Godspeed you! Black Emperor > Le 28/01 à l’Espace Julien
Fin janvier, en pleine période creuse : une file d’attente interminable devant l’Espace
Julien. Ce soir, les gourous du rock alternatif canadien, figures de proue du label Constellation, donnent un concert unique dans le grand sud. On se déplace de loin, car ils témoignent d’une contestation sourde qui résonne foutrement avec son époque. Des morceaux de vingt minutes en moyenne, traversés de déflagrations et couplés à des projections qui appuient la dimension apocalyptique de l’ensemble : on connaît. Mais tant qu’il y aura des groupes pour dire non avec autant d’intelligence et d’humanité, il y aura de l’espoir. « Hope », après deux heures et demie de fracas sonique, il fallait l’écrire.
Morton Subotnick & Lillevan > Le 6/02 au GMEM, dans le cadre des RIAM
Du haut de ses 78 ans, Subotnick est probablement l’un des pères de la techno. C’est en tout cas le premier à avoir introduit des « rythmes réguliers » dans des improvisations purement électroniques, tirées de la célèbre Buchla 200 (un synthé modulaire conçu à partir de ses suggestions par son ami, Don Buchla). La plus célèbre, Silver Apples of the Moon (1967), était donc à l’origine de cette performance. Quel choc de (re)découvrir sur scène la portée novatrice d’un tel chef d’œuvre, transcendant plusieurs générations d’amateurs de musique électronique ! Bien plus qu’un voyage dans le temps, une renaissance.
Thee Oh Sees > Le 9/05 à La Machine à Coudre, dans le cadre du festival B-Side
Figure actuelle emblématique du rock garage, le quatuor californien a su se mettre la Machine dans la poche. En premier lieu, c’était l’occasion de les rencontrer dans l’intimité d’une petite salle chaleureuse (ils ont l’habitude d’évoluer dans de plus grands espaces : le Primavera Sound Festival, All Tomorrow’s Parties…), puis de constater que cette recette, certes classique (les Cramps en tête), fait toujours terriblement mouche. On ne peut maintenant que vous orienter vers leur dernier album, Castlemania, sorti juste après leur passage dans une ville qui ne les oubliera pas de sitôt.
Cowboys From Outerspace + Holy Curse > Le 26/05 à La Machine à Coudre
La soirée devait être sans surprise, réunissant deux groupes marseillais qui se produisent fréquemment dans le coin. De quoi passer un agréable moment, le comptoir de la Machine à portée de coude. Mais la grâce opère toujours quand on s’y attend le moins. Les Cowboys entament un set rock’n’roll endiablé dont ils ont le secret, emballant le public par leur redoutable d’efficacité. Quant aux Holy Curse, dont c’était là le dernier concert, ils nous ont laissé une impression de gâchis de ne pas avoir découvert plus tôt leur rock catchy, puissant, entêtant. Bref, une véritable claque.
Shellac + Helen Money > Le 24/05 à l’Espace Julien
En première partie, la violoncelliste Helen Money démarre hélas à l’heure de l’ouverture des portes devant une salle encore vide, nous immergeant dans une ambiance à la Twin Peaks… Puis vient le tour de Shellac — le groupe du fameux Steve Albini, dont la réputation n’est plus à faire (il a produit Nirvana, les Pixies, PJ Harvey, NIN…) — qui nous gratifie d’un set étonnant, attendu par les Marseillais depuis près de vingt ans. Le trio explore sa discographie, passé maître dans le genre rugueux, brut et direct. Comme une énorme claque donnée par un bûcheron.
Beirut > Le 12/07 au Théâtre antique d’Arles
Tout était pourtant réuni pour passer une soirée magique : une virée entre amis, une douce nuit d’été, un décor merveilleux, un public au rendez-vous, des filles court-vêtues et la venue de Beirut, tous cuivres dehors. Mais voilà, c’était sans compter avec les moustiques, ces insectes gonflants, volants et piquants, qui passèrent au supplice toute l’assistance, sans exception, venant s’échouer sur la foule, tels des kamikazes d’Al-Mosqita. Cela dit, on a adoré le concert, hum, entre deux averses… Une soirée magique ? Tu pArles !
Portishead + Mogwai > Le 19/07 aux Arènes de Nîmes
On passera sur la prestation moyenne des post-rockers de Mogwai (certes desservis par le jour et le vent) pour s’en tenir à celle des Bristoliens. De leur dernier passage dans le coin (au Dôme en… 1998 !), ils nous avaient laissés le souvenir d’une puissance scénique rare, portée par la bouleversante Beth Gibbons. Rebelote cette année dans le cadre enchanteur des Arènes de Nîmes, parfait écrin pour accueillir les subtiles pépites trip-hop des éminences grises du genre. L’occasion de (re)découvrir toutes les richesses du mésestimé Third et, surtout, de frissonner à l’écoute de ces merveilles sonores, dont la noirceur le dispute à l’éclat.
Kruder & Dorfmeister > Le 23/07 au Théâtre antique d’Arles
Depuis leurs fameuses K&D Sessions (1998), les Autrichiens Kruder & Dorfmeister s’étaient payé le luxe de partir chacun en solo, récoltant régulièrement les dividendes de cette pierre angulaire du « downtempo ». Leur supposé album ? L’arlésienne des années 2000. Quelle surprise, donc, de les voir annoncés pour un « live »… Et quel choc ! En lieu et place du show pépère attendu, les deux hommes ont montré toute l’étendue de leur savoir-faire sonore, du groove le plus moelleux à la bossa-house la plus scotchante. Un son extraordinaire (en plein air !), appuyé par une scénographie avec mur de leds (hallu totale) : le futur était à nos portes.
Cheveu + Motto > Le 28/10 au Poste à Galène, dans le cadre du festival Chhhhhut
En première partie, le duo basse-batterie de mathcore Motto envoie sévère, depuis le milieu de la fosse où il s’est installé. Quant au style difficilement définissable — un mélange improbable des genres — des joyeux drilles de Cheveu, il fait étrangement l’unanimité. Une bonne partie du public se met à gesticuler compulsivement sans trop comprendre pourquoi, comme si la désinhibition s’associait à la parade amoureuse d’un lamantin dans un ballet russe. Une fois la transe terminée, chacun rentre chez soi, pour enfin réaliser qu’il s’est ce soir-là passé quelque chose de spécial.
Honest Jon’s Chop Up > Le 30/10 au Dock des Suds, dans le cadre de la Fiesta
C’était l’événement de la vingtième Fiesta des Suds : une date unique en France du projet initié par Damon Albarn (Blur/Gorillaz) avec de nombreux musiciens majoritairement issus de la « world » (dont la divine chanteuse malienne Fatou). Au final, sans doute à cause du manque de rodage, on a davantage eu l’impression d’assister à une présentation de ces différents univers qu’à une véritable fusion. Celle-ci, appuyée par la formidable section rythmique de Tony Allen et Flea, ne s’est en fait produite que sur la fin du concert, donnant à entendre ce fantasme de musique « totale », érigé sur la pulsation afro originelle. Mais dans l’intention¬, l’un des concerts de l’année, sans hésitation.
Crédits photos :
Pirlouiiiit – Concertandco.com
David Heang – www.soul-kitchen.fr
www.touhid.fr
Pierre Gondard