Bilan: les 10 disques de l'année
1/ Patrick Watson – Close to paradise (Secret City Records/V2)
L’effet quasi surnaturel que provoque le second opus de Patrick Watson réside dans une association hétéroclite entre songwriting folk, musique improvisée, electronica discrète, chants de sirènes, bouffées beatlesiennes et harmonies classiques. Chez d’autres, moins pointilleux quant à la décantation et l’association de tous ces arômes contradictoires, le résultat pourrait vite tourner à la piquette. Mais l’élémentaire Watson possède une vraie recette qui est la marque des très grands. Déjà un classique ?
2/ LCD Soundsystem – Sound of silver (DFA/EMI)
Evidemment, on l’attendait de pied ferme. Le premier album du projet emmené par le New-Yorkais James Murphy était arrivé en tête de notre bilan 2005 : un lifting imparable du son de la Grosse Pomme dans ses années fastes (disco, punk-funk) avec des accents pop pour mettre tout le monde d’accord. Celui-ci est moins évident – tant mieux – et continue de creuser le passionnant sillon des musiques « bis » (de Can à Brian Eno). Une certitude : le fer de lance de l’écurie DFA est loin d’avoir tout dit.
3/ Queens Of The Stone Age – Era Vulgaris (Interscope)
C’est une histoire qui commence dans le désert californien, à base de défonce bon marché, puis prend une tournure inattendue avec le fameux Songs for the deaf. Depuis, les têtes brûlées de QOTSA ont emmené le stoner-rock dans des directions inédites : des harmonies vocales insensées viennent se greffer sur des riffs obsessionnels, eux-mêmes portés par une rythmique éléphantesque au groove de plus en plus insidieux. C’est solaire, intense, dément, et terriblement dangereux pour vos cervicales.
4/ Alela Diane – The pirate’s gospel (Fargo)
Au pays des merveilles, l’enchanteresse Alela Diane use de son timbre magique comme d’une baguette argentée. On navigue ici dans la douceur cotonneuse et sensuelle de nos premiers émois, et l’on voudrait garder jalousement ces douces mélopées, comme autant de secrets qui éveillent en nous ces sentiments que l’on croyait éteints. Faites de la place dans votre discothèque, juste à côté de vos disques de Cat Power : une nouvelle fée accompagnera vos rêveries les plus intimes.
5/ Jens Lekman – Night falls over Kortedala (Secretly Canadian/Differ-Ant)
Voici la musique idéale pour séduire vos amies les plus sensibles (ou vos copains les plus extravertis). Cette pop joyeuse et mélancolique est irrésistible, sucrée, raffinée comme la meilleure cuvée de Belle and Sebastian, avec un petit côté grandiloquent que ne renieront pas les amoureux d’Antony ou de Rufus Wainwright. C’est de la pop comme on l’aime, celle qui nous fait sourire et qui nous rend heureux, celle qui est si légère qu’elle en devient fragile, celle qui chante notre jeunesse éternelle…
6/ Apparat – Walls (In Finé/Discograph)
Au rayon pop électronique évanescente et rêveuse, on avait eu, l’an passé, Thom Yorke. Et vu l’empressement avec lequel les fans de Radiohead viennent de remplir, en quelques heures, les deux prochains concerts dans les arènes de Nîmes, on imagine que vous êtes quelques-uns à avoir kiffé son album solo. D’où l’intérêt d’investir dans celui-là, celui d’un jeune Allemand repéré aux côtés d’Ellen Allien, qui réussit à concilier approche avant-gardiste et format pop : une odyssée onirique à l’heure du numérique.
7/ Of Montreal – Hissing fauna, are you the destroyer ? (Polivinyl/La Baleine)
D’une incroyable complexité, le treizième (!) album d’Of Montreal est à la fois un petit chef-d’œuvre de pop azimutée et une expérience psychiatrique effrayante — quelles choses, quels pièges se cachent au détour d’un refrain ? Dans sa schizophrénie plurielle, Hissing Fauna… paume ses repères chez les Beatles, cherche des poux pop à Prince, ou bâtit avec les douze minutes krautpop de The past is a grotesque animal une impressionnante cathédrale surréaliste. Ceci n’est pas un disque !
8/ Tumi & The Volume – Tumi & The Volume (Sakifo Records)
Voici enfin le disque hip-hop que l’on attendait. Très éloigné des codes en vigueur, Tumi et sa bande partagent avec The Roots bien des points communs : un sens du groove imparable, un éclectisme à toute épreuve, et aussi cette formidable énergie que peut générer un groupe lorsqu’il ne se contente pas des outils électroniques. Ils viennent d’Afrique du Sud et représentent aujourd’hui ce que le hip-hop peut nous offrir de meilleur. Jamais l’Amérique et l’Afrique n’avaient été si proches.
9/ L.Pierre – Dip (Melodic/La Baleine)
Si la musique est faite de sons, c’est le silence qui l’aère, qui lui donne son rythme et son âme. Au petit jeu du minimalisme musical, L. Pierre, ancien membre d’Arab Strap, fait des merveilles : sa pop doit autant à l’ambient d’Eno qu’au jazz nordique et épuré du label ECM. Le ressac des vagues se joint aux sonorités organiques des instruments qui ont rarement raconté autant de choses en si peu de notes : l’eau, l’air, la terre… les éléments se mêlent pour toucher à l’universel. Un pur moment de grâce.
10/ Dondolo – Dondolisme (La Bulle Sonore/Differ-Ant)
Parmi les réels coups de cœur de la rédaction sur la scène locale, il y a eu cette année Danton Eeprom, le flamboyant. Mais Danton n’a pas (encore) sorti d’album. Dondolo, si : cet Aixois issu du collectif de vidéastes Respect is Boring, touche-à-tout doté d’une réelle personnalité artistique, aurait pu taper dans le mille avec sa pop synthétique à la fois drôle et cultivée, à la croisée (improbable) des univers de Jacno, Katerine et Visage. Pour le voir faire le grand écart entre Tracks et la Star’Ac, on attendra donc encore un peu…