Ballet Jogging de Pierre Rigal
Les murmurations
Le Zef et le chorégraphe Pierre Rigal nous invitent à fêter l’arrivée de la flamme olympique à Marseille, à travers un Ballet Jogging qui convie cent trente coureurs à repenser la cérémonie d’ouverture sous un autre horizon.
Les murmurations(1), c’est un rêve éveillé où des nuées d’étourneaux redessinent le ciel dans des chorégraphies majestueuses et aléatoires. Selon les chercheurs, la formation d’une nuée fonctionnerait comme un seul organisme, chacun réagissant au comportement de ses sept voisins les plus proches. Il n’y aurait aucun leader, n’importe quel oiseau pouvant amorcer le changement de direction. Qu’en est-il dès lors que l’on décide d’appliquer ce phénomène aux humains ? C’est le pari tenté par Pierre Rigal, ancien athlète, puis danseur et désormais chorégraphe : constituer un corpus de passionné·e·s de la course à pieds de tous âges qui se retrouvent, les week-ends ou en semaine sur une année, pour tenter de dessiner ce flux permanent. Le Ballet Jogging de Pierre Rigal, c’est un long processus où l’humour est le premier vecteur dans la réussite d’une communion. Comment expliquer sans fatiguer, comment garder l’attention d’un groupe qui s’agrandit chaque week-end de nouveaux participants ? Les questions fusent ; les incertitudes sont présentes, mais l’envie d’interroger son corps et de tester ses limites devient le moteur d’une expérience au long cours. Les premiers exercices sont centrés sur l’idée de croiser un partenaire à haute intensité et de dépasser la peur pour mieux accélérer et ne pas se percuter. La maitrise de la vitesse devient un gage de sécurité. Lentement mais sûrement, chacun découvre la proximité de son voisin dans un prolongement de son propre corps. L’hiver arrive, le froid s’installe, la lassitude gagne les corps, où va-t-on, que fait-on ? La géométrisation de l’espace devient une conquête collective, un désir de bien-être dans la réussite d’une harmonie. Le regard apprend à mesurer les distances, à combler les trous, à générer une vitesse constante du groupe. Les géométries se déconstruisent pour renaitre sous de nouvelles formes, dévoilant de nouveaux horizons et des perspectives d’avenir. Chacun devient l’élément d’un tout fluctuant et mobile, s’étirant pour mieux se regrouper. La pelouse, lieu d’exploits sportifs où la foule se déchire dans l’incertitude du score, devient la plaine d’une harmonie langoureuse, où le velouté d’une foulée collective caresse le pré vert de taches multicolores. Le groupe devient une bande joyeuse qui accepte le défi de la répétition et du recommencement. La discipline du pas compté s’envisage dans une attitude positive, les corps se resserrent et chacun murmure le tempo pour mieux se croiser sans se toucher. Les guides disparaissent dans le condensé d’une nuée, puis rejaillissent, entrainant dans leur sillage des êtres bondissants. Plus le temps passe et plus le challenge de la première devient la promesse d’un grand moment, d’une esthétique relationnelle dans la clameur d’un groupe qui ne fait plus qu’un.
Karim Grandi Baupain
Ballet Jogging de Pierre Rigal : le 10/05 au Stade Delort (72 rue Raymond Teisseire, 8e), dans le cadre de l’Olympiade Culturelle.
Rens. : www.lezef.org
Notes
- Le mot anglais “murmuration” vient du bruit du frottement des milliers d’ailes, qui produit un bruissement, un murmure étrange.[↩]