Bilan : les 10 expos de l'année
N+N Corsino – Seule avec Loup (Espace muséal Villeneuve-Bargemon, à l’occasion du Festival de Marseille)
Une installation interactive saisissante où les moyens techniques mis en œuvre (son, image, processus interactif) sont au service d’un beau projet artistique. Danseurs virtuels et spectateurs-acteurs évoluent ensemble dans différents univers tous aussi intéressants les uns que les autres, se détachant des lois qui régissent le réel pour suivre les chemins féconds (et fécondés par le numérique) de l’imaginaire. Les artistes marseillais nous offrent une fois encore un voyage visuel, sonore et sensoriel captivant.
Joachim Mogarra – L’art de la figue (FRAC et Galerie Territoires partagés)
Face à la position de l’artiste, trop souvent théoricien, scientifique et un peu barbant, Mogarra opte pour un sévère retour en enfance et une dérision totale. Opérant par détournement, il fait de ses photographies des mises en scène miniatures, constituées d’objets détournés de leur destin oublié, puis scénarisées par l’ajout de légendes, pour former ainsi des ensembles sériels proches du story-board et de la BD. Il démontre ainsi que l’important dans l’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.
Laurent Dejente – Stations (La Traverse)
Le dispositif employé par l’artiste — un renversement de 90 degrés de l’image (photo ou vidéo) — et l’espace qu’il crée fonctionnent comme instruments d’expérimentation, comme points de tension du sens de la relation du corps au monde. La force de ces images est ainsi de faire en sorte que le procédé adopté, systématique, soit plus qu’une technique (renversante !) de fabrication. L’acte de basculement se déploie comme interrogation du sens physique et métaphysique de la place de l’homme dans le monde.
Denis Brun – Fan club 3000 (3bisF)
Hantant les espaces du 3bisf, les créations vidéo et installations monumentales de Denis Brun cohabitent de manière cohérente mais inexpliquée, de manière fictionnelle mais sensible. Expérimentateur fasciné et fascinant, l’artiste travaille à réduire l’espace entre les différents seuils d’appréhension du monde. Une fois digérées, les multiples influences qui dynamitent son travail (culture skate, New wave, Ready-made), portées par des effets de fascination pure, font de sa création une expérience unique.
Ouverture d’ateliers d’artistes (programmation : Château de Servières)
Une occasion rare et unique de découvrir les coulisses de la création, l’artiste dans son environnement quotidien, en proie au doute et animé par sa passion — autrement dit, dans une certaine vérité du travail (une exposition étant déjà une interprétation, un accrochage étant aussi un accident). Une manifestation à saluer, à encourager, à soutenir, d’autant qu’on la doit à l’association Château de Servières, qui promeut depuis dix-neuf ans — malgré un contexte difficile — la création et la diffusion de l’art contemporain.
Marie Thébault (Galerie des Grands Bain Douches)
L’esthétique mise en œuvre par Marie Thébault, l’association de la peinture et du dessin, le fonctionnement du support comme une scène où d’étranges créatures mi-humaines mi-animales se montrent, apparaissent, surgissent et se répondent, concourent à la création d’un univers tout simplement passionnant. Les pièces présentées nous font découvrir les strates de rêve et d’imaginaire qui composent avec le réel, ces fantômes visuels qui n’ont pas fini de nous hanter… En tout cas, on l’espère de tout cœur.
Pierre Malphettes – Un arbre, un rocher, une source (Galerie Buy Sellf Art Club)
Dans cette installation particulière, dont on ne sait si elle est constituée d’une ou trois œuvres, chaque élément est capable de recréer un environnement, un temps de la contemplation. S’aventurant sur les territoires des contes de fées, l’artiste questionne la place de notre potentiel imaginaire dans la société industrielle à travers des objets environnementaux, à ressentir. Il gagne ainsi en universalité et en objectivité, asseyant sa position d’artiste non seulement contemporain, mais aussi inscrit dans le monde dans lequel il vit.
Instants vidéo
En prise avec les pulsations du monde, ouvert aux nouvelles expérimentations en matière d’écriture visuelle et de multimédia, ce festival international est pensé et organisé comme un espace de rencontres, de découvertes et de confrontations — ce qui fait sa force. Pour sa vingtième édition, il a accueilli des artistes en provenance de cinquante-quatre pays, mis en place des espaces de discussion tout en présentant des productions étonnantes, qui dépassent les limites traditionnelles entre les disciplines et les médias.
Labo HO – Clément Laigle (Galerie-librairie Histoire de l’œil)
Chaque année, la galerie HO lance un appel à candidatures à l’attention des artistes et des architectes, qui permet au lauréat d’investir l’espace de la galerie ainsi que de la librairie qui la contient, en respectant la contrainte du lieu commerçant. Confrontation/concentration entre deux espaces, deux natures, deux publics. Même si l’installation de Clément Laigle a sans doute cédé trop de terrain aux livres (principe de réalité oblige), l’hétérotopie proposée était très efficace, plaçant le client dans une posture inhabituelle de spectateur.
Hommage à Roger Pailhas (Mac)
Cette exposition a eu le mérite de témoigner d’un état de fait : le monde de l’art est composé de multiples acteurs et Roger Pailhas, collectionneur, galeriste et marchand, était de ceux qui aménagent une rencontre entre les artistes, les œuvres et le public, misant sur les qualités et l’importance des œuvres nouvelles. Parmi celles présentées ici, plutôt conceptuelles, on retiendra les installations de Dan Graham et Pierre Huygue, ou encore l’imposante vidéo de Bernard Bazile, qui à elles seules méritaient le déplacement.