Bérénice © Eric Reignier

Bérénice de Jean Racine par la Cie Lanicolacheur au Théâtre Joliette-Minoterie

Donner des ailes à Racine

 

Xavier Marchand et la compagnie Lanicolacheur reviennent à Marseille pour la suite et fin du diptyque Britannicus – Bérénice. L’occasion de revenir avec le metteur en scène sur ce choix motivé tant par défi personnel que par la beauté des textes de Jean Racine.

 

Xavier Marchand se laisse régulièrement guider dans ses choix artistiques par les émotions qu’il ressent à la lecture d’une œuvre, n’hésitant pas à monter des textes qui ne sont pas, à l’origine, écrits pour les planches. Avec Britannicus et Bérénice de Jean Racine, il passe à une autre étape, lui que l’on connaît plus coutumier des textes contemporains. « Cela faisait longtemps que j’avais envie de m’essayer au grand répertoire classique, et en particulier à Racine. Je l’ai relu il y a deux ans et j’ai redécouvert cette langue, cette musicalité. » Les deux dramaturgies écrites en alexandrins retracent pour l’une l’ascension de Néron au détriment de son frère adoptif Britannicus, et pour l’autre, l’histoire d’amour impossible entre l’empereur Titus et son amante Bérénice, Reine de Palestine. Si le premier est empreint d’une violence palpable, Bérénice pourrait presque se résumer en une phrase tant l’action est linéaire et tend vers une seule finalité. Avec cette pièce, Racine fait montre de toute sa maîtrise de la langue durant les cinq actes qui mènent au final. « Racine utilisait peu de mots, un millier environ, trois fois moins que Shakespeare, et pourtant, il a su créer une véritable rythmique en jouant avec de manière ingénieuse. J’ai été surpris de trouver autant de richesse. » Pour les deux pièces, le décor est sensiblement le même, tout comme les comédiens, issus d’une troupe qu’il ne connaissait pas. « Ça faisait aussi partie du défi. Je me suis essayé à quelque chose que je ne connaissais pas, avec des comédiens que je n’avais jamais dirigés. Je crois que ça a été dur aussi pour eux, surtout lorsque l’on a joué les deux pièces d’affilée. Sur du Racine, on ne peut pas improviser. » L’écriture du dramaturge est en effet semblable à de la poésie, un vers dit de travers et c’est tout le texte qui perd de son efficacité. « La tâche n’était pas évidente, il y avait le risque d’ennuyer les gens si les alexandrins étaient mal travaillés. Or, Racine a écrit ses pièces pour séduire et émouvoir le public. C’est là tout l’intérêt. » Bien que les pièces trouvent une certaine résonance avec notre temps puisque les thèmes sont universaux — le pouvoir, le choix, la passion amoureuse —, Xavier Marchand n’a pas essayé de les rendre contemporaines, se contentant de prendre une simple distance et laissant ainsi la possibilité d’une marge d’interprétation au public et la place à l’imagination. « Les personnages de Racine ne sont jamais univoques mais profondément humains, c’est ce qui le diffère de Corneille, son grand rival. » Avec ce travail, Xavier Marchand nous offre la possibilité de (re)découvrir une partie de notre patrimoine poétique. « On n’en a plus beaucoup l’occasion aujourd’hui, or, les gens sont sensibles à sa précision. » L’accueil positif des dernières représentations à Colmar lui donne raison ; et en attendant les représentations au Théâtre Joliette-Minoterie, Xavier Marchand n’espère qu’une chose : « Que le public se fasse plaisir et que le spectacle lui donne envie de se replonger dans la lecture de ces textes qui sont la base même de notre travail. »

Aileen Orain

 

Bérénice de Jean Racine par la Cie Lanicolacheur : du 6 au 9/02 au Théâtre Joliette-Minoterie (Rue des Docks, 2e ).
Rens. 04 91 90 07 94 / www.theatrejoliette.fr

Pour en savoir plus : www.lanicolacheur.com