Ma Chambre Froide au Centre national de création et de diffusion culturelle de Châteauvallon

Ma Chambre Froide au Centre national de création et de diffusion culturelle de Châteauvallon

Ma%20chambre%20froide.jpg

Beau travail

Décidément, Joël Pommerat est infatigable. Après une quinzaine de spectacles créés en dix ans, il ajoute, avec Ma Chambre Froide, une corde plus réaliste à son arc.

La boulimie de travail de notre homme n’entache pas la qualité de ses œuvres, comme le montrent les Molières obtenus et, surtout, un succès public toujours soutenu. Cette nouvelle création ne fait pas exception à la règle, bien que d’autres spectacles resteront gravés plus longtemps dans nos mémoires. Comme pour Cercles/Fictions, les spectateurs sont ici rassemblés autour d’une scène circulaire, plongés dans le noir mais bien prêts à dévorer les acteurs de cette Chambre Froide. De même, nous retrouvons avec bonheur l’ingéniosité d’un dispositif qui cherche à surprendre le public par la rapidité avec laquelle objets et acteurs apparaissent et disparaissent sur scène. Pendant deux heures, l’évolution personnelle et professionnelle d’Estelle nous est narrée dans un climat alternant drame et humour. De déboires en victoires, d’enfermements en libérations, Estelle va petit à petit s’imposer dans l’entreprise où elle travaille en dépit d’un entourage et d’un patron plutôt oppressants. Le fil narratif adopté tranche, de par son ancrage dans une histoire plus vraie que nature, avec d’autres œuvres plus abstraites de la compagnie Louis Brouillard. C’est peut-être ce réalisme qui, paradoxalement, nuance la qualité de Ma Chambre Froide, car l’imagination du spectateur n’est pas vraiment mise à contribution. Une voix off guide le en effet tout au long du spectacle, comme si le metteur en scène voulait qu’il se concentre sur les rapports humains bien concrets qui s’étalent sous ses yeux. Ce n’est pas la viande mais le langage qui est parfois cru dans cette Chambre Froide, comme pour mieux nous rappeler qu’une proximité entre collègues de travail peut vite s’instaurer et que le monde de l’entreprise n’est pas l’antre des bonnes manières. Le fantastique n’est toutefois jamais loin. Il revient sous la forme des rêves d’Estelle, qui sont l’occasion de découvrir de surprenants costumes et têtes géantes. Ces pauses, ponctuées d’une musique nostalgique des années 80, permettent au spectateur de s’extraire temporairement du drame pour mieux y replonger ensuite. Il est en effet question de fermeture d’usine, de meurtre, de harcèlement sexuel et… de répétitions d’une pièce de théâtre incomprise de ses acteurs amateurs ! Livrant comme un pied de nez à ceux qui assimilent théâtre et abstraction élitiste voire ridicule, Joël Pommerat en profite donc pour critiquer sur scène les a priori vis-à-vis du théâtre et ceux qui pourraient croire que travail et théâtre sont incompatibles (puisque les comédiens sur scène jouent des employés qui sont de mauvais acteurs). Au final, c’est une histoire bien concrète qui nous est proposée là où l’on ne l’attendait pas.

Texte : Guillaume Arias
Photo : Elisabeth Carecchio

Ma Chambre Froide était présenté du 24 au 26/11 au Centre national de création et de diffusion culturelle de Châteauvallon (Ollioules)