Bilan : les spectacles arts du geste de l'année (danse, cirque, art de la rue)
Mickael Clark Compagny – Mmm… (Stravinsky Project Part 2) (Parc Henri Fabre, Festival de Marseille)
Poursuivant sa relecture des ballets russes de Diaghilev, Mickael Clark livre une création originale et rageuse, provocante à souhait et non dénuée d’humour. Dans une chorégraphie acérée et précise, s’appuyant sur des mouvements très techniques et parfaitement interprétés, l’extravagant Britannique mélange rigueur classique et énergie punk dans un maelström visuel et sonore (Stravinsky vs les Sex Pistols) époustouflant. Glacé et sensuel, virtuose et jusqu’au-boutiste, un spectacle Mmm… savoureux !
Cirque Plume – Plic Ploc (J4. Programmation : Gymnase)
Tout commence par une fuite discrète au toit du chapiteau, qui va rapidement faire déborder la scène de prouesses et d’inventions ; un petit « ploc » qui suffit à lancer la formidable machine à rêver et à créer du Cirque Plume. Sur la scène peu à peu transformée en véritable miroir d’eau, régulièrement épongée, une dizaine d’artiste enchaînent avec jubilation les jeux d’eau, les jeux de main, les jeux de mots. Un univers baigné de poésie et d’humour pour un spectacle qui a de la fuite dans les idées…
Cie Ultima Vez – Spiegel (Parc Henri Fabre, Festival de Marseille)
Création-événement pour fêter les vingt ans de la compagnie Ultima Vez, Spiegel condense toute l’œuvre de Wim Vandekeybus. Inédit mais pétri de mémoire, le spectacle, qui puise sa force plus dans l’énergie que dans l’esthétique, permet de mesurer l’apport chorégraphique du Flamand depuis ses débuts. Via une danse très physique, toujours à la limite, charnelle et violente comme une bagarre, le chorégraphe belge montre la force du corps en exposant la fragilité de l’individu : impressionnant.
Cie Maguy Marin – Umwelt (Pavillon Noir)
Maguy Marin s’affirme une fois de plus comme une artiste exigeante et brillante avec cette chorégraphie-performance conceptuelle. Assez difficile d’accès, la création s’appuie sur des bases philosophiques et un rigoureux travail du corps (pas, jeu des accessoires, entrées, sorties, régularité parfaite, danseurs en symbiose totale), pour aller au-delà de la danse et du mouvement, et proposer un long moment de réflexion intense et provocant sur notre vie quotidienne. Une merveille.
Daniel Larrieu – Waterproof (Cercle des Nageurs, Festival de Marseille)
En inauguration du Festival de Marseille, les danseurs du spectacle d’Anne Frémy se remettent dans le bain. Créée en 1985 par Daniel Larieu, cette chorégraphie aquatique marque les débuts du mouvement dansé dans l’eau. L’émotion se conjugue avec la grâce. Travaillant sur la mémoire, authentique éloge de la lenteur et de l’apesanteur, ce spectacle, outre le plaisir des yeux, rappelle que nous venons tous de ce fluide, avant d’avoir été expulsés et précipités dans le monde. Ce n’est pas le moindre de ses mérites.
Collectif – Belladone (Gymnase. Programmation : Merlan)
Fruit de la concertation entre sept chorégraphes (Vandekeybus, Platel…) et sept professionnels qui dévoilent leur sexe par la digression du théâtre, Belladone nous offre, dans la multiplicité de ses propositions, un moment d’égarement, une réflexion sur le signifiant du corps et l’engagement de l’interprète. Utilisant les atouts de la scène pour donner à la nudité des airs d’ironie et une beauté étrange, la pièce emmène les formes sur des plages inconnues, dessinant de nouvelles peintures pour la tendance de demain.
Collectif K.O.com – Huit minutes de pose II (Daki Ling)
A partir de simples portraits photographiques et vivants, le collectif K.O.com imagine une chorégraphie où le corps se déplace au gré des images projetées sur trois écrans mobiles. Par des mouvements très écrits, les trois comédiens-danseurs cherchent à montrer la difficulté de saisir notre intimité sur une scène, lieu peu propice à l’abandon de soi et au « lâcher prise ». Un spectacle graphique et poétique qui pose des questions philosophiques simples mais essentielles sur nos vies si pressées…
Massimo Furlan – Numéro 10 (Stade Vélodrome. Programmation : Merlan)
Seul sur le terrain, avec pour unique costume le maillot de l’équipe de France floqué du fameux n°10 de Michel Platini, Massimo Furlan nous a fait revivre la demi-finale France-RFA de la coupe du monde 82. L’histoire se rejoue devant nous, public-supporteur, venu nombreux encourager le performeur suisse en ce lieu symbolique. Rarement proposition de « scène » n’a eu une telle dimension populaire, synthétisant un fait marquant de notre mémoire collective. Malgré le temps glacial, nous avons (re)vécu ensemble un drôle de moment.
Eldorado (Ballet Preljocaj), au Pavillon Noir
Ni paradisiaque ni candide, l’Eldorado de Preljocaj est une oasis peuplée de figures à la limite même de l’humain. Fruit d’une collaboration synergique (chorégraphie, costumes, musique, décors), la nouvelle création du ballet aixois comprend le corps comme une forme malléable et perméable, en quête perpétuelle de son incarnation, entre mythe originel et monde « extrême contemporain ». Réglé comme du papier à musique (celle de Stockhausen), le spectacle voit ainsi surgir par moments une belle fragilité.
Festival Olé ! Les 20 ans de la Cie Kéléménis
Le festival Olé nous propose une dizaine de créations dans différents lieux marseillais et des alentours. Un anniversaire en forme d’hommage à l’ouverture. Au terme de vingt ans de travail, la compagnie Kéléminis rassemble les créations qui ont marqué son histoire. A commencer par les fameux Aphorismes géométriques de la compagnie, basés sur le travail solo de quatre danseuses, mais aussi une reprise de Bagouet ou la présence de Maguy Marin. De grands noms pour en fêter un autre, symbole de l’ouverture artistique de la ville.