Barvalo – Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Voyageurs au Mucem
La route des Roms
Dans l’optique de présenter la culture romani sous un nouvel angle, l’exposition Barvalo retrace en deux parties l’histoire de différents groupes et leurs représentations au fil des siècles. Il s’agit d’aller au-delà des stéréotypes et persécutions, de découvrir la notion d’appartenance à une communauté, la volonté de s’affirmer dans le monde culturel et sociétal européen.
Si cette nouvelle exposition est si authentique, cela est dû à la participation de personnes appartenant à des groupes romani distincts. Quatre d’entre elles apparaissent sur des écrans, comme des guides virtuels, pour nous donner leurs propres visions et livrer leurs récits personnels. À mi-chemin entre exposition documentaire et culturelle, Barvalo présente à la fois de nombreux documents historiques et des œuvres d’artistes contemporains, romani ou non. On notera le fait que le contenu des panneaux jalonnant le parcours est également inscrit en langue romani, à laquelle l’artiste Marina Rosselle rend d’ailleurs hommage. En effet, elle a créé pour l’occasion un arbre artificiel dont les feuilles portent des vers en romani de la poétesse Papusza. La première partie de l’exposition retrace des siècles de présence en Europe, marqués par l’exclusion antitsiganiste. L’une des conséquences les plus visibles du rejet de ces groupes reste incontestablement leur stigmatisation. Grâce à des objets de toutes sortes, comme des figurines Playmobil ou une poupée Barbie dite « bohémienne », les stéréotypes frappant ces populations sont mis en lumière afin de mieux les dénoncer.
L’exposition nous montre comment ces fausses idées sont entrées dans l’inconscient populaire, en étant que très rarement remises en question. Puisque l’accent est mis sur l’oppression dont les groupes romani furent victimes, nous en arrivons tout naturellement vers l’un des événements les plus marquants du siècle dernier, l’Holocauste. Dès le début du XXe siècle, les contrôles policiers s’annoncent déjà en France, avec l’apparition en 1912 du carnet anthropométrique visant à recenser ceux désignés comme « nomades », et dont de nombreux exemplaires sont ici exposés. Un travail de mémoire de l’Holocauste romani a donc été entrepris afin de nous en rappeler l’existence, face à des États qui ne reconnaissent pas ou peu leur responsabilité. Comme bien souvent, cette volonté de cristalliser le souvenir des inégalités subies passe par l’art. En témoigne la peinture Persécutions dans la forêt d’Auschwitz, de l’artiste, écrivaine et rescapée Rom autrichienne Ceija Stojka, peinte bien des années plus tard, en 1994.
Ce n’est pas par hasard que le nom de l’exposition soit un terme romani qui renvoie à la fierté, puisque ceux qui y ont participé ont en commun un profond désir de revendiquer leur identité, leur histoire. En découle un besoin de s’affirmer à travers des mouvements militants et mobilisateurs mis en avant par des artistes comme Damian Le Bas, qui mentionne l’Union romani internationale, créée en 1971, dans l’œuvre Romani World Empire. Malgré ces impulsions activistes, le racisme anti-tsigane demeure encore omniprésent dans nos sociétés contemporaines. Afin d’en faire prendre conscience aux visiteurs, un assemblage d’objets, de textes et d’images comme des caricatures ou des extraits d’articles de presse met en exergue la violence verbale quotidienne subie par ces groupes. La remise en question de chacun est inévitable. Elle est d’autant plus forte lorsque l’exposition propose de façon satirique de placer le visiteur (et non les populations romani) dans la peau de « l’autre ». En effet, toute une section est consacrée au travail de Gabi Jimenez, qui lui a été commandé par le Mucem : le Musée du Gadjo. Il s’agit d’une version satirique d’un musée d’ethnologie. Le « gadjo », c’est le reste de la population, étudiée ici de façon parodique comme ont été étudiées les communautés romani. On y découvre ses habitudes de vie, les objets de son quotidien. Tout le monde peut s’y reconnaître, et se rendre compte de l’absurdité du fait d’étudier ainsi une population, en ne l’associant qu’à certains rites culturels. Cela est réducteur et n’apporte qu’une vision teintée de préjugés. Afin de rendre hommage aux personnalités ayant marqué la culture romani, de Django Reinhardt à Charlie Chaplin en passant par André-Pierre Gignac, un ensemble de portraits dessinés par Emanuel Barica, dont la particularité est de ne jamais lever le crayon, les met à l’honneur. Il nous rappelle ainsi la diversité de cette culture, ainsi que la contribution des différents groupes romani au patrimoine culturel européen et universel.
Lara Ghazal
Barvalo – Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Voyageurs : jusqu’au 4/09 au Mucem (7 promenade Robert Laffont – Esplanade du J4, 2e). Rens. : www.mucem.org