TV On The Radio
Dear Science (4AD/Naïve)
Comment choisit-on un « album de l’année » ? Il cumule les vertus, plus que n’importe quel autre. A la base, on n’attendait rien de ce disque : les deux premiers étaient assez chiants. Et surprise : voici que le groupe new-yorkais se libère enfin de son étiquette intello, pour accoucher de cette fusion tant attendue entre avant-garde (la production) et classicisme (les chansons), musique blanche (un groupe de rock) et musique noire (un groupe de rock qui groove). Un sommet.
The Last Shadow Puppets
The age of understatement (Domino/Pias)
Délaissant ses Arctic Monkeys le temps d’une collaboration avec Miles Kayne des Rascals, Alex Turner a signé — une habitude — l’un des grands albums de l’année. Embrassant d’une même étreinte quarante ans de songwriting épique, romantique et classieux, ce premier opus regarde dans le rétroviseur de la pop anglaise (Love, Scott Walker, David Bowie, John Barry) tout en restant fermement ancré dans le présent — gouaille sociale et production « up to date » de James Ford. N’en jetez plus…
Portishead
Third (Island/Barclay)
Le come-back le plus fracassant de l’année : un groupe chéri par des millions de fans, attendu, qui choisit de prendre tout le monde à contre-pied en publiant un disque exigeant, âpre, tendu. La mélancolie bleutée de Portishead a laissé place à un gris métal de saison : l’heure est au flip. Des guitares, une rythmique primitive, une camisole de force. Et toujours cette voix, unique. Avec le recul, le même pas de géant accompli par Massive Attack entre Protection et Mezzanine.
Vampire Weekend
Vampire Weekend (XL/Naïve)
Ce fut le premier classique de l’année : une collection imparable de pop-songs jouées par un jeune quatuor new-yorkais repéré sur la toile, un disque inaugural qui fit le même effet (et aurait pu connaître le même succès) que le premier Franz Ferdinand. Même recette : des chansons pour « faire danser les filles », mélodies lumineuses et groove minimaliste, avec en plus une petite touche afro pour nous rappeler au bon souvenir des Talking Heads ou de Paul Simon. Indémodable.
Bon Iver
For Emma, forever ago (4AD/Naïve)
Largué comme une vieille chaussette par une dénommée Emma, Justin Vernon, anéanti, s’est retiré dans les collines enneigées du Wisconsin, histoire de digérer et de mettre en chansons ce triste épisode. Bien lui en a pris, puisque porté par une voix qui tutoie les anges, une guitare à la sécheresse inventive, des arrangements lumineux et une chouette trompette, ce premier opus se fait l’écho définitif et merveilleux d’une chronique sentimentale et son irrecevable rupture. Beau à pleurer.
Raphaël Imbert Project
Bach Coltrane (Zig-Zag Territoires/Harmonia Mundi)
Entre le sacré et le mystique, la terre et le ciel, les musiques de Bach et de Coltrane possèdent, outre leur indéniable beauté, le parfum indicible du divin. Raphaël Imbert n’a pas eu peur de se frotter à ces deux monstres sacrés, les faisant cohabiter le temps de ce disque magnifique. Jazz ascensionnel et musique baroque, quartette et quatuor à cordes, ici la musique a rendez-vous avec la grâce, et elle interroge au passage notre propre manière de l’écouter et de la sentir. Magistral.
Midnight Juggernauts
Dystopia (Capitol/EMI)
Sur le créneau indie/dance (ou comment placer l’énergie du rock au cœur du dancefloor), tout un tas d’excellents premiers albums sont sortis cette année : Late Of The Pier, Metronomy, Foals, Friendly Fires… Des groupes 100 % anglais. Si l’on ne devait en retenir qu’un, ce serait l’exception qui confirme la règle : les Midnight Juggernauts arrivent d’Australie, patrie du label Modular dont ils suivent la ligne de conduite (capitaliser sur l’héritage des Daft). Hédoniste et glam.
Get Well Soon
Rest now, weary head, you will get well soon (City Slang/Pias)
On ne remerciera jamais assez Radiohead pour avoir déréglé la pop, explosé ses murs (du son) et ses frontières. Preuve en est avec le tout premier ovni de l’Allemand Konstantin Gropper, homme-orchestre de Get Well Soon, qui sonne souvent comme si Thom Yorke s’était mis en tête de chanter sur le prochain Beirut, accompagné d’Arcade Fire, avec Sufjan Stevens à la production. Monumental, lyrique et vertigineux, voici la bande-son rêvée et officielle de toutes les convalescences.
Loco Dice
7 Dunham Place (Desolat/La Baleine)
Et au rayon « club », que s’est-il passé ? La techno minimale commence à s’essouffler. En face, l’électro saturée de Justice et consorts ne fera pas long feu. Un retour aux sources est nécessaire. Le revival deep-house avait marqué 2007 avec des maxis, des compiles mixées. Les albums sont tombés cette année : le Luke Solomon notamment, expérimental, groovy, et surtout le Loco Dice, ouaté, solaire, sensuel au possible, un hommage hi-tech à la house des origines. Magnifique.
Lonely Drifter Karen
Grass is singing (Crammed)
En 2008, au rayon féminin, il y avait le cabaret baroque de Baby Dee, la pop intemporelle de Frida Hyvönen, le charme d’Emiliana Torrini et le folk râpeux d’Emilie Jane White. Mais c’est d’Autriche que nous est parvenu le disque le plus frais de l’année. On trouve chez la belle Karen tout ce qui fait le charme désuet des comédies musicales d’après-guerre : des mélodies simples et accrocheuses, et une voix qui mime aussi bien la candeur que la sensualité. C’est beau, drôle et léger à la fois.