
Frédéric Marty
Attila était présenté à l’Opéra de Marseille du 27/03 au 4/04