Cie du Mini-théâtre – Karl Max, le retour (Théâtre de Lenche)
Barbu et corrosif, Karl Marx est de retour, par le truchement du comédien Ivan Romeuf. Campé dans un décor qu’il installe lui-même au fur et à mesure, Marx vitupère, tempête, apostrophe. Contournant l’écueil de la leçon de morale grâce à un humour grinçant, il nous embarque dans des allers et retours entre l’argent d’aujourd’hui et les beaux jours de la révolution prolétarienne. En revisitant pour nous ses souvenirs personnels, ce Karl historique et historien nous gratte juste là où ça démange déjà.
Schaubühne – Hedda Gabler (TNM La Criée)
Thomas Ostermeier, électron libre du théâtre trash allemand, signe une époustouflante mise en scène. L’entreprise est pourtant périlleuse : mille fois revisitée, la pièce d’Ibsen a collé la migraine à plus d’un spectateur. Ici, le décor épuré devient vertigineux : à l’aide de miroirs qui nous transforment en voyeurs, le drame de l’amour et de l’ambition fantasmée prend tout son sens. Dans son ennui conjugué à la frustration, cette Hedda tragique est décidément singulièrement contemporaine.
Cie Microsillon – Fausse piste (Daki Ling)
Un parti pris burlesque avec du rire à décoiffer le brushing, c’est promis ! La mise en scène décapante de cette fausse piste prend de court, dans le bon sens. On se croirait dans un cartoon délirant pendant une heure, où le quotidien tue-l’amour d’un couple est ausculté dans ses moindres détails dérangés. Porté par Boris Arquier et Patricia Marinier, le spectacle nous balade dans des clowneries déjantées. Les jours de surdose de vitamine C, on leur ressemble peut-être. Inventif, jouissif.
Théâtre de Ajmer – Kafka, comédie (La Minoterie) et Gens de Séoul 1919 (TNM La Criée)
D’un côté, un plaidoyer passionné en faveur des monstres qui dérange jusqu’à la nausée, montrant un Kafka crucifié pour l’exemple du malaise occidental : volontairement sauvage et cru, un spectacle déconseillé aux âmes sensibles et aux ménagères de moins de cinquante ans. De l’autre, un deuxième projet « asiatique » attaché au texte du Japonais Oriza Hirata, rappel du contexte de l’insurrection coréenne avec au premier plan, un face à face entre colons japonais et domestiques coréens. Décidément, Franck Dimech déroute et enchante.
Cie des Pas sages – L’inattendu (Théâtre de Lenche)
Le monologue bouleversant d’une femme en deuil défrichant les sillons du souvenir. La solitude du personnage sur une scène épurée n’est interrompue que par les irruptions du chorégraphe Patrick Servius. A l’aide de bouteilles colorées qui sont autant de jalons d’une mémoire presque enfuie, elle va revivre un passé douloureux. Sa confession plonge au cœur des thèmes qui hantent l’auteur, Fabrice Melquiot : la guerre, la mort et la misère. Une attente au terme de laquelle elle pourra peut-être accueillir l’Inattendu.
Grand magasin – Ma vie (La minoterie. Programmation : Marseille Objectif Danse)
Des souvenirs minuscules et dérisoires égrenés par le duo François Hiffler et Pascale Murtin. On peut se reconnaître dans ce défilé de bribes qui nous ont tous marqués. Le procédé s’éloigne du risque de l’aléatoire, en trouvant sa pleine justification dans le jeu des personnages. Esquissant une danse, se croisant ou se séparant pour mieux se synchroniser, ils incarnent une mémoire qui finit par ressembler à la nôtre. Le souvenir se déforme ou se dilate pour mieux appartenir à notre histoire personnelle.
Cie Kaïros – Push (Friche la Belle de Mai, Théâtre Massalia)
Harlem : Precious Jones, seize ans, violée par son père, maman de la petite Mongo, enceinte de nouveau, illettrée, addict au crack. L’actrice Sophia Johnson fait du personnage du roman de Saphirre une icône de la douleur et de la dignité. La sobriété de la mise en scène de Jeanne Mathis, délicatement soulignée par l’éclairage d’Ivan Mathis, fait de ce spectacle un tourbillon d’émotions contre l’acculturation et pour la résilience par l’écriture de soi, sur fond de soul et de hip-hop. Saisissant.
Badaboum Théâtre – La Barbe-bleue (Badaboum Théâtre)
Une adaptation inspirée du conte de Perrault et du livret de Béla Balasz. La mise en scène de Laurence Janner livre un Barbe-Bleue et son épouse comme espionnés par le trou de la serrure. On se surprend à se mettre sur la pointe des pieds et à étreindre sa peluche favorite. L’intimité du couple mis à nu interroge en profondeur la capacité d’entente, le secret vécu et transporté dans la vie à deux. Poétique et semé d’extraits vidéo, le spectacle nous plonge au cœur des relations humaines.
Cie A travers l’étang – Hamlet exhibition (Bancs Publics)
Exercice de haute voltige pour le metteur en scène Thomas Gonzales, sélectionné pour la Biennale des Jeunes Créateurs 2007. Il propose de plonger le spectateur au cœur d’une réflexion sur l’idée même du théâtre et du répertoire en s’appuyant sur l’un des personnages les plus célèbres et les plus incarnés des planches. D’interrogations en déconstructions, cet Hamlet-là appuie sur l’instable et l’instant. Une évocation virtuose, où un Shakespeare revisité et restauré en sort comme dépoussiéré.
Cie Lanicolacheur – La lecture, ce vice impuni (La Minoterie)
Mobile et déambulatoire, écrit par Stéphane Olry et mis en scène par Xavier Marchand, cette Lecture est pour le moins déroutante. Un questionnaire portant sur les pratiques de lecture est disséqué, permettant de dresser le portrait de lecteurs qui pourraient nous ressembler. Les mille et une manières d’engranger du texte rappellent finalement des traits de caractère : de celui qui vole une phrase par-dessus l’épaule à celui qui chipe des livres entiers chez les autres. Lire, un acte militant.